Hommage à Satoshi Kon - Actualité manga
Dossier manga - Hommage à Satoshi Kon
Lecteurs
20/20

Aux frontières du réel

 
Les imbrications entre la fiction et la réalité sont LE sujet revenant sans cesse dans les œuvres de Kon.

L'imaginaire est tantôt la thématique générale et le fil de la narration, notamment dans Millenium Actress et Paprika, tantôt apparaît discrètement par petites doses lyriques dans Tokyo Godfathers, tantôt constitue le support des réponses à un thriller dans Perfect Blue. Maître de la narration en effets de miroir, Satoshi Kon exploite les perceptions alternées, les phantasmes, du double meurtrier de Perfect Blue au gigantesque monde des rêves de Paprika. Il s'agit plus ou moins de retranscrire d'un point de vue narratif le procédé de trompe-l'oeil fréquemment utilisé dans les domaines pictural et architectural.

Dans Millenium Actress, le diptyque réel/imaginaire est très spécial. Satoshi Kon opte pour une expression filmique assez déconcertante mais brillante si on prend la peine d'entrer pleinement dans le film. La vie de l'actrice Chiyoko est racontée en détails. Le journaliste, Genya, et son caméraman, figurent à ses côtés et observent les différentes étapes de cette vie. Plus encore, ils vont jusqu'à participer aux événements. Illustration par l'exemple : lors du tournage d'un chambara (film de sabre japonais), Genya intervient en rônin, rappelant fortement Zatoichi, pour permettre au personnage joué par Chiyoko de poursuivre son chemin. Chiyoko semble poursuivre sa quête de l'amour perdu non seulement en-dehors des plateaux mais aussi et avant tout dans ses propres films. Cette quête ne souffre pas de la superposition des deux mondes, bien au contraire, puisque cet amour perdu est toute sa vie et prend place à la fois dans le réel et l'imaginaire.

 
 
Paprika est tout entier basé sur l'imbrication fiction/réel. Le DC Mini est une nouvelle technologie qui, placée sur l'oreille de deux individus, permet à l'un de se plonger dans les rêves de l'autre. Chercher des indices, comprendre le psychisme d'autrui, cet appareil est une véritable révolution qui, mal utilisé, a des conséquences graves. Au-delà, Satoshi Kon nous perd un peu plus dans son développement des univers virtuels. Exemple parmi d'autres : lorsque le commissaire Konakawa se rend via son ordinateur dans un salon virtuel sur le web, il y est physiquement propulsé. Paprika, l'avatar du docteur Chiba dans le monde des rêves, lui explique cependant que l'endroit est parfaitement réel.

Kon est un virtuose dans le traitement de la réalité subjective, en ce qu'il veut perdre le spectateur entre réalité et illusion. La réalité subjective fait son apparition dès le segment Magnetic Rose dans le film Memories puis dans toutes ses réalisations. Il s'agit ni plus ni moins de sa marque de fabrique. Dans la réalité subjective, le véritable moi est le rêveur. L'esprit va constituer un corps utilisé comme avatar, un autre moi, dans l'univers rêvé. Ce personnage fait aussi partie de nous, les interactions sont possibles. Le summum de la réalité subjective est atteint dans Paprika, le soin apporté à cette thématique étant évident.
 
 
 
 
 

La critique sociale

 
Homme engagé, Satoshi Kon n'a jamais délaissé, tout au long de sa carrière, la dénonciation des dérives d'un Japon pourtant si généreux culturellement.

Paranoïa Agent  était à la base un projet visant à travailler les idées inexploitées de Satoshi Kon. En réalité, elle a permis un mélange de tous ses thèmes de prédilection tout en effectuant une apparition marquée dans la critique sociale. Évoquant tour à tour le phénomène de starisation (Perfect Blue), la marginalisation (Tokyo Godfathers), l'importance des nouvelles technologies (Perfect Blue, Paprika), Paranoïa Agent parachève l'ensemble avec les interconnexions entre le réel et l'imaginaire, une évidence... L'image du travailleur nippon stakhanoviste en prend un coup.

Tokyo Godfathers s'illustre aussi dans ce domaine. Comédie sans en être une, vaudeville des temps modernes, les personnages sont les témoins d'une misère sociale et affective écrasante tandis qu'un humour irrésistible joue intelligemment sur ces scènes tragiques d'exclusion, d'abandon et de fuite des réalités.
 
