Akumetsu

Une satire de la société japonaise

   
Non sans une pointe d'exagération, il est incontestable que Yoshiaki Tabata et Yûki Yogo ont choisi de critiquer les dérives du système politique japonais. Ce dernier traverse en effet une grave période de troubles économiques qui touchent la population, que ce soit dans le manga ou dans la vie "réelle".
Pour une meilleure compréhension, un petit rappel historique et économique s'impose.
                              
Après la seconde guerre mondiale, le Japon adopte une Constitution et devient un régime de type parlementaire, la souveraineté étant dévolue au peuple: c'est la fin du despotisme militaire et de l'autorité absolue de l'empereur, qui ne conserve depuis qu'un rôle purement symbolique. A partir des années 1950, l'économie japonaise est florissante et le pays s'enrichit. En 1985, c'est la "bulle économique": un assouplissement monétaire lié à une politique budgétaire stricte permet aux entreprises japonaises d'avoir beaucoup de liquidités. Ceci s'accompagne d'une forte spéculation et d'un dérèglement du système financier, qui aura des conséquences majeures lorsque le système explosera en 1999, touchant de plein fouet la population qui se retrouve endettée, sans compter que le pays va perdre en croissance et finira même par entrer en récession.

C'est ce climat que dénonce Akumetsu, et par le biais de ce dernier nos deux auteurs. Il faut donc "éradiquer le mal au Japon pour sortir le pays de la récession". Tout ceci passe par une élimination pure et simple des politiciens corrompus, qui sont sensés détenir les clefs du pouvoir. De nombreuses références et clins d'œil rappellent des faits réels. Ainsi le design du premier ministre japonais du manga nous rappelle un premier ministre qui a vraiment exercé: Jun'ichirô Koizumi.
       
Nous deux auteurs ne s'arrêtent pas là: ils se veulent également les portraitistes d'une société nippone aseptisée et ramollie, donnant par la même du crédit à cette vision consistant à penser que la main d'œuvre japonaise est extrêmement disciplinée, voire soumise. Akumetsu veut bien évidemment changer cet état de fait. Il cherche donc à attirer l'attention des médias (et donc de l'opinion publique) sur ses actions, n'hésitant pas s'il le faut à jouer de véritables scènes de théâtre pour capter l'attention et convaincre son auditoire...
    
Mais est-il possible de justifier de telles actes? Est-il possible d'être un justicier, de défendre le peuple et des idéaux par le meurtre? Vous l'aurez compris, dans Akumetsu la frontière séparant le justicier du terroriste est particulièrement mince... Face à ce délicat problème, une nouvelle interprétation de ce titre est possible.
Et si Akumetsu n'était qu'une énorme farce, un gigantesque délire issu de l'imagination débridée de nos deux auteurs? C'est probablement le cas, surtout lorsqu'on prend la peine de lire certaines préfaces écrites sur les revers des jaquettes. Même si Akumetsu dénonce certains travers de la société nippone, il est évident que les agissements du héros masqué sont à prendre au deuxième degré et ne sont certainement pas une solution efficace et réaliste pour assainir une société à la dérive, mais plutôt un excellent moyen de distraire les lecteurs amateurs de récits nerveux et qui regorgent de scènes d'action!