Prophecy - The Copycat Vol.1 - Actualité manga

Prophecy - The Copycat Vol.1 : Critiques

Yokokuhan - The copycat

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 11 Octobre 2016

Critique 2


Il y a de cela trois ans nous avions découvert Prophecy, une nouvelle page de l'histoire entre Ki-oon et l'auteur de talent Tetsuya Tsutsui, une série en trois tomes où l'auteur s'interrogeait sur le pouvoir des réseaux sociaux, sur la légitimité de la vengeance, sur le fait d'ériger un meurtrier en justicier...trois tomes prenants et passionnants!
Prophecy - The Copycat se présente donc comme une suite où cette fois Tsutsui, bien que crédité pour le scénario original cède sa place à deux autres auteurs: Hitomi Houjo au scénario (crédité comme co-scénariste) et Fumio Obata aux dessins!
S'étendant également sur trois tomes, ce titre s'intègre donc dans l'univers de la série originale, mais on y suit des imitateurs de Paperboy, le "justicier" de Prophecy premier du nom...

Paperboy fait de plus en plus parler de lui, ses "vengeances" exposées au yeux du grand public font de lui un héros pour certains et un simple meurtrier pour d'autres, mais bien qu'il divise il fascine tout le monde!
De son côté Sota, un lycéen sans histoire ne supporte plus sa vie de misère dans son quartier laissé à l'abandon où la pauvreté se voit partout. Il en est de même pour Kyoko son amie d'enfance qui rêve de s'échapper de cette vie, même s'il lui faut se prostituer pour gagner de l'argent et pouvoir quitter cet univers. Le seul de leur ami qui semble s'en sortir est Takeru qui lui travaille dans un bar gay...il a pleinement conscience que pour aspirer à une meilleure vie des sacrifices sont d'abord nécessaires.
Un jour Kyoko est violée et battue par un groupe de lycéens, ce qui fait enrager Sota et désir venger son amie. Takeru lui propose alors d'imiter Paperboy et de faire comme lui, de punir les coupables en les filmant afin d'exposer leurs crimes sur la place publique... Ils entrent alors dans une spirale violente, dans laquelle ils vont entraîner Kyoko...mais ils y voient également un moyen de gagner de l'argent et peut-être la solution pour sortir de leur misère!

On pensait retrouver une suite légitime du remarquable Prophecy, mais malgré des qualités évidentes, force est de constater que le titre se montre bien moins profond et travaillé que ne pouvait l'être l’œuvre de Tsutsui, de là à dire que les auteurs de Copycat sont eux aussi des imitateurs qui tentent de reproduire l'original sans le talent nécessaire, il n'y a qu'un pas...mais ce serait condamné un peu vite cette série!

Rapidement plusieurs choses vont venir nous choquer / surprendre / décevoir: Tout d'abord on se retrouve dans un univers de lycéens... il n'y a pas assez de shonens pour ça ou encore de "survivals" les mettant en avant, il faut que là encore on se retrouve avec des personnages principaux adolescents... forcément on se demande alors rapidement si la maturité suivra...mais on est clairement sur un autre registre que Prophecy premier du nom!
Ensuite, alors que dans le titre de Tsutsui, la figure de Paperboy était enveloppée de mystère, au moins durant une longue période, que celui-ci dégageait quelque chose, se montrait aussi charismatique qu'inquiétant, ici point de suspens, point de questionnement et surtout point de charisme...forcément nous avons affaire à des lycéens!
Enfin et surtout, la motivation des protagonistes est totalement différente: si dans la première série Paperboy souhaitait réellement se venger et voulait faire prendre conscience de crimes impunis, ici, bien que cela soit le cas pour le premier "jugement" (les violeurs de Kyoko), ensuite Paperboy ne devient qu'un prétexte pour gagner de l'argent en se faisant financer par les internautes à la manière de "my major company", sauf qu'au lieu de se faire financer un album, ils se font financer des "vengeances"...un peu douteux tout ça!

