Under Grand Hotel - Actualité manga
Dossier manga - Under Grand Hotel
Lecteurs
18.50/20

L’amour par la violence

 
 
Dans Under Grand Hotel, il se passe des choses qu’il ne peut pas se passer ailleurs. Ce n’est pas pour rien si l’auteur a créé cet univers-là. Toute cette histoire n’aurait pas pu prendre place ailleurs. La rencontre de Sword et de Sen ne pouvait arriver qu’en prison, et absolument pas dans la vraie vie. A l’extérieur, les deux jeunes gens ne se seraient jamais rencontrés. Ils ne sont pas du même milieu social, ils sont opposés par leur culture, leur couleur de peau, leurs croyances, leur vision de la vie et de l’amour. Même leurs crimes les séparent, en vérité, puisque l’un est emprisonné par amour, et l’autre sur une impulsion. L’un est le petit nouveau, puceau et inexpérimenté, l’autre est le chef de la prison et il dirige ses ouailles comme un maitre d’orchestre. Bref, ils sont bien loin l’un de l’autre. Et c’est précisément pour ça qu’ils ne seront jamais proches que dans cette prison qui les a fait se rencontrer. On voit d’ailleurs bien, dans un petit chapitre à part, qu’en dehors de la prison ils sont maladroits, ne savent pas comment se comporter face à la réalité et au monde extérieur. Et s’ils finissent par se retrouver, ils ne se comprennent pas et évoluent de manière très différente l’un par rapport à l’autre. Mais c’est aussi ça, et cet univers, qui nous permet de voir l’éclosion de sentiments extrêmes. Chaque émotion, chaque ressenti prend une ampleur totalement différente. Entre ces deux hommes, rien n’est anodin. La jalousie est une véritable gangrène qui les prend au corps et les empêche de raisonner. Le moindre regard, la moindre attention est mal interprétée, souvent génératrice de crise, de scène de colère. Et chaque explosion est dangereuse et possiblement mortelle, dans ce huit-clos où tout peut arriver et où les défenses sont limitées. Mais surtout, dans leur solitude, Sen et Sword découvre le besoin de possession de l’autre. L’amour se transforme en nécessité d’appartenir à l’autre si l’autre nous est entièrement soumis. La passion est un feu brûlant dans leurs veines dont ils ne veulent pas se défaire. On a rarement vu autant de profondeur dans la possessivité, dans la dépersonnalisation des protagonistes. Parce que, il faut bien le dire, Sen est un objet pour Sword, surtout au début. Un objet à acquérir, un trophée à conquérir. A prendre aux autres, à voler. Mais même par la suite, quand l’amour s’invite, on sent les relents d’une relation qui reste basée sur l’appartenance et la possession, le total abandon à l’autre si en retour il y a la même chose.

C’est fébrilement qu’on ira à la rencontre de la mangaka, prêts à la violence, au sexe, à la trahison, à la mort, à l’amour. Autant de choses qui devraient pourtant nous rebuter un peu, l’aspect viol n’étant pas vraiment apprécié dans les bonnes mœurs. Mais. Mais cette série parvient à être crédible et réaliste, à séduire par sa violence et par ses sentiments entiers. A UGH c’est tout ou rien, et le reste du temps il faut simplement se contenter de vivoter sans mourir, sans trahir, sans décevoir. Et en évitant de faire de ses fesses un lieu de villégiature apprécié, comme par exemple en le confiant au boss de la prison parmi les détenus. Et en finissant par tomber amoureux de lui, ce qui est heureusement réciproque. Elle prend le temps de développer la très complexe psychologie de ses personnages, nous livrant une proximité intime et presque gênante à laquelle on assiste. Entre amour et haine, Sword et Sen se cherchent encore et l’on assiste à de très belles scènes. On apprécie aussi tout particulièrement le fait que les personnages secondaires ne soient pas oubliés et on a le droit à une très touchante histoire pour Norman, une fin qu’il mérite vraiment et qui permet de conclure cette série sur un excellent souvenir.
  
  
 
 
 
La violence, donc. Une notion récurrente dans la série, et évidente quand on ouvre le premier tome. Oui, il y a du viol. Oui, d’ordinaire cela nous gêne, dans le yaoi, le mature shojo ou tout autre support qui le bâcle, comme même certain seinen. C’est un crime, qui se doit d’être traité comme tel et pas avec légèreté comme c’est souvent le cas. On se souvient par exemple bien des shojo de Kanan Minami qui font défiler les violeurs, dans les méchants ou même par les petits amis de ses héroïnes ridicules. Dans le yaoi c’est également un moyen très usité, comme récemment dans Bi no Isu, qui fait tomber amoureux la victime de son bourreau, et la liste de ce genre de mangas est longue surtout dans l’univers du boy’s love. Mais ici, c’est réfléchi. Tout a une justification. Par exemple, cette première scène de sexe si dérangeante va expliquer toute la méfiance de Sen, sa résolution à se soumettre à Sword en échange de sa protection, et l’envie de Sword qui n’a pas réussi à avoir ce petit asiatique en premier. Ça définit parfaitement tout le ton de la série et leur rapport instable, basé sur une peur, une envie, une déception. Par la suite, leurs relations sexuelles prennent souvent le ton du viol, par la force. Mais c’est surtout pour se justifier. Parce que l’un et l’autre ont besoin de ça pour se sentir encore en vie, pour se sentir exister, pour ne pas perdre pied dans une condamnation tellement longue qu’elle dure toute leur vie. Au moins, ils ressentent quelque chose même si c’est de la douleur, de la peur, du plaisir. Et cela les empêche très certainement de se suicider ou de se laisser aller à la folie. Au-delà de la violence sexuelle, on a aussi droit aux dérives carcérales classiques. Meurtres, bagarres, mutineries, trafic de drogue, lynchages … La mangaka ne nous épargne pas grand-chose, en fait. Elle n’a aucune pudeur et nous fait voir tous les dessous de son univers.

