Interview - Kana

A l'occasion de Japan Expo, nous avons eu le plaisir de rencontrer Christel Hoolans, directrice éditoriale chez Kana. Voici le compte-rendu de notre entretien...
Parmi toutes les informations, on peut pourra notamment relever la sortie en mars prochain des Pieds bandés, un one shot de Li Kunwu, l'auteur d'Une Vie chinoise.

Bonne lecture !
  
 
 
 
Manga-News: Bonjour Christel ! Vous représentez les Éditions Kana, l’éditeur manga du groupe Media-Participations pour cette interview. Pourriez-vous commencer par vous présenter en quelques mots ?
Christel Hoolans : Bonjour, mon nom est Christel Hoolans, je suis chez Kana depuis sa création, en 1996. J’ai débuté comme assistante éditoriale, puis je suis passée directrice de collection, puis directrice éditoriale adjointe, où j’alimentais un peu toutes les collections. Et aujourd’hui, cela fait 4 ans que je suis directrice éditoriale pour le manga. Je suis aussi directrice éditoriale adjointe pour Dargaud Benelux.


Alors que les éditeurs de manga commencent doucement à baisser leur production, ou du moins la maintienne, on remarque chez vous pour l’instant une politique inverse, avec une forte augmentation. On enregistre notamment 150 sorties en 2010 et 200 en 2011. Pourquoi en arrivez-là dans la situation actuelle du marché, qui est assez encombrée ?
En réalité, les sorties actuelles sont des licences que nous avons achetées très tôt. Avant, nous achetions après la sortie de cinq/six tomes au Japon, donc nous avions une bonne idée du sujet, et même de la durée de vie de la série. Aujourd’hui, dès le premier chapitre, il faut se mettre sur les rangs, même si on attend évidemment que le livre soit édité avant de faire une vraie offre de licence, ce qui nous donne évidemment très peu de visibilité sur l’évolution de la série et diminue la capacité de prévision sur son futur. Néanmoins, nous avons une vraie volonté de diminuer les sorties mensuelles, vous pourrez le voir en 2013, avec une nette diminution. Cependant, freiner les achats de licence est plus compliqué que cela en a l’air. Entre le jour où on se dit qu’on va baisser la production et le moment où on en voit les effets, il s’écoule au moins deux à trois ans. Un paquebot met plus longtemps à freiner qu’un yacht (rires). Et dans notre cas, nous avons beaucoup de licences à gérer. C’est plus facile pour un plus petit éditeur qui a moins de titres. Nous avons des séries très longues, hélas pour certaines. Car nous perdons beaucoup d’argent dessus. Mais c’est contractuel et respectueux de l’auteur et du lecteur, donc nous les menons à leur terme et nous allons honorer tous nos contrats. Cependant, il y a plein de séries pour lesquels je ne connais pas le nombre de tomes au final. Il y a une véritable volonté de freiner, mais ça prend du temps. Il n’est en tout cas pas question d’arrêter une licence en cours de route.


Vous avez perdu pas mal de parts de marché, notamment depuis que vous avez presque rattrapé la parution de Naruto et sortez donc moins de tomes. Y-a-t’il d’autres facteurs liés au marché ?
En fait, hors Naruto, nous enregistrons une progression. Nous ne sommes pas du tout en crise. Naruto pèse énormément dans notre catalogue, donc évidemment quand il n’y a pas de sortie ou qu’on passe de six nouveautés par an à trois, ça fait une différence dans les comptes. Cependant, si on perd au niveau des parts de marché par Naruto, on progresse malgré tout grâce à nos nouveautés.
 

Et quels sont les titres concernés ?
Ce qui nous fait progresser, ce sont des titres comme Pluto, Bakuman, Hunter x Hunter, Black Butler et Buster Keel. Pour nos dernières sorties, c’est un peu difficile à dire, c’est trop récent bien sûr. Mais ces séries-là nous font progresser, c’est certain.
 


