Aujourd'hui, notre chroniqueur
Takato revient sur la nouvelle série animée de
Jojo's Bizarre Adventure, et plus précisément sur la première saison de celui-ci !
Mythe s’il en est, Jojo’s Bizarre Adventure fait partie de ces incontournables du shônen, un pionnier dans son domaine qui a inspiré plus d’un grand mangaka comme Yoshihiro Togashi ou Eiichiro Oda, mais aussi d’autres pans de la culture populaire japonaise comme la saga vidéo-ludique Persona. Pourtant, cette longue œuvre, qui a dépassé la centaine de tomes au Pays du Soleil Levant, n’avait jamais eu droit à une véritable adaptation animée complète, qui retracerait l’histoire de A à Z. Certes, il y a eu la série de 13 OAV, retraçant la troisième partie et parues entre 1993 et 2002, ainsi qu’un long métrage centré sur le premier arc qui fut boudé du public japonais, mais rien qui n’a su rassasier les fans. Mais à l’occasion des 25 ans de la saga, la bonne nouvelle fut dévoilée : Jojo’s Bizarre Adventure bénéficiera bien de sa propre épopée animée, qui devrait couvrir l’intégralité du manga… à condition que le public suive.
C’est donc en Octobre 2012 qu’apparut sur les petits écrans nippons le premier segment de cette nouvelle adaptation, un anime de 26 épisodes qui couvre à lui-seul les deux premières parties de l’histoire. En France, il faudra attendre le printemps 2014, soit la sortie de la suite de cet anime, pour profiter de celui-ci en japonais sous-titré français, via la plateforme Crunchyroll qui propose des VOD gratuites. Une aubaine pour nous, pourquoi bouder notre plaisir ?
Nous sommes à l’époque de l’Angleterre Victorienne. Jonathan Joestar, naïf héritier d’un riche Lord, voit apparaître face à lui un « frère », Dio Brando. Suite à une promesse de longue date faite au père de Dio qui lui a sauvé la vie, Lord Joestar a promis de prendre le jeune homme sous son aile, s’il lui arrivait quelque chose. Une rivalité houleuse nait rapidement entre les deux adolescents car si Jonathan, dit Jojo, est pur et aspire à devenir un gentleman, Dio est sournois et désire secrètement s’emparer de la fortune de la lignée. Cette dualité prend un tournant décisif lorsqu’apparaît un masque de pierre qui confère à son porteur des dons prodigieux… C’est ainsi que change le destin de la famille Joestar toute entière, qui trouve en Dio un ennemi héréditaire.
Ce premier anime de 26 épisodes adapte Phantom Blood et Battle Tendency, les deux premières parties du manga mais aussi les plus courtes, soit 12 volumes au total. En outre, les 9 premiers épisodes se chargent de retranscrire le premier arc, et les 17 suivants le second. Ainsi, si peu d’épisode pour tant d’opus permet d’entretenir un rythme extrêmement soutenu. Le récit ne perd jamais son temps et va à l’essentiel, quitte à supprimer ou raccourcir certains passages du manga, ce qui est notamment le cas de la première partie qui s’attarde bien moins sur la jeunesse de Jonathan et Dio que la version papier a pu le faire. Le risque était grand, notamment vis-à-vis du public de fans qui espérait une adaptation décortiquant le manga dans ses recoins, mais le pari est hautement réussi. Cela se ressent sur la première partie qui ne laisse jamais le temps au spectateur de respirer, et c’est tant mieux. C’est donc sans aucune difficulté que les épisodes s’enchainent tant l’aventure s’avère palpitante.
Ainsi, Jojo’s Bizarre Adventure, c’est un découpage en plusieurs arcs scénaristiques presque indépendants. Chacun d’entre eux présente son protagoniste ou sa troupe de héros, son antagoniste, son contexte, et c’est parti ! Un distingue alors une transition importante entre les deux segments de l’anime, lui permettant de se renouveler au moment opportun.
