Mitsuko Attitude

Un chemin de vie

 
 
En réalité, on constate que Mitsuko Attitude prend tout sons sens une fois toute la série lue, et que Mamoru Kurihara avait depuis le début une ligne claire : l'envie, sur fond de santé, de décrire un véritable chemin de vie. Ce chemin que l'on connaît tous, qui nous forge petit à petit, nous amène les unes après les autres des leçons parfois dures qui, au bout du compte, nous rendent plus à même d'affronter la réalité et de forger notre bonheur.

Ce chemin, on le voit se dessiner petit à petit chez Mitsuko, et tout commence évidemment avec son arrivée chez les Shisui. Au premier abord, on a l'impression d'avoir un peu une famille de fous, avec la façon très directe dont on découvre que l'un se fait des lavements tous les jours, que l'autre boit son urine... L'univers que Mitsuko connaissait jusqu'alors s'écroule, elle se retrouve plongée dans un milieu qui lui était totalement étranger, et il faudra alors qu'elle s'adapte à ces pratiques inconnues, en acceptant tout simplement de voir son entourage pratiquer tout ça, sans préjugé. Pour ça, la jeune fille peut compter sur une grande qualité : son ouverture d'esprit, de celles qui manquent à tant de gens dès lors qu'ils sont confrontés à ce qu'ils ne connaissent pas. Le premier choc passé, Mitsuko ne se bute pas, bien au contraire, mais accepte de s'interroger et de recevoir quelques leçons. Elle n'a pas peur de se confronter à des valeurs qui ne sont pas les siennes, et de remettre en cause tout ce qu'elle pensait fondé. D'autant que sa nouvelle famille l'aide bien à aller dans ce sens, car tout comme Mitsuko ne juge pas les Shisui, les Shisui n'imposent absolument rien à Mitsuko, ne font que l'informer et la laissent décider elle-même de la voie qu'elle prendra,. De même, ils ne vont pas non plus la juger en découvrant ses pratiques, des pratiques que l'on fait tous, comme boire du café ou manger gras, et qui leur apparaissent pourtant comme inconcevables. Tout est question d'accepter ce "choc des cultures".

Être ouvert d'esprit, ne pas juger ce qu'on ne connaît pas, accepter de se confronter à d'autres valeurs afin d'évoluer soi-même : la première leçon de Mitsuko Attitude, universelle, est là. Et c'est à partir de cette confrontation de valeurs que Mitsuko apprend à se prendre en main, à son rythme, sans qu'on ne lui impose quoi que ce soit. Dans sa confrontation avec Ruka à l'hôpital à la fin du tome 1, elle apprend à mieux jauger la valeur de la vie et cerne mieux le bonheur d'être simplement en vie. Et au bout de toutes ses expériences, elle trouve sa propre voie, se forge sa propre manière d'entretenir sa santé.

Peut alors s'ouvrir sa relation avec Naruto, son opposition de valeurs avec lui, et son combat pour tenter de lui faire changer ses mauvaises habitudes. Avec, au bout du compte, une leçon cruelle, qui est aussi la plus forte. De la romance légère et drôle où Mitsuko continuait d'évoluer de façon logique, fraîche et mature en apprenant notamment le sens de l'amour, on passe à l'implacable et logique drame, qui vient remettre en cause des choses que notre héroïne commençait tout juste à acquérir.
Comme toujours, on évitera de spoiler, et on signalera simplement que le bouleversement de la fin du tome 5 trouve dans le tome 6 un aboutissement parfait, les personnages étant très bien abordés, notamment lors du passage des retrouvailles entre Mitsuko et la mère de Naruto, nécessaire, poignant et très pertinent, puisqu'il confronte deux personnes qui pourront alors ensuite repartir de l'avant, et la mangaka en profitant pour pousser Mitsuko à se forger un futur, au fur et à mesure qu'elle prend conscience des erreurs qu'elle a faites : inutile de vouloir imposer ses choix aux autres. C'est à chacun de trouver sa propre voie pour être en harmonie avec son corps, avec soi-même, il faut juste accepter de se prendre en main et de briser le moule et les idées préconçues. La santé, ce n'est pas seulement le corps, c'est aussi la spiritualité, le fait de simplement trouver comment être bien dans ses pompes. Et pour Naruto, la clé d'une vie heureuse est affichée en grandes lettres sur la couverture du tome 4, et est toute simple : l'amour de Mitsuko, au-delà de toutes les questions d'alimentation.