L’éditeur Shueisha, via Kazé, est de plus en plus présent sur le marché. Il a été annoncé que Kazé aura dorénavant priorité sur tout le catalogue. Quel impact cela aura-t-il pour vous sur l’achat des licences ? Est-ce que cela va vous poser des problèmes, et comment comptez-vous rebondir par rapport à cela ?
Évidemment, je ne vais pas vous dire que ça nous fait plaisir. C’est pas super-drôle comme annonce. Maintenant, il faut relativiser. Dès le moment où Shueisha est venu s’installer en France, et avant cette annonce officielle, nous en avions déjà ressenti les effets. Par exemple, nous avons fait quelques offres qui nous ont été refusées. Alors bien sûr, nous n’avons jamais été prioritaires, comme peut l’être Pika chez Kodansha, entre lesquels il existe un vrai accord. Nous avons toujours été en concurrence avec d’autres, mais c’est vrai que nous avions (et avons toujours jusqu’ici) des relations rapprochées avec Shueisha. Donc depuis deux ans, nous avions ressenti un changement de direction et nous nous sommes déjà plus ou moins armés. L’annonce officielle n’a fait que confirmer une situation pré-existante.
Nous avons aussi d’autres partenaires que Shueisha. Il est vrai néanmoins que les titres Shueisha sont des tube-makers en puissance sur le marché francophone, même si aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas, sauf sur des séries historiques. Mais les temps ont changé et je crois que si on publiait Naruto aujourd’hui, il ne serait pas le best-seller qu’il est actuellement, je ne pense pas qu’il ferait un tel carton. La conclusion cependant, c’est qu’il va falloir trouver un best-seller ailleurs. Heureusement nous avons d’autres partenaires historiques et nous nous sommes un peu préparés. Nous n’avons jamais mis tous nos œufs dans le même panier. Pour finir, Kazé Manga ne va pas pouvoir éditer non plus toutes les séries de tous les magazines Shueisha. C’est juste infaisable, aucun éditeur ne peut le faire.
Kazé Manga va éditer en novembre un spin-off de Naruto, qui met en scène le personnage de Rock Lee. Nous nous étions mis sur les rangs, et c’est à ce moment-là qu’ils ont fait leur annonce officielle. Ca va donc être le cas de tous les spin-off s'ils ne sont pas de l’auteur original. Maintenant on le sait, et il va falloir aller chercher les best-sellers ailleurs, parce qu’il est clair maintenant qu’on n’a plus aucune priorité chez Shueisha. La question reste néanmoins sur ce qui fait un best-seller en France, parce qu’on le sait, un titre qui vend bien au Japon ne vend pas forcément bien chez nous. Donc il faut continuer à avoir un bon nez, et un peu de chance aussi. Je crois cependant que nous ne sommes pas les plus à plaindre dans le contexte actuel, Kana se porte bien ! Et nous avons cette volonté de calmer le jeu au niveau des sorties, tout en continuant à avoir l’oeil. Et de toute façon, rien n’est gravé dans le marbre avec les Japonais, donc ils peuvent changer d’avis aussi… Qui sait ?


Certains éditeurs ont réagi à cet état de fait, en faisant de la création par exemple, en travaillant directement avec des auteurs japonais...
Chez Kana, nous faisons de la création depuis très longtemps, et nous continuons à en faire, mais ce n’est pas le but ni le fond de notre catalogue. Généralement, nous reportons la création dans notre métier d’éditeur de bandes-dessinées, où là nous ne faisons que de la création. Donc nous avons moins tendance à mettre de la création dans Kana, parce que ce n’est pas le but de ce label. Par contre, nous le faisons suite à de belles rencontres qui nous donnent l’envie de faire un bouquin. Ne pas publier Li Kunwu, auteur de Une Vie Chinoise aurait été stupide parce que l’auteur est extraordinaire et qu’il raconte une vie extraordinaire. Et nous continuerons à travailler avec lui, notamment à travers  deux one shot à paraître l’année prochaine dont Les Pieds bandés à paraître en mars 2013. Nous avons également publié Junko Kawakami, Keiko Ichiguchi, Little Thunder...
Kylooe de Little Thunder a d’ailleurs gagné plusieurs prix dans le monde. En janvier 2013, nous publions le carnet de voyage en BD de Garu Terada en balade à Angoulême: Deux mangakas à Angoulême. Nous avons aussi fait des rencontres avec des auteurs japonais comme Toru Terada qui a collaboré avec Jean David Morvan et qui ont fait Le Petit Monde, qui a été publié chez Dargaud. Ou Huang Jai Wei, un auteur incroyable de la scène actuelle chinoise dont on a publié Zaya et qui est aujourd’hui publié chez Shueisha. Mais ça reste davantage de l’ordre du coup de cœur qu’une opportunité de développement commercial. Et puis, nous sommes assez atypiques par rapport à nos concurrents mangas, dont les éditeurs sont généralement en focus complet à 100% sur le manga.
  



