Souffle du vent dans les pins (le) : Critiques

Alors que l'année 2016 venait tout juste de débuter, les éditions Mosquito nous faisaient le bonheur de nous faire découvrir une toute nouvelle artiste chinoise : Zao Dao.

Zao Dao est une jeune artiste chinoise qui s'est avant tout fait connaître sur internet avant de se faire éditer pour la première fois à ses 25 ans. Son style graphique combine le dessin traditionnel chinois et une certaine modernité de la bande dessinée actuelle, donnant un rendu tout à fait atypique et saisissant.

"Le souffle du vent dans les pins" est présenté comme une sorte de conte initiatique chinois, où le jeune Yaya va devoir affronter la femme cannibale, le fantôme de Rakshasa, et ses deux sbires. Durant son périple, il rencontra des compagnons qui se battront à ses côtés, mais aussi des êtres mystiques qui guideront ses pas...

L'histoire est assez sommaire, mais ce n'est pas vraiment ce qui est important dans cette bande dessinée. Le texte est d'ailleurs assez peu présent et, nous le verrons plus tard, totalement dispensable. Zao Dao a ici surtout voulu travailler ses visuels, et on en reste bouche bée. Les doubles-pages sont d'une beauté à coupée le souffle, Zao Dao s'amusant en plus à alterner les pages en couleur et en noir et blanc, créant des contrastes forts entre certaines pages. Elle s'essaie parfois à découper sa narration pour la rendre plus dynamique, et ça marche. Elle joue aussi avec les textures de papiers, qui donnent tout de suite des impressions bien différentes et peuvent radicalement changer l'ambiance d'une page à l'autre. Son travail de composition est de haute voltige : la plupart de ses illustrations placent ses personnages dans des décors immensément étendus, ces mêmes personnages qui sont souvent engloutis par des ciels immenses ou une nature épurée, merveilleusement travaillés dans les deux cas. Ou bien, ces personnages seront mis encore à l'honneur dans des scènes dynamiques où Zao Dao respecte une loi fondamentale de la composition : éviter de placer les éléments principaux au centre. Le centre fige souvent l'image, alors que le déséquilibre attire l’œil et met le dessin en mouvement.

En fait, il n'y a pas à tergiverser : le dessin est parfait, de ce côté-là, vous ne serez pas déçu.

Alors maintenant, il va falloir parler des choses qui fâchent : le texte. Il n'est pas mauvais, mais comme dit plus haut, totalement dispensable. D'après une interview de l'artiste, "Le souffle du vent dans les pins" était à la base une bande dessinée sans texte, car, selon les dires de l'auteure, les Chinois s'attardent beaucoup plus sur l'impact que les images donnent, et se contentent bien d'une signification approximative, qui sera laissée à leur appréciation propre. Or, c'est l'éditeur français, ici Mosquito, qui a voulu rajouter ce texte, et l'a d'ailleurs presque écrit totalement lui-même (Zao Dao leur a transmis les grandes lignes et ils l'ont rédigé) . Et c'est terriblement dommage et frustrant, si seulement l'éditeur avait assumé le côté atypique de cette bande dessinée sans paroles jusqu'au bout, on aurait atteint la perfection ! Dès la première bande dessinée, ça aurait été tout à l'honneur de Zao Dao.

Mis à part ce petit problème de texte, l'édition de Mosquito est impeccable, l'impression a été faite sur des feuilles de qualité qui rendent hommage au travail de Zao Dao, notamment sur les changements de texture de papier qui sont plus difficiles à rendre en impression. La couverture cartonnée est assez sobre, mais tant qu'assez efficace et dans la lignée des autres couvertures de la maison d'édition.

On a donc ici une bande dessinée assez unique, surtout dans la production chinoise qui est encore assez rare dans nos contrées, et qui vaut vraiment le détour. C'est une petite perle qui annonce les débuts d'une jeune artiste déjà grande dans nos cœurs. Il ne reste plus qu'à prendre notre mal en patience et espérer la revoir très bientôt revenir en France avec une nouvelle œuvre !