Le premier arc nous transporte dans un contexte d’Angleterre Victorienne où nous suivons la dualité entre Jonathan Joestar et Dio Brando. Le récit part de peu de choses : aucuns pouvoirs, juste une permanente jalousie que se renvoient les deux personnages clefs. Mais rapidement, l’intrigue et évolue et nous présente les deux premières mécaniques clefs de la saga : l’Onde et le Masque de pierre, deux pouvoirs opposés faisant de Jonathan et Dio des êtres hors du commun… ce qui impactera les descendants directs ou indirects des deux personnages. Cette première partie se présente comme un cours voyage initiatique pour Jonathan, qui se conclura par l’affrontement final contre Dio. La Vie est bien le thème de ce premier arc : Jonathan y murit, connaît la tristesse, la perte de compagnons chers, ainsi que la consécration de tout homme à travers l’Amour. L’Onde est le concept qui construit les deux premiers arcs et aboutit à des affrontements très « Kenesques » tant, à l’instar du héritier du Hokuto, les adversaires sont généralement des masses de muscles combattant avec leurs sentiments. Cette partie ne propose que peu de combats mais terriblement efficaces car teintés d’émotion et empreint d’une bonne dose de stratégie. A l’époque, Hirohiko Araki, le mangaka, n’en était qu’à ses débuts, mais nous sentions déjà que Jojo ne ferait pas la belle part qu’à celui qui a la plus grosse, mais à celui qui a la jugeote de l’utiliser correctement.
Les personnages de cette première partie sont particulièrement attachants et impactant. Du côté des « bons », Jonathan est l’incarnation de la droiture et nous ne pouvons qu’être de son côté, Zeppeli représente le mentor extravagant mais redoutable et Speedwagon le type qui ne sert à rien mais qui détient toujours la réplique perchée au point de faire rire le spectateur. Quant à Dio, principal ennemi de la saga, nous prenons plaisir à le découvrir et à suivre sa plongée dans les ténèbres. Le personnage étant l’un des antagonistes les plus marquants du nekketsu, suivre ses premiers instants est quelque chose de véritablement intéressant.
Arrivé à l’épisode 10, l’histoire de Jonathan s’est achevée… mais certainement pas la série qui entame sa deuxième partie. Nous ne sommes plus en Angleterre mais à New-York, il n’est plus question d’époque Victorienne mais des années 1930, et Jonathan laisse la vedette à Joseph Joestar, son petit-fils, manieur inné de l’Onde. Le destin de la famille rattrape Joseph lorsqu’il apprend le retour du Masque de Pierre que souhaiterait utiliser l’armée nazie. Se rendant au Mexique, il y découvre l’origine du masque, des créateurs connus sous le nom de « Hommes du Pilier », pourvu de capacités extraordinaires. Un nouveau combat commence alors, pour éradiquer le Masque de la surface de la planète.
Cette seconde partie se présente comme un road movie qui s’imprègne de nombreux éléments dignes des séries B. Les Hommes des Piliers sont mi vampires, l’armée nazie se mêle à la fête, et l’arc comporte de nombreuses scènes décalées portée par l’extravagant Joseph Joestar qui préfère achever son adversaire à l’AK47 plutôt qu’avec la digne force de ses poings. Si la tension dramatique reste présente dans cette nouvelle épopée, le ton est moins sérieux et de nombreuses séquences humoristiques sont au rendez-vous. Aussi, le dépaysement est total tant ces 17 épisodes nous proposent un long voyage, allant de New-York au Mexique en passant par des panoramas enneigés. Plus que jamais, on sent bien que Jojo souhaite se démarquer du classique paysage japonais pour nous proposer une virée à travers le globe.
Ici, les ennemis sont les Hommes du pilier et s’avèrent bien plus redoutables que Dio. L’inventivité des combats monte donc d’un cran tant le concept de l’Onde se développe afin de renouveler les affrontements. Nous suivons alors des séquences classiques du nekketsu, à savoir les entraînements suivis de combats importants, le tout face à des adversaires plus ou moins valeureux. On ressent ici qu’Araki, à l’époque de la parution de cette partie, a tiré la ficelle du concept de l’Onde au maximum, si bien qu’on comprend pourquoi il a voulu le délaisser par la suite, au profit des Stand.