Beaucoup d’éditeurs se tournent aujourd’hui vers le manga jeunesse, comme Kurokawa par exemple, et la meilleure vente de Kazé Manga est Beyblade. C’est donc un secteur prometteur, envisagez-vous de vous engager aussi dans cette voie ?
À titre personnel, je trouve cela super intéressant comme idée et je trouve malin d’aller dans cette direction. Néanmoins, chez Kana, ça ne fait pas partie de nos projets à l’heure actuelle. Nous avons fait des tests précédemment avec Mirumo, par exemple, mais cela s’est avéré un échec. Mais nous ne regrettons pas du tout de l’avoir édité parce que nous trouvons cette série géniale. Nous avons édité Doraemon aussi, qui lui est toujours en cours, et qui ne marche pas très bien non plus. Sans doute le côté old-school du dessin en rebute certains. Bref, à l’heure actuelle, nous n’avons pas l’intention de créer une catégorie pour enfants, non. Nous avons d’autres choses en tête.
 
 
Certains éditeurs, comme Pika, proposent déjà une offre numérique conséquente. Vous entrez dans cette voie avec Izneo. Quel est exactement votre position par rapport au numérique ?
Média-Participation est le premier groupe a avoir créé une plate-forme numérique en Europe pour la BD : Iznéo. Elle reste actuellement la première plate-forme européenne en numérique. C’est Média-Participation qui a fait l’investissement, mais Iznéo est aujourd’hui une société indépendante et représente 20 éditeurs francophones de bandes-dessinées, dont Kana depuis le début. Cette plate-forme existe depuis mai 2010, et toutes les créations Kana sont sur Iznéo depuis ce moment-là. Iznéo est vraiment comme un laboratoire, parce que c’est neuf et qu’il n’y a rien qui décolle particulièrement actuellement. Les lecteurs français ne semblent pas ou peu attiré par l’achat de livres numériques. Nous ne faisons pas de gain actuellement mais c’est un investissement indispensable si on ne veut pas vivre ce qu’a vécu l’industrie de la musique, qui s’est fait débordée par le numérique et finalement en est morte. C’est un des gros investissements de Média-Participation ces dernières années. Actuellement, nous n’avons pas les droits numériques des licences papier que nous publions. Maintenant que les initiatives ont fleuri un peu partout, les éditeurs japonais semblent tenter de les céder aux partenaires sur place. Donc ils s’y intéressent, ils observent, et ils prendront leur décision. Avec Shueisha, cela fait deux ans que nous travaillons dessus. Aujourd’hui tous les titres Kadokawa que nous éditons en papier sont également lisibles sur Izneo. Certains titres de Enterbrain également. Bientôt d’autres suivront.
Actuellement, les Japonais ne sont pas satisfaits de la qualité numérique proposée aux lecteurs européens. Ils souhaitent imposer leur format et leurs players. Ils ont raison sur le fond, la lecture de manga nécessite des players adaptés, qui lisent dans le bon sens, qui zooment dans le bon sens, qui permettent la double page à laquelle les Japonais tiennent beaucoup, à raison...