Pourtant ce dernier point (pas le financement qui semble plus ridicule qu'autre chose, mais bel et bien l'aspect vénal de la vengeance) se montre au final plutôt intéressant. Sans parler du fait que les auteurs s'acharnent à nous montrer la misère qui règne autour de nos héros quitte à faire passer certains quartiers du Japon pour des favelas, l'idée que les copieurs ne possèdent pas les mêmes motivations apporte justement un peu de renouveau et une nouvelle approche.
Et pour ce qui est de la misère sociale, elle ne tient pas uniquement lieu de prétexte, mais soulève de vraies questions: la misère peut elle tout justifier? Une fois la ligne franchie peut on revenir en arrière?
Des questions qui viennent s'ajouter à celles qu'on se posait déjà auparavant, notamment sur la légitimité de la vengeance et sur les méthodes employées.

Et à ce niveau le présent titre se montre plus violent que ce qu'on a connu avec le précédent! Si psychologiquement cela se vaut, au niveau visuel c'est une autre histoire! Ici les tortures nous sont dévoilées, elles sont plus crues, et non plus uniquement suggérées. Et il faut reconnaître que cela fait son effet!

On se pose donc pas mal de questions quant à la légitimité de ce titre et sur son intérêt...le problème étant qu'il souffre de la comparaison avec les trois premiers tomes de Tsutsui, une comparaison inévitable, car il apparaît improbable de lire Copycat sans avoir lu Prophecy, ce premier tome faisant l'impasse sur trop de détails et prenant les événements présentés dans Prophecy comme acquis...
Et pourtant dans ce cas, comment expliquer que des imitateurs d'un "justicier / criminel" passent inaperçus auprès des autorités? Ici pas de génie de l'informatique, pas de piratages, pas de jeu du chat et de la souris...ici nos "héros" annoncent leurs crimes en taguant les murs, ils reçoivent leurs paiements en donnant simplement un numéro de compte sur internet...et ça passe, personne ne les cherche, si ce n'est un policier quelque peu cliché apparaissant dans la seconde partie de ce premier tome! Alors que le sel de la première série était justement cette traque et les moyens mis en œuvre pour passer entre les mailles du filet, ici tout se passe bien, personne ne recherche les nouveaux "Paperboy", après tout ce n'est pas comme si le précédent avait défrayé la chronique!
Et là, indépendamment de la comparaison avec l’œuvre de Tsutsui, il s'agit d'un problème de cohérence majeur, et on a alors le sentiment d'être à nouveau devant un titre comme tant d'autres où les ados semblent vivre dans un monde qui leur est réservé où tout ce qui se passe ne concerne qu'eux...

Ce premier tome inquiète donc autant qu'il intrigue, et s'il possède des qualités, comme le trait dynamique et précis de Obata (donnant vie à des personnages particulièrement expressifs), on se demande ou tout cela va nous mener et surtout si un tel titre se justifie. Mais on craint également que le titre "Prophecy" ne serve qu'à nous sortir un nouveau survival d'ado...si le second tome pouvait confirmer que ce n'est pas le cas, ce serait déjà une petite victoire!


Critique 1


A l'heure où un individu du nom de Paperboy fait de plus en plus parler de lui pour les vengeances "oeil pour oeil, dent pour dent" qu'il exerce, dans un quartier défavorisé Takeru, Sota et Kyoko sont trois amis d'enfance déjà blasés par la vie : le quartier est quasiment à l'abandon et entre les mains de personnes peu recommandables (usuriers, voyous, proxénètes...) depuis que toutes les entreprises qui y étaient ont délocalisé, et la misère règne, y compris dans le lycée pourri où vont les trois adolescents.
Takeru tente de reste lucide et détaché, ayant d'emblée le désir de s'en sortir. Mais pour l'heure, il se contente de travailler dans un bar gay, prenant son mal en patience en acceptant certains clients.
Sota, lui, se sent de plus en plus mal à l'aise dans ce quotidien partagé entre son petit boulot pas folichon, ses journées au miteux bahut, et la violence de son père devenu alcoolique et dépensant dans la boisson leurs maigres revenus.
Kyoko, c'est alors un peu le rayon de soleil de Sota... mais elle-même possède une facette moins glorieuse : face aux dettes de ses parents, à la pauvreté qui règne, elle est obligée de se prostituer. Et quand certains camarades de classe l'apprennent, elle devient vite la cible des pires racailles du bahut. Une violente agression plus tard, la voici à l'hôpital violée et battue.
En découvrant cette horreur, quelque chose bout en Sota. Non, il n'en peut décidément plus de ce monde injuste et qui ne tourne pas rond. Et ça tombe bien, car Takeru, lui aussi dégoûté par la situation, a quelque chose a lui proposer : copier Paperboy, devenir eux aussi des justiciers appliquant violemment leurs sentences...

