Seizon Life - Actualité manga
Seizon Life - Manga

Seizon Life : Critiques

Seizon Life

Critique de la série manga

Publiée le Jeudi, 28 Février 2013

Le manga, et plus précisément le seinen, n’a jamais caché son penchant pour le thriller. Avec 20th Century Boys et Monster, l’auteur Naoki Urasawa s’est imposé comme un maître du genre, bien au-delà de la simple sphère des fans de mangas. Il emprunte à la fois aux codes du roman policier, du cinéma ou de la série télévisée pour sa structure de feuilleton. Mais dernièrement, le thriller sur papier a épousé de nouvelles formes. Celle d’une chasse, souvent glauque et malsaine, au serial killer (Slasher, Remote, Blood Rain) ou bien celle d’un court récit, direct et percutant, proche d’une certaine façon du thriller à l’américaine sur grand écran. Blue Heaven, Heads ou Seizon Life ne dépassent ainsi pas les trois ou quatre volumes… et c’est bien leur seul point commun. Alors que le premier est une course contre la montre et une plongée dans l’horreur psychologique, le second est au final plus un drame et une réflexion sur notre société. Quant à Seizon Life, il épouse avec minutie la structure d’une (en)quête à la fois policière et personnelle. Une expérience ludique rare.

L’art du puzzle

Atteint d’un cancer, Takeda n’a plus que six mois à vivre. Désespéré, seul, il décide de s’épargner une lente agonie. Mais au moment même où il s’apprête à se pendre, le téléphone sonne : la police a retrouvé le corps de sa fille, Sawako, disparue il y a plus de quatorze ans. Au Japon, la prescription pour un meurtre est de quinze ans. Takeda n’a donc plus que six mois… six mois à vire, six mois pour retrouver le tueur et le faire condamner. Partant de rien, il redécouvrira par la même occasion une fille qu’il connaissait mal. « Partir de rien » est d’ailleurs un faible mot. En effet, il n’a aucune piste. Il commence alors tout naturellement par la chambre de sa fille, où le temps s’est littéralement arrêté, à la recherche d’un quelconque indice. L’atmosphère stimule sa mémoire et il se souvient d’une discussion avec sa femme, sur son lit de mort, où elle lui confiait le journal intime de leur fille. Comment avait-il pu oublier ? C’est l’un des ressorts narratifs du manga. Nous oublions tous certains détails de notre vie, parfois les plus importants. La recherche d’indices de Takeda s’accompagne ainsi d’une stimulation de sa mémoire. Un double puzzle va se former tout au long du manga, et ce même après la révélation de l’identité du tueur. Autant le dire tout de suite, rarement une œuvre n’a illustré et joué si brillamment avec la mécanique de l’enquête policière. Ainsi, après avoir lu le journal intime de sa fille, Takeda n’est pas plus avancé. Rien de significatif, si ce n’est le nom d’un café que fréquentait Sawako avec ses amies. C’est d’ailleurs l’une d’elles qui lui donnera la première clé de l’énigme. Le nom d’un peintre, qui exposa ses œuvres dans un petit musée de Nagano… il y a quatorze ans ! L’emploi du temps de Sawako avant sa mort prend alors forme petit à petit, heure par heure.

Retournements de situation

Le plus original et le plus impressionnant dans Seizon Life est la capacité du récit à rebondir à chaque chapitre. Alors que l’enquête semble dans un cul-de-sac, un nouvel élément débloque la situation. Mais il faut dire que Takeda ne laisse rien échapper. Ainsi, il n’hésite pas à contacter toutes les personnes qui ont laissé un mot sur le livre d’or du musée. Un véritable travail de fourmi. Rapidement, comme dans l’assemblage d’un puzzle, les pièces se mettent en place les unes après les autres, de plus en plus vite. Jusque ce que la vérité éclate. Et nouvelle surprise, au difficile exercice du whodunnit, le manga s’en sort avec les honneurs. Centrée sur une poignée de personnages, l’histoire réussit tout de même à balader le lecteur… jusqu’à la fin du deuxième volume. Le troisième et dernier tome épouse en effet une structure différente, qui tient à la fois du face-à-face et de la course contre la montre. Le récit se resserre autour des deux protagonistes principaux pour une partie d’échecs aussi tendue que passionnante. Il serait criminel (sans mauvais jeu de mots) tout d’abord de révéler l’identité du tueur, et ensuite d’expliquer les différents coups des joueurs. Si l’issue de ce combat mental ne fait aucun doute, l’exécution reste un divertissement de haute volée. Sans jouer au Cluedo comme Détective Conan, en donnant au lecteur tous les éléments pour trouver par lui-même le fin mot de l’histoire, Seizon Life parvient à être très ludique, à faire réfléchir le lecteur sur chaque nouvel indice… alors même qu’il ne peut trouver la solution tout seul. Le rythme de lecture s’accélère alors, de case en case, de page en page. Un vrai thriller, comme en on fait d’habitude qu’au cinéma, que l’on droit au talent du mangaka Kaiji Kawaguchi, mais pas seulement.

Deux auteurs en osmose

En effet, le dessin et la mise en page de Kaiji Kawaguchi restent classiques en apparence. Pas de déconstructions de la casse ou de surutilisation de la trame, mais un travail de fourmi sur les personnages et les décors. En épousant un point de vue à taille d’homme, le dessinateur réussit parfois à donner le vertige. Il illustre ainsi parfaitement le scénario d’un autre auteur Nobuyuki Fukumoto. Inconnu en France, il est à la fois mangaka et scénariste. Avec les trois volumes de Seizon Life, il prouve qu’il est à surveiller très près. Au-delà de sa capacité à assembler un récit tel un puzzle, il ne laisse rien passer dans cette enquête policière et personnelle. La police est ainsi rapidement omniprésente dans l’histoire, pour aider Takeda ou lui mettre des bâtons dans les roues. Un réalisme bienvenu que l’on retrouve dans les différents états d’esprit de ce père en quête de sa fille disparue et surtout oubliée. Pas de lourdeur psychologique ou de sentimentalisme, juste une douleur plus vive que jamais sur laquelle il faut mettre des mots, des visages, des vérités. Le puzzle policier devient un puzzle psychologique au dénouement paradoxalement original, car en forme de happy ending.

Hoagie


Note de la rédaction
Note des lecteurs
16.5/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

17.00,17.00,17.00,16.00

Les critiques des volumes de la série