L’année dernière, le gouvernement de Nicolas Sarkozy promulguait une hausse de la TVA, et les éditeurs manga ont augmenté leur prix en conséquence. Aujourd’hui, le gouvernement de François Hollande prévoit de la baisser à nouveau. Est-ce que cela va changer quelque chose pour vous au niveau de votre politique tarifaire ?
Nous comptons parmi les éditeurs les moins chers du marché, avec Tonkam et Kurokawa. Même après l’augmentation due à la TVA, nous sommes restés les moins chers. Kana fait partie d’un groupe, et ce n’est donc pas Kana qui décide seul des hausses de prix, mais le groupe. Un avantage, si l’on peut dire, de cette augmentation de prix, c’est que cette hausse signifie aussi que nous ne devrons plus augmenter nos tarifs dans les prochaines années. Si on jette un œil en arrière, Kana a jusqu’ici augmenté ses tarifs tous les trois ans à peu près, et seulement de quelques centimes à chaque fois. Nous n’avons jamais fait des écarts de deux euros comme certains autres éditeurs. Et si on tient compte de l’augmentation du prix du papier, de l’impression, ce n’est vraiment pas démesuré. Néanmoins, sans l’augmentation de la TVA, nous n’aurions pas augmenté nos prix si rapidement après la précédente augmentation. Maintenant, nous avons été obligé de le faire, afin que le libraire n’ait pas à prendre en charge le prix de la TVA, surtout dans un marché qui se porte moyennement bien. Nous n‘avons pas décidé cette augmentation de gaieté de cœur, mais nous restions cohérent malgré tout.


Avec le label Kiko, vous comptez parmi les rares éditeurs de manga qui se positionnent sur des ouvrages plus culturels, et qui ne s’adressent pas uniquement aux lecteurs de manga. Est-ce que ce label parvient à trouver son public ?
C’est effectivement un label moins « public manga pur », c’est lu aussi bien par des fans de mangas que des gens qui ne connaissent rien en manga. L’idée derrière ce label, c’était un peu de nous faire plaisir. De nouveau, on y va plutôt au coup de cœur. Nous avons rencontré Keiko Ichiguchi qui nous a raconté toute l’histoire qu’elle a vécu au Japon, et nous avons bien accroché. Nous avons rencontré Philippe Buchet au Japon et il nous a écrit Petite épopée nippone. C’eut été dommage de ne pas l’éditer, non ? Le Japon en un coup d’œil, c’est un bouquin que nous trouvons extra, destiné aussi bien à ceux qui lisent du manga qu’à ceux qui partent au Japon ou rêvent de partir au Japon. Parce que c’est super rigolo et ce n’est pas un banal guide de voyage. C’est vraiment des coups de cœur, et le but derrière n’est vraiment pas commercial. Ce catalogue se construit vraiment au gré des rencontres et nous n’avons pas de plan bien précis derrière. Quand nous avons une opportunité intéressante, nous publions et c’est tout. Nous avons la chance d’avoir un best-seller, nous nous devons d’éditer des livres plus risqués. Et puis c’est le métier même d’éditeur. L’argent que nous gagnons grâce à Naruto nous donne l’opportunité de tenter d’autres choses qui nous semblent indispensables ou qui nous tiennent vraiment à cœur. Nous avons publié Kamui-Den, par exemple, en gros format, dans la collection Sensei. Nous nous doutions bien que nous n’allions pas faire un carton, mais c’est une des pierres angulaires du manga d’aujourd’hui, et ça nous semblait indispensable de le présenter au public francophone.
 
   
 