Cela fera bientôt trois ans que Prophecy, populaire oeuvre phare de Tetsuya Tsutsui conçue en étroite collaboration avec Ki-oon, s'est achevée. Le succès au Japon fut là aussi, si bien qu'en 2015 voit le jour une adaptation en film, et qu'en 2014 est né un spin-off, le présent Prophrecy [the copycat]. Crédité en tant que scénariste original, Tsutsui laisse ici sa place à deux autres noms : Hiromi Houjo au poste de co-scénariste, et Fumio Obata au dessin. Ce dernier, nous le connaissons déjà un peu en France, via une série en 2 tomes sortie il y a quelques années chez Delcourt : Journaliste, une oeuvre engagée abordant le dit métier, qu'il a publiée sous son pseudonyme Funwari. Mais dans son pays d'origine, le bonhomme est surtout connu pour quelques mangas de sport dont la boxe, et pour Shimauma, un manga plus branché furyo.

Commençons par répondre à une question que beaucoup de lecteurs se poseront peut-être : Prophecy [the copycat] peut-il être lu si l'on ne connaît pas Prophecy ? Hé bien, on est tenté de répondre non, car ce serait passer en grande partie à côté de l'intérêt de la figure de Paperboy. Houjo et Obata, bien sûr, se réapproprient cette figure, mais pour lui offrir un traitement peu semblable, un développement à leur manière, comme nous allons le voir dans cette chronique.

La série a le mérite de démarrer vite et assez bien, en posant d'emblée le contexte miséreux dans lequel évoluent les trois ados, jusqu'à ce que l'agression sur Kyoko fasse naître en Takeru et Sota le désir de copier Paperboy. Dès lors, l'enjeu du tome est assez simple : dépeindre les premières vengeances des deux lycéens, qui se vengent d'abord du principal tortionnaire de Kyoko, cherchent un prétexte pouvant faire le buzz avant de se déchaîner sur le second tortionnaire, puis se lancent dans d'autres vengeances avec un objectif qui se dessine. Un objectif qui s'avère assez intéressant, car il change de celui du Paperboy original : ne plus être les victimes face aux pourris qui contrôlent le monde, prendre en main leur vie en mettant à mal ces pourris et en se procurant l'argent qui les aidera peut-être à s'en sortir. En ce sens, voici un exemple plus concret de la réussite de la vocation de Paperboy : il a réveillé la colère de ces deux jeune et leur envie de changer le monde et de changer leur condition. Et alors que la question de l'argent (qui est un objectif clair pour nos héros) aurait pu séduire beaucoup moins, elle s'avère finalement intéressante par l'utilisation qu'ils en font vis-à-vis de Kyoko.

Ce déroulement a quelque chose de très très classique, mais parvient à être assez immersif grâce au travail visuel de Fumio Obata, qui a le mérite d'être intense, porté par des décors urbains assez présents et par des designs de personnages expressifs et assez denses (mines sévères, hachures, encrage assez noir...). Cela dit, c'est tout autre chose qui frappera à coup sûr les connaisseurs de Prophecy : la violence de l'oeuvre qui est bel et bien montrée, sans forcément s'étendre, mais de façon assez crue et dure. Cette violence, dans le Prophecy de Tsutsui, était plus psychologique, car Tsutsui préférait plutôt montrer le début et la fin des vengeances en occultant le milieu. Obata, lui, montre tout, et il le fait avec d'autant plus de densité qu'il choisit des angles de vue assez puissants et des représentations de coups qui ne font pas semblant, tout ceci étant sûrement un héritage de ses précédents titres de boxe et de loubards où il a pu développer cette patte brute.
Cette violence beaucoup plus physique que dans Prophecy, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Difficile à dire, et chacun risque de se faire son avis. Entre ce style plus cru et le fait que l'on suive au plus près les miséreux apprentis Paperboys "copycat" (là où Prophecy proposait pendant longtemps un Paperboy plus mystérieux et insaisissable, comme une vraie figure symbolique quasi révolutionnaire), on peut affirmer sans problème qu'Obata et Houjo se réapproprient le personnage de Tsutsui à leur propre sauce, et qu'ils ne font en aucun cas un simple copier-coller de Prophecy. Mais d'un autre côté, la violence physique largement montrée, parfois à tel point que l'on a l'impression d'être face à un défouloir, pourrait tendre à rendre moins fort les objectifs des personnages. Dans le camp de pourris comme des vengeurs, il y a comme un parfum de trop forte cruauté. Mais après tout, comme le dit lui-même Takeru, "les gens croient en ce qu'ils veulent, tout n'est pas que blanc ou noir... bien ou mal... pur ou sale..."

