Lady Snowblood - Actualité manga
Dossier manga - Lady Snowblood

Esthétique nippone



La grâce de Lady Snowblood


L’élément le plus marquant de l’esthétique du manga réside dans la figure iconique de Lady Snowblood. Parée d’une tenue traditionnelle et d’une ombrelle, les cheveux noirs attachés et la peau d’une blancheur immaculée, elle incarne au mieux la femme japonaise des siècles passés. La féminité est une partie importante du scénario comme de l’esthétique du manga. Elle rappelle parfaitement les œuvres artistiques du XIXème siècle et d’avant, notamment les peintures et autres dessins traditionnels. Yuki est par ailleurs souvent représentée nue, ce qui permet au dessinateur d’appuyer l’importance de la féminité dans l’aspect visuel de l’œuvre, sans pourtant tomber dans la vulgarité. Bien que paru dans Playboy, avec de nombreuses scènes de nu et d’érotisme, Yuki est avant tout élégante, en toute circonstances, y compris dans le carnage. Son surnom (qui se traduit en japonais par « princesse neige-carnage »), fait d’ailleurs référence au conte de Blanche-Neige. En dépit de sa nature violente, le personnage est vu à l’intérieur de son histoire comme une princesse. Des illustrations du manga sont souvent diffusées pour montrer le travail de Kamimura, qui, rappelons-le, est réputé pour sa peinture de la féminité.





Le style « estampe » de Kamimura


Kazuo Kamimura est un auteur qui jouit d’une grande réputation « d’artiste », dans le sens « dessinateur », au Japon. Il est notamment reconnu pour son style graphique qui se rapproche des estampes traditionnelles. On le voit très bien dans Lady Snowblood. La composition des cases laisse une place à un superbe travail sur le noir et blanc. Les traits de pinceaux sont fins, plutôt nerveux pour donner un aspect tranchant au récit. Contrairement à un certain nombre des œuvres maintsream de l’époque, le style de Kamimura possède toujours sa singularité, dans le regard de ses héros et héroïnes, et dans le découpage, peu commun. Kamimura préfère de vastes cases aériennes à un carcan de petites cases rigides, ce qui rend la lecture d’ailleurs particulièrement agréable.


Japon du XIXème siècle, lames et hémoglobine


L’action du manga se déroule au XIXème siècle. On retrouve tous les éléments des décors, aussi bien d’un point de vue architectural que politique et social. Plusieurs chapitres font état de la politique menée par les dirigeants japonais de l’époque. L’un fait même allusion à la présence d’occidentaux. Le XIXème siècle est probablement une période charnière pour le Japon, qui sortait de siècles de fermeture. Les échanges avec l’extérieur commençaient à se développer, mais le pays restait très conservateur et violent.

La violence est une composante importante du manga, jusque dans son esthétique, en particulier la « danse » de Yuki dans ses exécutions. Le sang coule à flot après ses mouvements de lames, et donnent à l’intrigue un caractère sans concession. Nul doute que le manga est reconnu pour cet élément, puisque le réalisateur Quentin Tarantino s’est inspiré de Lady Snowblood (plus exactement des films adaptés du manga) pour son film Kill Bill Volume 1. Comme dit plus haut, le dessin de Kamimura est espacé et aérien, et d’autant plus propice aux scènes de sabres.





La délicatesse dans la simplicité


En bref, le dessin de Kamimura n’est pas chargé, légèrement crayonné et dynamique. C’est ce qui fait son charme. Finalement, on pourrait comparer le trait du dessinateur au vent : jamais statique dans le choix des angles de vue, parfois étourdissant, avec les lames de Lady Snowblood qui pleuvent et s’abattent sur ses ennemis, le rythme graphique du manga est quelque peu étourdissant. Rares sont les cases détaillées, il n’en existe pour ainsi dire aucune. Le dessin du manga s’apprécie dans son ensemble, dans sa cohérence avec ce que le scénario souhaite raconter. C’est là qu’on reconnait les vrais artistes, comme Kazuo Kamimura. Bien que décédé en 1986, et totalement inconnu dans nos contrées l’époque, il est reconnu chez nous comme un grand mangaka et un grand dessinateur, un professionnel qui « pense » son art. Même si le vintage ne fait pas les beaux jours de nos éditeurs, son travail devait nous parvenir à un moment ou un autre. Le trait de Kamimura, même lorsqu’il décrit des accès de violence, est délicat, quand bien même Kazuo Koike est présent en tant que scénariste et qu’il tend à décrire la crasse humaine.
  
  
  


© by KAMIMURA Kazuo

Commentaires

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Forevermanga

De Forevermanga [599 Pts], le 25 Mars 2016 à 21h42

c'est un très bon dossier qui m'a convaincue de commencer Lady Snow Blood

Alphonse

De Alphonse [421 Pts], le 25 Mars 2016 à 18h37

Lady Snow Blood !

 

Je trouve que tu as particulièrement bien mis en exergue le différentiel de sensibilité entre les deux Kazuo : parce que, clairement, de manière générale, et tout d’abord, il convient sans doute de faire une première << summa divisio >> entre les œuvres de Kamimura, ès qualité d’auteur complet, de celles en partenariat.

 

Puis, en ce qui concerne la place de la femme dans l’œuvre de celui-ci – ou comme tu pu l’évoquer par terminologie d’une branche du féminisme – il y a chez lui un relatif paradigme de la femme faisant face à un monde empli de défectuosités sociales, morales voire métaphysiques.

 

Néanmoins, s’il pourra être évoqué un paradoxe entre cette association de la femme-forte (ou surhumain féminin) à un environnement néfaste, hostile et déliquescent ; il est aussi pertinent, à mon sens, d’appuyer une volonté, voire un postulat de l’auteur, à faire un effort quant à traiter le réel dans sa complexité. Et ce prisme qui porte contraste entre le statut de la femme et l’état de la société à un moment donné est bien évidemment empreint du vécu de l’auteur (relation avec sa mère, maturation dans un environnement féminin, son rapport avec les femmes de manière plus générale ou, encore, rejet du père) ; même si, Lady Snow Blood, sera manifestement moins emprunt de cela à raison, d’une part, comme tu pu très justement le soulever, de la collaboration avec Koike et, d’autre part, en ce que cette production est également moindrement autobiographique que d’autres prestations, notamment Kantö Heiya ou Rikon Club.

 

Aussi, à la marge et pour d’autres aspects, il sera toujours difficile de se prononcer sur sa vision exacte de la femme, eu égard au encore trop faible volume d’œuvres de celui-ci éditées en France à ce jour ; j’attend notamment l’édition du sulfureux << Les fleurs du mal >> à cette fin. Cependant, et à ce stade, toujours selon moi, il y a un parti pris de l’auteur à restaurer la condition de la femme et de dresser un portrait acerbe de l’homme, sans pour autant essentialiser ce dernier.

 

Lady Snow Blood, si elle pu être assez populaire comparativement à certaines autres productions de Kamimura, divisera probablement toujours autant son lectorat.

 

Il me semble que tu es parvenu à un bon équilibre entre, d’une part, la canalisation des éléments essentiels – en substance – et, d’autre part, la pédagogie à l’attention d’un lectorat novice, pour ne point trop l’enfumer. Peut-être aurais-je davantage développé les particularités du trait de Kamimura (notamment son évolution ou encore le rapport avec ses assistants) ou approfondi la coloration de sa conception de la femme par son propre vécu, mais cela n’est qu’une différence de point de vue, en sus d’alourdir, sans doute, l’ensemble.


 Super dossier ; merci bien Raimaru. 

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