 
  

Commentaires

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mohamed le rêveur

De mohamed le rêveur, le 15 Septembre 2010 à 11h15

20/20

Pas grand chose à rajouter à ces nombreux témoignages auquels je m'inscrits totalement.

Je suis triste bien sûr, mais...je crois savoir que Sato n'est pas mort...il est simplement quelque part dans le pays des des rêves; et dans cette réalité là, il sera, j'en suis sûr, reconnu à sa juste valeur.

ps: hey! Monsieur Kon...moi tu ne m'auras pas ;-)

BenJsan

De BenJsan [550 Pts], le 03 Septembre 2010 à 15h21

Un de ses auteurs qui, à un âge où je commençais à vouloir découvrir autre chose que le shônen, m'a justement fait découvrir un nouvelle façette du monde de l'animation et du manga. Perfect Blue m'avait complètement transcendé par sa très forte portée psychologique. Etant un jeune con quand je l'ai vu, grâce à Satoshi Kon, mon approche a complètement changé et cela a eu un grand impact sur les thèmes que je me suis mis à chercher par la suite. Biensûr, il y a bien d'autres auteurs qui m'ont conforté dans ma passion mais Kon tient tout de même une place très importante. C'est vraiment chouette que Manga-News le salue avec ce dossier très bien écrit, merci. N'empèche que ça m'emmerde, je venais voir les plannings des sorties, je tombe sur ce dossier pour apprendre que Mr Kon est mort. Sur ce, tcho tcho

OscarFrancois

De OscarFrancois [111 Pts], le 31 Août 2010 à 16h57

20/20

Rogues, félicitations pour ton article... J'aurais aimé revenir sur MA dans des circonstances plus joyeuses. Sa disparition aura d'importantes conséquences dans le monde de l'animation : Satoshi Kon était un article singulier, qui a réussi à transcrire son univers, et à le faire partager.

Je l'ai découvert avec Paranoïa Agent (un véritable ovni, pour moi !); j'ai tout de suite accroché à son univers si particulier, aux hallucinations et à la déviance. Par la suite, je me suis procuré Paprika et Tokyo Godfathers... des oeuvres que j'ai également beaucoup apprécié.

Peu d'artistes m'auront marqué comme Satoshi Kon. Nul doute que nombre de jeunes réalisateurs s'inspireront de son oeuvre.

RogueAerith

De RogueAerith [395 Pts], le 31 Août 2010 à 14h34

Merci pour vos compliments. Et merci à Shinob pour son p'tit coup de pouce ! ;)

J'aimerais continuer un peu l'analyse. En effet, il faut désormais voir comment va réagir le milieu de l'animation japonaise après cette perte.

Le décès de Satoshi Kon aura trois types d'implications.

D'abord, des conséquences sur la créativité et l'enthousiasme de nombre de ses collègues. Satoshi Kon était un des meilleurs dans son domaine et avait un potentiel énorme comme dit dans le dossier. Une telle perte va donc représenter un manque dans l'animation japonaise, que d'autres auteurs vont devoir combler, sans pouvoir remplacer.

En second lieu, l'animation est, il faut le savoir, une industrie importante au Japon. Les conséquences économiques sont à regarder de près. Quand un milieu perd l'un de ses meilleurs éléments, c'est l'ensemble qui en subit les effets. La mort de Leslie Cheung, le meilleur acteur du pays, a par exemple paralysé le cinéma hongkongais, puisque tous les réalisateurs et acteurs l'avaient côtoyé et le respectaient. C'est la même chose quand un réalisateur/réalisatrice ou acteur/actrice périt en Occident. Il s'agira ainsi de voir si le décès de Satoshi Kon ne pourrait pas avoir le même type de conséquences. Quand le moral décline, l'économie en pâtit.