Vous avez lancé cette année deux titres atypiques, Bonne nuit Punpun et I am a hero. Comment se sont faits ces choix ?
La base de notre catalogue a toujours été le shônen, tout en gardant cette volonté de faire découvrir des choses très différentes, plus adultes en parallèle. Inio Asano est un auteur qu’on suit depuis longtemps et qu’on adore. Or, nous sommes toujours très fidèles aux auteurs que nous apprécions. Quand les Japonais nous le permettent évidemment… d’autant plus que Asano n’est pas toujours chez le même éditeur… Pour moi, Asano est un auteur incontournable, contemporain, qu’il faut avoir lu. Bonne nuit Punpun est déroutant il est vrai, différent de ce qu’Asano a produit auparavant. Très honnêtement, nous avons réfléchi très longtemps, nous avons d’ailleurs acheté la série quand elle était déjà très avancée. Mais nous aurions regretté de voir le titre édité par quelqu’un d’autre. C’est un peu un titre passerelle, qui peut intéresser les gens qui ne lisent pas forcément du manga. C’est un titre déroutant, peut-être compliqué, mais incontournable en ce qui me concerne. Asano a une façon de parler du Japon, de la vie contemporaine dans ce pays, il remet tout en question, il a un superbe trait aussi… Et puis l’histoire du garçon m’a beaucoup touchée. Le fait que le héros et sa famille soit sous forme assez abstraite est bien sûr déroutant, mais si on rentre dedans, c’est vraiment un excellent titre. Asano ose aborder des sujets dont on ne parle pas du tout au Japon, de façon assez crue, et je trouve ça extra, vraiment incontournable.
Pour I am a Hero, c’est vraiment un coup de cœur aussi. Si vous avez lu le tome 1, vous ne savez pas du tout où vous allez. Quand nous l’avons découvert, nous ne savions pas que c’était dans le genre zombie (même si ce n’en sont pas vraiment) mais nous avons flashé dessus et nous nous sommes dits qu’il nous le fallait. Le dessin est hallucinant, et son espèce d’anti-héros loser qui a l’air complètement cinglé… C’est plein de promesses et ça va t’emmener dans un truc de dingue. Et puis le retournement de situation à la fin du tome 1 a achevé de nous convaincre. J’ai adoré personnellement I am a Legend, aussi bien le livre que le film, donc je me suis fort retrouvé dans I am a Hero. Et puis l’auteur bouscule le genre zombie, dans la façon dont il découpe son histoire, ses focus, ses très gros plans, je trouve qu’il a une manière vraiment particulière de marquer le lecteur, qu’on aime le genre zombie ou pas. Je n’ai pas l’impression que c’est un titre vraiment casse-gueule, et jusqu’ici nous avons une très bonne presse.
 
 

Dans la même veine, un petit aparté sur Zettai Karen Children, nouveau shônen fleuve qui est sorti cette année. Malgré ses nombreuses qualités, il s’agit tout de même d’une série particulière, au trait un peu old-school et surtout fort longue et toujours en cours. Aussi excellente soit-elle, n’était-ce pas un peu risqué dans la tendance actuelle de sortir une telle série ?
En fait, c’est une histoire de contexte et de mise en perspective. Quand on commence à travailler sur une série avec un éditeur japonais, on ne peut plus faire marche arrière. Zettai Karen Children, c’est une énorme licence pour Shogakukan et nous avons commencé à la négocier il y a quatre ans. Après, une fois que l’accord aboutit, quelque soit la situation et le marché, tu te débrouilles, mais tu l’édites. Personnellement, j’aime beaucoup la série, peut-être que le côté old-school du dessin rebute quelques personnes, mais honnêtement, quand tu l’as lu, dans son genre c’est un titre très fun, très frais et très bien fichu. C’est des bonnes enquêtes, les gamines sont de vraies pestes bien comme il faut. Je trouve vraiment que c’est bien fait et assez dans l’air du temps.
 

 
 