Le vrai problème de Prophecy [the copycat] vient alors d'ailleurs : sa cohérence par rapport à Prophecy, qui souffre par certains aspects, à commencer par la gestion du facteur-temps. Ce 1er tome démarre alors que le Paperboy original en est à sa deuxième vengeance, et se termine une fois celui-ci arrêté. Ce seul volume 1 couvre donc l'ensemble des choses qui se déroulent en parallèle dans Prophecy. Seulement, au fil des 3 tomes de Prophecy (qu'il faut prendre soin de relire avant d'attaquer ce spin-off, c'est mieux), il se déroule un paquet de choses : des personnes qui se mettent à copier Paperboy, une police de plus en plus aux abois pour identifier et stopper le mystérieux personnage et ses "clones"... Le premier gros problème est que jamais, dans Prophecy, il n'est fait mention des actes de Takeru et Sota, alors que dans le spin-off ils gagnent déjà une notoriété largement suffisante pour faire parler d'eux (forcément, venger une populaire idol, ça attire tout de suite les fans). L'autre problème, c'est la quasi-inexistence d'une police qui ne semble presque pas réagir ni réfléchir dans [the copycat] alors qu'elle est aux abois dans Prophecy. Personne ne semble chercher à mettre activement la main sur Sota et Takeru alors qu'ils sont déjà connus grâce à l'affaire de vengeance de l'idol. Personne ne réfléchit au fait qu'ils annoncent leurs sentences par le biais de tags là où le vrai Paperboy le fait par le Net. Après une affaire comme celle de l'idol, ils auraient forcément dû être recherchés activement. Mais non, personne. Enfin, presque personne, car il y a bien Masakatsu Hosomura, ce flic mis au placard et agissant seul de son côté, mais pour l'heure il est désespérément stéréotypé et ne fait que de la figuration.

Enfin, il faut bien avouer qu'on reste un peu sur notre faim concernant tout ce qui est de l'ordre de la critique sociale : le récit évoque pas mal de choses : la misère de ses personnages, les conséquences de la délocalisation, la prostitution adolescente, les usuriers... mais finalement il se contente de tout survoler, comme pour simplement créer une ambiance miséreuse certes très réussie, mais qui apparaît alors un peu trop vide.

Au bout de ce premier tome, Prophecy [the copycat] laisse donc une impression assez contradictoire. D'un côté, le travail d'immersion est réussi, et la volonté des auteurs de concevoir un spin-off convenable et ayant sa propre personnalité est bien là. De l'autre côté, l'oeuvre reste pour l'instant très superficielle dans ce qu'elle aborde, et souffre un peu trop de ses problèmes de cohérence par rapport à Prophecy. Arrivent alors ces dernières pages, qui semblent devoir lancer réellement l'oeuvre en affirmant nos ados dans leur rôle d'imitateurs, du successeur, de Paperboys, et piquant à vif notre curiosité.

Rien à redire sur cette édition standard (standard, en opposition à l'édition collector comprenant le film Prophecy) de Ki-oon : jaquette et papier bien épais, très bonne qualité d'impression, bon travail sur les onomatopées et l'adaptation graphique, traduction d'Anne-Sophie Thevenon vivante et limpide.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Erkael

11.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs