Digimon Adventure - Actualité manga
Dossier manga - Digimon Adventure
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18/20

Une histoire de monstres mature


Les séries dites "de monstres" sont parmi les plus populaires auprès du jeune public. Si pour les sociétés de production elles représentent un moyen efficace de créer du produit dérivé, les jeunes se passionnent facilement pour ces univers où de jeunes héros, auxquels ils s’identifient aisément de par leur âge, côtoient des monstres aussi mignons que puissants, livrant bataille contre des adversaires de plus en plus féroce. Pokémon est sans doute possible l’anime de monstre le plus célèbre et lucratif dans le monde entier et dernièrement, le phénomène Yo-Kai Watch séduit aussi les plus jeune, sur une recette marketing très similaire à celle de Pokémon en son temps. Digimon Adventure est un cas à part dans les anime jeunesse. Si le schéma de production suit à peu près les standards du genre, c’est-à-dire que l’anime est avant tout destiné à promouvoir un produit, les jouets électroniques Digimon en l’occurrence, Digimon Adventure va montrer une approche très différente.

Là où des séries comme Pokémon n’établissent pas de fil conducteur précis, la première série Digimon va, au contraire, se dérouler sur différents arcs narratifs (quatre au total) plus ou moins liés les uns entre les autres et faisant partie d’une seule et même aventure durant laquelle cette génération de héros trouvera le temps de s’épanouir et d’accomplir des objectifs distincts. Le schéma de Digimon Adventure s’apparente finalement à celui de tout shônen classique de combat : chaque arc présente son ou ses antagonistes principaux, et les différents Enfant Élus brilleront à tour de rôle, bien que Taichi et Yamato bénéficieront d’une mise en avant plus qu’évidente dans le dernier tiers de la série. En ce sens, Digimon Adventure ne cherche pas seulement à promouvoir des jouets, l’objectif de Toei Animation pour se démarquer est plutôt de réaliser une série avec de réelles ambitions, de telle sorte à ce que l’anime ne puisse se poursuivre indéfiniment mais s’achève en donnant l’impression qu’une histoire a été racontée, que des personnages ont été développés et que de multiples émotions s’en sont dégagées. Et si succès il y a, alors d'autres séries respectant ces critères pourront être produites. Notons qu’en terme de série marketing vouée à promouvoir des jouets et autres produits dérivés, Digimon Adventure s’est montré audacieux en France, à l’époque de sa sortie. Là où les dessins-animés axés sur la promotion, venant surtout des États-Unis en réalité, se construisaient autour d’épisodes stand-alone, Digimon avait le mérite de bâtir un univers particulièrement solide et une intrigue passionnante.




En dépit de cet avant-gardisme dans la réalisation des anime de monstres, Digimon Adventure conserve un certain classicisme histoire de ne pas totalement désorienter les jeunes spectateurs. Ainsi, le concept classique du binôme entre un humain et son petit monstre demeure intacte, de même en ce qui concerne le principe d’évolution qui entoure les Digimon. Parce que conformément aux jouets électroniques d'origine et pour vendre du produit dérivé il était essentiel que les monstres digitaux changent de forme. Chaque créature possède ainsi différents niveaux d’évolution, devenant plus impressionnant à chaque fois. Mais encore une fois, Digimon se montre innovant puisqu’après un combat, une créature retrouve son apparence d’origine, ce parce que ses réserves d’énergie sont vides.

Enfin, le concept même de la naissance des Digimon apporte énormément en terme de maturité et d’originalité dans la cour des séries de monstres. Chaque créature vient d’un œuf et parce que la série cherche à conserver une certaine crédibilité, il arrive régulièrement que des Digimon meurent. Les ennemis peuvent être éliminés au terme d’un combat, certes, mais des alliés aussi perdront la vie sur le dernier tiers de la série, à travers des moments particulièrement poignants ou choquants à chaque fois. Afin de ne pas heurter les très jeunes, Toei Animation a fixé une limité au concept de décès, un concept cohérent par rapport aux jouets électroniques : en tant que créatures digitales, un Digimon décédé renaît grâce à ses données, sous forme d’œuf donc. La mort n’est pas définitive en ce qui concerne les monstres digitaux, mais elle est toujours utilisée de manière à faire réfléchir sur le sens de la vie. Digimon Adventure véhicule donc des messages forts et ne se contente pas de lancer des odes à l’amitié et à l’amour à tout va, et c’est plus particulièrement par le prisme des Enfants Élus que ces thèmes seront abordés.



De l'enfance à l'âge adulte


Les monstres ont beau être omniprésents dans Digimon, c’est bien autour de ses personnages principaux, les fameux Enfants Élus, que la série va tourner et montrer un autre degré de maturité. Car regarder Digimon Adventure à 8 ans et revoir la série une dizaine d’années plus tard n’est pas du tout la même expérience. Si un spectateur enfant pourra déceler de manière abstraite la différence de ton par rapport aux anime de monstre, il faut avoir un esprit adulte pour comprendre les richesses qu’offrent ce premier anime de la saga Digimon. Digimon Adventure sonne comme un véritable conte sur le passage de l’enfance à l’âge adulte. Un thème vu et revu, certes, mais la série se montre souvent sans concession, parlant de sujets assez graves qui surprennent à plusieurs reprises, tout le long de la série.

Au début de Digimon Adventure, les sept héros s’avèrent être des personnages classiques, chacun respectant un schéma prédéfini. Taichi est le héros impulsif par excellence, Yamato incarne davantage le beau-gosse un peu introverti, Sora le garçon manqué, Mimi la chipie de service, Kôshirô le nerd un poil autiste, Jô l’intello coincé et Takeru le gamin amical et attachant. Des stéréotypes sur patte, c’est ce qu’on pourrait penser au tout début de la série. Mais au fil des épisodes, chaque personnage va évoluer, se détacher de la caricature qu'il représentait, si bien qu’on croirait voir de tout autres personnages lors des derniers épisodes. Ces différentes figurent évoluent, une évocation qui peut paraître futile puisque c’est ce qu’on attend de toute histoire correctement construite qui se respecte. Mais là encore, ce serait oublier que Digimon Adventure fait figure d’anime de monstres et que dans ce genre de séries, si les personnages progressent un petit peu, nos attentes ne sont pas aussi grandes que dans un récit mature. Cette première série de Digimon vient donc nous prendre à contrepied, Satoru Noshizuno ayant écrit des enfants qui subiront progressivement une évolution parfois sévère, sur fond de drames sociaux ou familiaux qui caractérisent le commun des mortels, de la manière la plus authentique qui soit. Curieux dans une série de petits monstres ou priment l’héroïsme et le surnaturel. Cette facette retranscrit l’une des ambitions phares de la série : s’adresser aux enfant en ne les prenant pas pour des mioches qui voudraient juste voir de grosses bêbêtes se livrer batailles, mais comme de futurs adultes en pleine évolution, pouvant déjà connaître leur lot de soucis par le contexte au sein duquel ils s’épanouissent. Digimon Adventure ne veut pas que les enfants s’identifient à des personnages statiques et surfaits, au contraire, la série cherche à parler aux enfants qui auraient connu des conditions de vie parfois difficile. Et en ce sens, cette première série Digimon sonne comme un magnifique message d’espoir.




Mais concrètement, quels sont les thèmes dégagés par l’anime ? La prouesse de Digimon Adventure est de parvenir à justifier les états d’esprit parfois clichés des sept héros par les développements dont ils seront les sujets. Chacun des enfants a un vécu, pas forcément inconcevable mais suffisamment ancré dans la réalité pour que le spectateur y croit. Si Taichi joue au héros intrépide cherchant à sauver tout le monde, c’est par culpabilité après avoir manqué de provoquer la mort de sa petite-sœur en l’amenant jouer avec lui par forte fièvre, alors qu'il devait en prendre soin en l'absence de ses parents. Si Sora se montre autant mère-poule avec son entourage et refoule les concepts de féminité qu’on cherche à imposer aux petites-filles, c’est parce qu’elle-même n’a jamais ressenti l’amour de sa mère qui, par son éducation sévère, refusait que Sora s’adonne à des passe-temps trop "virils" comme le football. Le cas de Kôshirô est, lui aussi, tout à fait passionnant, le jeune garçon ayant découvert qu’il est adopté. Les révélations qui suivront seront d’autant plus tragiques mais salvatrices pour l’enfant, et quoi de mieux que traiter un tel sujet pour un jeune spectateur qui aurait un vécu similaire qu’il est difficile d’assumer ? La série image très bien son ambition à travers le concept des symboles, des reliques que chacun des Enfants Élus doit trouver et qui correspondraient à la valeur que chacun illustre le plus sincèrement. Chaque symbole sera le moyen pour les héros de s'affirmer, de s'accepter eux-mêmes et de se confronter à leur passé bien souvent. S'il paraît parfois étonnant de voir certaines attributions de symboles, par exemple l'amitié à un Yamato souvent détaché des autres ou la sincérité pour l'égoïste Mimi, ces reliques permettront aux développements d'avoir lieu et à la dimension humaine de véritablement briller. On note alors que Digimon Adventure parvient à associer ces concepts de traitement des personnages aux mécaniques d'évolution puisque c'est en honorant son symbole que chacun pourra donner à son compagnon Digimon la possibilité d'atteindre le niveau de transformation supérieur.

Au-delà de la série de monstres, Digimon Adventure est une oeuvre profondément humaine, puissante et poignante. A tel point que les personnages volent parfois la vedette à leurs Digimon qui, eux, assument davantage le rôle de soutien moral tout en épatant le spectateur lors des scènes d’action par leurs transformations. Les créatures elles-mêmes ont leur caractère, distincts et à mettre en parallèle à chaque protagoniste bien souvent. A l’instar d’enfants qui calqueraient le modèle parental, chaque Digimon, parmi le casting de monstres principaux, prend progressivement les traits de son humain de compagnie. Palmon est un excellent exemple tant elle assumera petit à petit la coquetterie de Mimi. Les Digimon évoluent, donc, mais moins que leurs camarades Enfants Élus. Ils prennent davantage les rôles de soutien, ce qui caractérise aussi les nombreux alliés qui apparaitront au fur et à mesure de l’œuvre. Par le biais des monstres digitaux, on retrouvera différents archétypes du récit d’aventure, par exemple le mentor à la Yoda en la personne de Piximon, ou l’allié charismatique et puissant par le biais de Leomon dont la relation avec Ogremon sera une excellente intrigue secondaire, touchante à sa manière, et tragique dans son dénouement.

Si globalement les différentes séries Digimon n’ont aucun lien entre elles, Digimon Adventure ouvre un bloc qui se complètera avec Digimon Adventure 02 et, depuis récemment, Digimon Adventure tri sans oublier les nombreux films dérivés de ces séries. S’il est possible de s’attaquer à la deuxième série sans avoir vu la première, il est essentiel de connaître Digimon Adventure pour comprendre les personnages tant les suites resteront fidèles à leur évolution, Adventure tri y compris.
  
  
  


Commentaires

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Rei366

De Rei366 [74 Pts], le 30 Juillet 2017 à 22h20

Un bel article.

A noter que contrairement au reste de l'Occident, la version allemande d'Adventure (comme de toutes les autres séries Digimon jusqu'à Savers) a été conçue à partir de l'originale, seuls les noms occidentaux ont été empruntés à la version SABAN.
Evidemment, comme la série était destinée aux enfants, les chansons (opening, ending, inserts) ont toutes été adaptées en allemand (en retenant les mélodies de base). Reste que le travail est clairement d'un autre niveau que la VF. Ce n'est probablement pas un hasard que ce pays ait importé la plupart des séries et les ai multi-diffusées sur RTLII et Tele5.
D'ailleurs, certains films de Adventure Tri ont eu droit à une diffusion TV (satellite). Et la série originale est en cours d'édition DVD (doublage/vo).

Yumekoi

De Yumekoi [103 Pts], le 04 Juillet 2017 à 18h53

J'ai bien aimé le lire, contente que vous ayez fait un dossier dessus :)

Digimon Adventure est un très bon anime, celui de mon enfance ^^

Après je ne l'avais pas vu en version française à l'époque et la première fois que j'ai entendu la version française, j'étais restée sans voix...?!

Pour moi Digimon Adventure est la meilleure saison de toute la série (j'ai tout de même regarder jusqu'à la saison 6) Après la plupart des longs animes se dégradent au fil des saisons...

Les OST sont superbes !!

Il y a bien 2 choses que je ne supporte dont l'un est très bien évoquée dans le dossier : cette habitude que les gens ont de comparer Digimon et Pokémon (selon moi Digimon est bien meilleur dans l'enchaînement et surtout il y a une réelle histoire qui se construit alors que Pokémon a plus l'air d'être une suite de petites histoires, même si la saison est pas mal. Même si je trouve Digimon meilleur, c'est Pokémon qui a su garder le succès auprès du public français. Maintenant si je demandais au gens de mon âge s'ils connaissent Digimon, il n'y a que 1/50 des personnes qui vont réagir alors que Pokémon tout le monde connaît)

La deuxième chose que je ne supporte pas chez l'adaptation française en dehors des voix, c'est leur habitude de changer les noms des personnages à cette époque pour justement s'adapter au public français, comme ils ont fait avec Ranma 1/2... Heureusement qu'ils ne le font plus de nos jours !

Merci infiniement d'avoir écrit ce dossier, ça m'a rappelé de bon souvenir :3

Chernabog

De Chernabog, le 02 Juillet 2017 à 00h28

18/20

Très bon dossier, par contre, 4Kids Entertainment et Saban sont bien deux sociétés différentes, même si elles ont tout deux à peu près les mêmes méthodes méprisables lorsqu'il s'agit d'adapter des animes japonais...

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