Les personnages de Battle Tendency, nom donné à ce second arc, sont plus importants, notamment du côté des ennemis. Joseph est le nouveau héros et se trouve diamétralement opposé à Jonathan par son tempérament fougueux mais aussi couard. Caesar représente le rival et l’allié, une relation vis-à-vis de Joseph très intéressante, le tout sans oublier la superbe Lisa Lisa, femme fatale aussi mystérieuse que redoutable qui se démarque du rôle de la simple greluche inutile. Quant aux ennemis, les Hommes du pilier, au nombre de quatre, s’avèrent impressionnants mais aussi variés tant chacun a son caractère. On s’attache aussi bien à eux qu’aux héros même si ces ennemis s’avèrent peu développés, portant juste le rôle de vilains à abattre. En somme, cette deuxième partie reprend de nombreuses mécaniques de la première mais les exploite à fond, tout en intégrant une bonne dose de série B qui donne à Battle Tendency une dimension nanarde plaisante et tout à fait assumée.
David Production est un jeune studio, et c’est à lui que la tâche d’adapter fidèlement Jojo’s Bizarre Adventure est revenue. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le studio a rempli sa part du contrat. Bien que quelques instants soient abrégés ou supprimé, la réalisation n’entache jamais la compréhension, et le rendu est fidèle au possible à l’œuvre de Hirohiko Araki. Ainsi, le chara-design respecte le trait si particulier du mangaka, et c’est évidemment l’ambiance particulière et décalée de l’œuvre qui se transpose à merveille sur le petit écran. Visuellement, l’âme loufoque de Jojo apparaît par la retranscription des poses si emblématiques, mais aussi par la présence des onomatopées qui viennent apporter un côté bande dessinée permettant de faire le parallèle avec le manga, et bien entendu apporter un réel dynamisme lors de ces séquences. Les prouesses graphiques de David Production viennent alors gommer les quelques lacunes en termes d’animation, mais n’oublions pas que le studio a fait avec les moyens de bord… et s’en est très bien sorti !
Du côté des musiques, c’est un peu la pâte noire de la série, du moins en ce qui concerne les BGM. Celles-ci sont assez transparentes, bien que certaines d’entre elles parviennent à apporter une ambiance particulière aux combats. On accroche bien plus aux compositions chantées, notamment les génériques. Aux opening, nous accueillons deux compositions (une pour chaque partie) sonnantes comme une ode au kitsch et à l’ambiance rétro de la série, deux génériques d’ores et déjà devenus cultes. La petite pépite vient de l’ending. Nous savons que Araki a un goût prononcé pour le rock occidental, et que le manga en lui-même est truffé de références musicales. Ainsi, David Production a jugé bon de sélectionner la chanson Roundabout du groupe Yes, pour clôturer chacun des 26 épisodes de la série. Un choix osé, mais représentatif de la série ! Saluons aussi les quelques compositions chantées du rappeur Lotus Juice. Après avoir poussé la chansonnette pour Persona 3 et Persona 4 – The Animation, dont la saga globale est très inspirée de Jojo et notamment sa troisième partie, il est amusant de voir l’artiste revenir puis la franchise qui a engendré celle qui l’a propulsé.
Pour nous, français, seule une VOD de la série est pour le moment envisagée. Et, soyons honnêtes, une sortie matérialisée relève de l’utopie tant les ventes du manga sont à peine correctes. Néanmoins, grâce à la sortie de Stardust Crusaders, deuxième pan de l’adaptation animée, Crunchyroll nous fait le plaisir de nous proposer l’intégralité de la série, gratuitement, en version originale sous-titrée français. Et comme si cela ne suffisait pas, les deux longs métrages récapitulatifs de ces deux premières parties sont aussi accessibles sur la plateforme de l’éditeur… Que demander de plus ? Ainsi Jojo est à portée de main, et gratuitement. Il n’y a donc plus d’excuse pour passer à côté de ce monument du nekketsu.
Les fans en ont rêvé, David Production l’a fait. Jojo’s Bizarre Adventure a droit à une adaptation animée fidèle, et celle-ci est au-delà de nos espérances. L’ambiance du manga est parfaitement retranscrite grâce à la réalisation audacieuse et soignée, et les quelques coupures du manga ne posent aucun problème de fidélité. Ainsi, voici l’occasion idéale pour les férus d’animation japonaise de découvrir cette longue saga d’aventure et d’action. Gageons que depuis Avril 2014 est diffusé Jojo’s Bizarre Adventure : Stardust Crusaders, adaptation de la troisième partie du manga et par conséquent suite directe du premier anime, qui devrait totaliser une cinquantaine d’épisodes.