La preuve que tout était bien pensé par la mangaka se trouve d'ailleurs sur ces couvertures très pertinentes, où chacun de ces jeunes en devenir trouve sa voie (Mitsuko/enzyme, Anju/café, Chôsuke/urine, Naruto/amour) pour rester bien dans son corps et dans sa tête, afin d'accéder au même bonheur qu'affichent les parents Shisui sur le tome 5. Avec, au bout du chemin, une porte grande ouverte sur le futur. C'est profond et brillant, tout simplement.

Dans cette dernière ligne droite, il y a de nombreuses questions et valeurs essentielles de la vie (le deuil et ses difficultés, le choix de son avenir, et bien sûr la santé, qui ne sont que quelques exemples) que l'auteure aborde de façon claire, sans en faire trop, le tout aboutissant sur une orientation logique quant à l'avenir de Mitsuko. Ce chemin de vie que l'on suit depuis le tome 1 trouve alors un aboutissement logique, où Mamoru Kurihara va réellement au bout des choses, comme rarement une auteure de shôjo l'a fait. Les toutes dernières pages sont certes un peu rapides, à l'image de beaucoup de choses dans la série diront certains, mais la mangaka a suivi une voie claire jusqu'au bout, ne s'en est jamais inutilement écartée, et offre une très belle conclusion pour ce qui est une vraie leçon de vie.
  
  
  
  
  

Le style de Mamoru Kurihara

 
 
Dans le trait, Mamoru Kurihara nous offre quelque chose d'assez simple et classique. Les lignes sont claires, féminines, mais évitent les habituels clichés du genre comme les grands yeux (le fait d'avoir un josei et non un shôjo joue peut-être là-dessus). Bref, on a quelque chose d'assez standard, qui peut facilement parler autant aux filles qu'aux garçons.
Les personnages ont le mérite d'être tous très différents physiquement, aisément identifiables, et dotés de bonnes têtes que l'on reconnaît tout de suite, tels l'aspect taciturne de Chôsuke ou la bouille très éveillée de Mitsuko. Sur ce point, seule Anju, avec ses yeux bizarres qui semblent être une petite excentricité de la mangaka, peut rebuter un peu.
Pour le reste, c'est vraiment très expressif. Une fois les petites extrémités du tome 1 dépassées, on a quelque chose qui fait passer les émotions des personnages de manière très juste et sincère, surtout en ce qui concerne Mitsuko, dont on ressent très bien le bien-être ou le mal-être selon les situations, et dont le visage vif fait constamment des merveilles et contribue grandement à l'attachement qu'on ressent de plus en plus pour elle.

Côté narration, on a quelque chose qui respire constamment la franchise. C'est simple, direct, ce qui contribue grandement à l'ambiance sincère qui se dégage de l'oeuvre. La mangaka amène les réflexions de Mitsuko et l'humour de manière très simple, sans détours, ce qui colle bien avec sa mise en scène qui n'ellipse rien. C'est cette même sincérité de ton qui rend les évolutions de Mitsuko si vivantes, les effets comiques si dynamiques (au risque de paraître parfois extrêmes), et les drames si soudains et donc marquants. Pour autant, quand drame il y a, pas question pour la mangaka d'en faire trop : comme elle n'ellipse rien, l'instant suffit, pas besoin de faire ensuite des tonnes d'émotion. Cette émotion, elle arrivera au fil des doutes des personnages, bien mis en valeur, sur un ton réaliste.

Bref, la plus grande qualité de Mamoru Kurihara, c'est surtout de ne rien occulter. Cela donne lieu en début de série à des gags pipi-caca extrêmes, tout comme ça crée dans la dernière ligne droite des événements très puissants sans qu'il n'y ait besoin d'en faire des tonnes. On a simplement une mangaka franche, qui n'hésite pas à aller au bout des choses avec le plus grand naturel. Et ça, finalement, rares sont les mangakas qui osent le faire.