Toutefois, attention, le sexe ne se résume pas au viol et à la soumission. Il y a dans les scènes intimes entre Sword et Sen une évolution toute particulière qui fait que la violence se transforme en tendresse alors que les mouvements sont toujours aussi forts, aussi imposés et dynamiques. On voit parfaitement la différence entre quand il y a des sentiments, et quand il n’y en a pas. En effet, on comprend la douleur tout autant que le plaisir et c’est véritablement la distinction entre ces deux passages qui rend le manga intéressant et pertinent de ce point de vue-là. En effet, on imagine bien que dans cette prison rien d’autre n’a de valeur de pouvoir et que la majorité d’entre eux n’ont rien d’autre à faire. C’est par le sexe qu’ils font passer leurs sentiments, et ils le font bien. Le sexe est une vengeance, une déclaration, un chantage, une punition, une promesse. Le sexe est beaucoup de choses, mais surtout bien plus de choses que dans la plupart des yaois que l’on peut lire. Voilà enfin une auteur qui a su se servir du fan service que sont les scènes sexuelles pour son histoire, ses personnages, et qui s’en tire haut la main.
 
 

UNDERGROUND HOTEL © MIKA SADAHIRO 2009 by FUTABASHA PUBLISHERS LTD. AND SHUSUISHA INC., Tokyo.

Commentaires

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NiDNiM

De NiDNiM [912 Pts], le 13 Janvier 2013 à 10h54

Je vous remercie pour vos commentaires. Déjà connaisseurs, je suis contente de voir que vous vous retrouvez dans ma petite analyse. Ceux qui ne connaissent pas, je suis encore plus heureuse d'avoir pu vous offrir la possibilité de découvrir. Franchement, allez-y. C'est violent, il y a du sexe de partout mais il y a derrière une réelle profondeur et un réel intérêt. Ah, et regardez Oz aussi. Une des meilleure série que je connaisse.

 

 

Merci encore ça m'a fait bien plaisir de lire vos commentaires, je me suis bien donnée dans ce dossier ... 

Fred

De Fred [4223 Pts], le 12 Janvier 2013 à 23h52

18/20

DOSSIER CONFORME A CE QUE J'AI RESSENTI EN LISANT LE PREMIER TOME , EN ATTENDANT DE LIRE LE DEUXIEME TOME JE REMERCIE NIDNIM POUR SON DOSSIER

missXfuruba

De missXfuruba [371 Pts], le 12 Janvier 2013 à 13h25

18/20

Une très bonne analyse, j'avais peur que l'oeuvre soit critiquée pour la différence de registre par rapport aux autres Boys love. Mais je suis contente de voir que l'analyse est parfaite et objective.

Car oui, à cause de la violence et du réalisme du milieux fédéral, il n'est pas facile d'apporter un jugement positif quand on ne perçoit pas la profondeur des sentiments entre les personnages principaux. Pour ma part, je les ai dans ma bibliothèque et j'ai bien l'intention de les relire encore et encore xD

Merci pour ce dossier!

Babette

De Babette [1723 Pts], le 11 Janvier 2013 à 22h08

19/20

excellent dossier je ne connais que de nom mais je vais l'acheter des que possible

LadyKya

De LadyKya [1310 Pts], le 11 Janvier 2013 à 21h07

19/20

Je savais que cette série existait, mais en lisant ce dossier cela m'a vraiment donné envie de le lire, et pourquoi pas de regarder la série Oz! lol

Super dossier merci NiDNiM, vraiment bien expliqué et complet.

M.

De M., le 11 Janvier 2013 à 19h58

19/20

Un excellent dossier, bonne idée la comparaison avec Oz, Merci pour le dossier et bonne continuation!

La série en elle-même... Je la trouve difficile à décrire, mais c'est très bien fait dans le dossier, donc chapeau!

sakura35

De sakura35 [2724 Pts], le 11 Janvier 2013 à 18h24

Bravo pour cet excellent dossier !!!
Ce manga est vraiment une tuerie qui mérite d'être lu et ce dossier rend bien hommage à ce bijou :)

Azu

De Azu, le 11 Janvier 2013 à 17h54

Dossier très complet,excellent même !  Merci à NiDNiM pour ce dossiers!

Daigo

De Daigo [917 Pts], le 11 Janvier 2013 à 16h58

17/20

Excellent dossier! Merci à NiDNiM pour le travail accompli et pour cette curieuse découverte. Je dois dire que j'étais assez sceptique en voyant le thème (comme souvent avec les yaoï j'ai envie de dire...), mais après lecture je dois dire que l'oeuvre m'intrigue pas mal! Ce sera peut-être mon deuxième manga du genre que je lirai qui sait XD (après Le jeu du chat et de la souris, Setona Mizushiro oblige)

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