Enfin, Satoshi Kon était un des intellectuels les plus en vue au Japon et un parfait ambassadeur de l'animation japonaise, et plus encore, de la culture nippone, en Occident. Là encore, le moral des fans mais aussi celui d'une élite présente dans les plus gros studios de cette industrie et d'une élite intellectuelle (puisque Satoshi Kon était un auteur engagé et appréciant les thèmes complexes) va en prendre un coup. Le décès d'Osamu Tezuka a été un tournant capital dans le monde du manga, celui de Miyazaki et de Kitano dans leurs milieux respectifs auront sans doute aussi une importance. Sur une échelle moindre, parce que Kon n'était pas aussi important aux yeux des Japonais que les icônes précédemment cités, il n'est pas interdit que Satoshi Kon disparu, le milieu ne soit pas en manque de repères... Je suis prêt à parier que les jaquettes et les commentaires des mangakas sur les prochaines parutions au Japon feront sans nul doute allusion à Satoshi Kon : il était apprécié et respecté.

Ses oeuvres sont passionnantes. Ce n'est pas seulement une perte pour l'animation japonaise mais pour le cinéma entier. On le voit bien depuis quelques années, certains journalistes plus avisés que les autres reconnaissaient (notamment avec Paprika) l'émergence de l'animation japonaise pour adultes, héritage d'Akira, Ghost in the Shell et Jin-Roh.

Chaque fois qu'un artiste disparaît, il emporte pas mal de choses avec lui. On verra bien ce que le décès de Satoshi Kon va entraîner. Sans doute pas un raz-de-marée populaire, mais pas non plus quelques chagrins chez une communauté réduite de fans.

Satoshi Kon ne doit donc pas être oublié, ni ses oeuvres négligées.

 

...

De ..., le 28 Août 2010 à 00h55

20/20

Une grande perte pour le cinéma d'animation, dommage qu'on en vienne à aborder réellement son oeuvre à sa mort, tout ses films (et la parenthèse Paranoïa Agent) méritent d'être, sinon analysés, au moins vus.

Daigoro

De Daigoro [524 Pts], le 27 Août 2010 à 22h24

20/20

bravo pour ce dossier à la hauteur du Monsieur...

tristement bravo

Lud

De Lud [482 Pts], le 27 Août 2010 à 22h20

20/20

Très bel hommage que ce dossier pour une personne qui va beaucoup nous manquer. Je revois le départ en fusée du personnage de Millenium Actress quand je repense à la disparition de Kon San...

 

 

otak38

De otak38, le 27 Août 2010 à 20h42

20/20

enfin un dossier qui rend un grand hommage ! bravo!

Natth

De Natth [2569 Pts], le 27 Août 2010 à 20h33

Excellent dossier, très bien fait. Les nombreux aspects du talent de cet auteur sont soigneusement abordés, à travers l'ensemble de ses oeuvres. Cela me donne très envie de voir les animes dont il est l'auteur et que je ne connais pas encore.

mangashojo

De mangashojo [2558 Pts], le 27 Août 2010 à 19h06

20/20

super dossier bien realise .C'etait un grand mon de manga .comme koiwai moi aussi j'ai été emu en lisant le dossier .

je vais aussi une bonne note au dossier et a lui

Paul

De Paul [71 Pts], le 27 Août 2010 à 15h29

Cet evenement me laisse abasourdi.J'éprouve vraiment des difficultés à assimiler cette nouvelle.Je ne peux pas m'empecher de penser que le temps lui ait manqué pour exprimer toute sa créativité,Je crois que cet artiste était en évolution permanente,le meilleur semblait à venir...Comme le chantait si bien un autre grand artiste; la futur est incertain,la fin toujours proche.

 

Koiwai

De Koiwai [12681 Pts], le 27 Août 2010 à 15h22

J'ai été très ému en lisant ce dossier, tant il met parfaitement en valeur tout ce qui faisait la saveur des réalisations de Kon. Kon était mon réalisateur préféré, Paprika est mon film d'animation préféré avec Chihiro. Superbe dossier. Merci, et une dernière fois, R.I.P.

jojo81

De jojo81 [7203 Pts], le 27 Août 2010 à 14h55

20/20

Excellent dossier que j'aurais forcément aimé lire dans d'autres conditions.

Perfect Blue est l'un des tout premiers films d'animation que j'ai vu et qui me marque aujourd'hui encore. Tokyo Godfather fait parti de mes 3 films d'animation favoris, juste derrière le tombeau des lucioles et Chihiro. Enfin, Paranoia Agent est sans aucun doute ma série animée favorite. Je reste un grand fan du réalisateur.

RIP Satoshi Kon

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