Vivre dans la peur - Collection Akira Kurosawa - Les années Tōhō - Actualité anime

Vivre dans la peur - Collection Akira Kurosawa - Les années Tōhō : Critiques

Critique du dvd : Vivre dans la peur - Collection Akira Kurosawa - Les années Tōhō

Publiée le Lundi, 13 Mars 2017

Akira Kurosawa a-t-il réalisé des films mineurs ?
On peut se poser la question, étant donné que certains de ses films sont plus légendaires que d'autres : Rashômon, Les sept samouraïs, plus gros budget nippon à l'époque, Barberousse, Ran et Kagemusha très diffusés en occident... Et pourtant, en explorant un peu plus en détail sa filmographie, on tombe sur des films d'une incroyable puissance, pourtant beaucoup moins connus. C'est le cas de Vivre dans la peur, sorti en 1955 et réédité dans sa version restaurée chez Wild Side.



Ce film est déjà historiquement intéressant, car il s'agit du premier long-métrage japonaise post-Seconde Guerre mondiale à évoquer aussi frontalement les marques qu'ont laissées les attaques nucléaires dans la psyché des Japonais. Comme le rappelle le contenu éditorial de Wild Side, les États-Unis étaient encore tuteurs du Japon à cette période, et imposaient une censure sur ce sujet. Akira Kurosawa, connu pour sa propension à peindre les obsessions de l'âme humaine (sûrement issue de ses propres tourments), entre ici en résonance avec son sujet, et a donné naissance à un film bouleversant.



L'histoire de ce patriarche terrorisé par la menace d'une guerre nucléaire, et qui veut exiler sa famille contre son gré, met très vite le spectateur en empathie avec le personnage interprété par Tôshiro Mifune. Si certes, il est décrit comme autoritaire et se moque des protestations de ses enfants et petits-enfants, sa peur est des plus humaines, et son désir de mettre à l'abri les siens le rend touchant. Le personnage de Takashi Shimura, chargé par la justice de décider de sa mise sous tutelle, donne de la force à l'émotion décrite par Kurosawa : étant le seul à comprendre le désarroi de Mifune, mais ayant les pieds sur Terre, il rappelle que la peur de Mifune n'est pas si inconcevable, qu'elle est tapie dans l'esprit de tous les Japonais et qu'il y a matière à œuvrer ensemble pour lutter contre les angoisses de la société.


Malheureusement, Kurosawa étant quelqu'un de pessimiste, il y a de la tristesse à chaque image, et plus le film avance, moins les gens comprennent Mifune, et plus lui-même devient inadapté à sa société, malgré la justification de ses craintes. Tout le propos du film et les émotions que l'on peut ressentir pour les protagonistes se développent d'une manière naturelle, avec une aisance admirable dans la narration et le montage. Kurosawa prouve ici, plus que jamais, qu'il fait corps avec son art, et s'empare du sujet avec toute sa force et son talent.


Saluons par ailleurs la performance de Mifune. Agé d'à peine 35 ans, il joue le rôle d'un vieil homme. Kurosawa pensait d'abord à choisir un acteur plus âgé, avant de considérer qu'il n'y avait pas meilleur acting que celui de Mifune pour le rôle. Il déploie toute sa colère, et les angoisses de son personnage se lisent sur son visage avec une grande clarté.

Vivre dans la peur est un grand Kurosawa. C'est un film témoin de son époque, de la société qu'il décrit. C'est aussi un propos universel, transposable maintenant et dans d'autres cultures. En grand dramaturge, Kurosawa nous laisse KO quand l'écran laisse apparaître le mot « Fin ».

Le coffret de Wild Side est d'une qualité remarquable. Outre le bénéfice obtenu de visionner une version restaurée, les bonus comme le livret sont d'une extrême richesse et permettent de resituer le film dans son contexte, avec des éléments  non négligeables apportés sur le tournage.
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Raimaru

19 20
Note de la rédaction