Cette année marque le dixième anniversaire de Naruto. Pour l’occasion, vous avez fait paraître la version collector grand format de la série, qui couvre les 27 premiers tomes. A-t-elle reçu un bon accueil ?
Non. En tout cas pas à la hauteur de nos attentes. On pensait honnêtement que cela allait cartonner. Parce que c’est l’édition originale de Naruto, parce qu’il paraît sous ce format dans le Jump, parce qu’il y a aussi des goodies dans chaque tome, etc. En plus, c’est un tirage unique, donc limité, et c’était quelque chose qui n’avait jamais été fait. C’est vraiment un truc de fan. En plus, honnêtement, nous n’avons eu que des retours positifs sur l’édition, sur la qualité du papier... C’est vraiment un produit pour les fans, et les fans n’apprécient pas beaucoup que tu touches à l’original. Ils sont très regardants là-dessus. Nous avons donc fait un copié-collé. Cela a exigé un travail éditorial inédit, vu que nous n’avions jamais imprimé un livre comme celui-ci, contrairement à la Shueisha qui fait ça toutes les semaines. Par ailleurs, nous ne possédons pas les machines adaptées. Nous avons donc dû faire un travail de recherche sur la technique et trouver un imprimeur capable de le faire. La reliure aussi a demandé du travail vu qu’elle nécessite une technique spéciale. Donc ça a demandé beaucoup de boulot. Tout cela pour un prix de vente plutôt modique. Cette édition du collector s’inscrit dans une année tout au long de laquelle nous avons fêté les 10 ans de Naruto et qui est une grande réussite. Chaque mois de l’année a été rythmé par un événement autour de cette série phare et nous sommes globalement très contents du résultat.
Les versions deluxe quant à elles fonctionnent bien. Monster, malgré qu’il s’agisse d’une série assez ancienne, a bien marché dans ce format. Et là, c’était vraiment la version Perfect, avec des planches retouchées par l’auteur. Même si Urasawa est un peu une exception à la règle. La version collector de Naruto par contre, pour la France, c’est quelque chose qui ne colle pas avec la conception du manga et du livre en général. Il existe une version semblable pour Hunter x Hunter et Bakuman aussi, et il est envisageable qu’on retente l’expérience, mais sans doute autrement. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Ce n’est pas non plus un échec total. Loin de là. Mais c’est moins qu’attendu.
  
 


Vous êtes de plus en plus présent sur le net, via facebook, twitter, un blog, et évidemment le site internet et son forum. Est-ce que le lectorat est réceptif à votre grande présence sur le net ?
Déjà, nous sommes les premiers éditeurs à avoir créé notre propre site pour nos mangas, avant les années 2000. Nous nous sommes toujours construits autour de cet aspect communautaire, notamment le forum. Laisser les gens discuter librement, sans modérateurs, ce qui a toujours très bien marché. La nouveauté peut-être, c’est notre présence massive sur les réseaux sociaux. Nous avons le sentiment que notre présence sur ces réseaux apporte vraiment quelque chose. La communauté manga aime avoir l’info le plus rapidement possible. Donc ces réseaux apparaissent comme incontournables de nos jours. Dans notre politique de communication, ces moyens technologiques ont pris une importance considérable. Nous avons également ajouté à la panoplie web un site marchand sur Mangakana, qui a bien sûr du mal à rivaliser avec des structures comme Amazon, mais qui a tout son sens aujourd’hui. Cela reste de toute façon une très belle vitrine, pour nos mangas et nos dvds. Nous avons d’ailleurs une personne à temps plein qui travaille à ce niveau de la communication. Je crois qu’un éditeur aujourd’hui doit utiliser ces moyens, s’il veut rester visible. Par ailleurs, nous trouvons intéressant d’interagir directement avec la communauté. En étant installé en Belgique, nous sommes un peu décentrés et nous nous sommes peut-être un peu éloignés de ces gens-là, et même de notre réseau de libraires spécialisés, chez qui nous ne passons pas toutes les cinq minutes comme le font sans doute d’autres éditeurs. Cela nous semblait important de renouer les liens avec cette communauté.


Et une dernière question générale pour conclure : comment se profile la fin de l’année 2012 et le début de 2013 pour Kana ?
Nous avons déjà annoncé Master Keaton en version Deluxe à la JE et nous espérons le sortir début 2013. Gamaran qui est sorti en septembre est aussi un gros shônen pour nous, tous les gens qui l’ont lu l’adorent et on y croit beaucoup. On adore aussi Hiroyuki Takei, c'est pourquoi nous allons proposer les deux Jumbor Angzengban. Et puis un nouveau Jiro Taniguchi, Trouble is my business, sortira l’année prochaine. Et pour le reste, comme annoncé au début de cette interview, on calme le jeu. Nous profitons de nos licences déjà lancées et nous tentons de les soutenir, et qu’elles ne s’effacent pas dans la masse. Et bien sûr plein d’autres surprises, comme d’habitude.
 



Merci Beaucoup !
Merci !
 
 
Remerciements à Christel Hoolans, Emmanuelle Philippon, Gabriel Venet et aux éditions Kana.