Jumping Vol.1 - Actualité manga
Jumping Vol.1 - Manga

Jumping Vol.1 : Critiques

Jumping

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 17 Octobre 2017

Critique 2


Voici des années que Ran Ôizumi, demoiselle qui vient de finir le lycée, vit sans la moindre confiance en elle. Depuis toute petite, elle peine à retenir les cours, a une écriture horrible qui lui a valu bien des moqueries, et n'a jamais eu d'amis. Et parallèlement à l'école, elle n'a jamais osé franchir le pas dans bien des choses, comme quand son cousin Sô lui a proposé d'essayer de monter à cheval. Alors qu'elle était mauvaise en cours au collège et que son intégration en lycée a relevé du miracle, sa seule source de joie, qui l'a aidée à tenir le coup jour après jour au lycée, a été la présence de Sayuri Echigoya, une jeune fille arrivée au Japon pour le lycée après avoir vécu quelques années en Angleterre, et qui, avec son caractère très franc, a tout de suite sympathisé avec elle. Pour la première fois de sa vie, Ran a eu une véritable amie. 


Maintenant que le lycée est fini, Sayuri reste encore et toujours le seul rayon de soleil de Ran, car malheureusement la jeune fille a raté tous ses examens d'entrée à l'université, vit désormais enfermée chez ses parents qui acceptent la situation par amour, mais s'inquiètent quand même et ne savent pas comment la pousser à relever la tête, et en plus elle doit subir les remarques d'une tante d'un quartier huppé de Tokyo qui l'enfonce encore plus. Hélas, même le seul rayon de soleil de Ran semble devoir s'éloigner : bientôt Sayuri est contrainte de déménager en direction d'Aomori, région reculée la plus au nord de l'île principale du Japon...


Et pourtant. Incapable de s'imaginer loin de sa chère Ran, Sayuri lui propose de venir vivre en colocation avec elle à Aomori, où elle a intégré une fac ! Bien que pleine de doutes et ayant peur de n'être encore et toujours qu'un boulet, Ran finit par accepter. Sur place, elle découvre vite que Sayuri fait partie du club d'équitation de son université. Et alors qu'elle ne fait même pas partie de la fac, Ran va être amenée, elle aussi, à côtoyer ce club, à y faire des rencontres, et à y croiser la route d'un cheval qui pourrait changer sa vie...


Jumping est la première série publiée en France d'Asahi Tsutsui, une mangaka qui n'en est pourtant pas à son coup d'essai puisqu'elle exerce dans le manga depuis 1996. Terminée en 4 volumes, cette série a été prépubliée au Japon chez Shûeisha de 2015 à mi-2017 dans le magazine Cocohana, un magazine plutôt dédié aux jeunes femmes et que l'on connaît déjà en France pour la série Brainstorm Seduction de Setona Mizushiro.


Dès les premières pages, la mangaka ne laisse aucun doute quant à la thématique sociale de son récit. En présentant une héroïne à un carrefour de la vie très difficile à appréhender (elle n'est plus adolescente puisqu'elle a fini le lycée, mais n'est pas encore adulte), qui avant ça n'a jamais eu confiance en elle est a été malmenée dans ses études, et qui est désormais quasiment une hikikomori (ces gens qui ne s'intègrent pas et vivent reclus chez eux et repliés sur eux-mêmes) s'il n'y avait pas Sayuri, Asahi Tsutsui présente ici une victime d'une société où il est difficile de trouver sa place et qui ne fait aucun cadeau. Même la propre tante de la jeune fille ne fait que l'enfoncer avec dureté, via des paroles qui ne peuvent aucunement lui redonner confiance en elle... Cet aspect social ne quittera jamais le récit, car la mangaka nous présente ici le parcours que Ran va être poussée à faire pour entamer une réinsertion sociale, dès lors qu'elle part suivre Sayuri à Aomori. L'héroïne vivra alors nombre d'étapes pouvant lui permettre de se réintégrer et sur lesquelles nous reviendrons un peu plus bas, mais pour autant rien ne sera facile. Car quand on n'a jamais eu confiance en soi, il est forcément très, très délicat de se relancer, et la moindre petite erreur commise par Ran ne manquera pas de la replonger dans ses doutes, dans son sentiment de n'être qu'un boulet inutile... Et cet aspect s'écoule avec beaucoup de naturel, car la mangaka n'exagère et ne caricature rien. Simplement, en offrant une narration assez introspective sur Ran et en ne rallongeant jamais les choses, elle offre un rendu à la fois très naturel et très réaliste, et il peut alors être très facile de se retrouver dans les doutes de la jeune fille. Ce manque de confiance permanent qui ne peut que plomber, ce sentiment de ne pas être "normal" et de ne pas réussir à le devenir, ce doute constant, cette impression de ne pouvoir s'adapter nulle part, d'être nul et de ne pas changer quand tout le monde avance, sont autant de choses que l'autrice évoque avec beaucoup de justesse.


Avec tout ça, on pourrait croire que Jumping va être un manga pesant. C'est tout le contraire. En effet, Asahi Tsutsui gère à merveille l'ambiance de son récit, celui conservant toujours fraîcheur et optimisme malgré le contexte dur concernant Ran.


Premier facteur de cette ambiance positive : l'autre thème-clé du récit, l'équitation. Sur un sujet rare en manga, Tsutsui offre d'abord une immersion efficace, en ayant la volonté d'aborder le sujet avec une certaine profondeur. Ainsi apprend-on nombre de choses. Des informations de base, par exemple sur le fait qu'un cheval vit entre 20 et 30 ans en moyenne. Des choses sur les courses équestres qui sont au coeur du club, par exemple sur l'existence de plusieurs disciplines (dressage, saut d'obstacles, endurance, concours complet). Et un contexte bien posé sur la vie du club qui n'est clairement pas de tout repos : la personne en charge des soins arrive à 4h du matin pour laver les mangeoires et les auges, nourrir les chevaux, et enlever le crottin et la paille sale, puis à 6h les autres arrivent pour s'entraîner et faire sortir les chevaux, aident pendant les heures où ils n'ont pas cours, à 12h arrive le déjeuner des cheveux, à 13h l'entraînement, à 16h30 le check-up et le repas du soir des chevaux, et en théorie les membres doivent finir vers 18h, mais peuvent rester jusqu'à 20 h quand il y a plus de choses à faire... Bref, il faut une sacrée motivation ! C'est donc dans ce contexte que Ran découvre la vie du club, où elle ne tarde pas à s'attacher à Tsugaru, un cheval intelligent, mais très difficile, que plus personne dans le club ne peut monter. Pourtant, Tsugaru va de lui-même vers Ran, comme s'il voulait lui ouvrir son coeur... Que cache cet animal ? Il se crée alors, tout naturellement, une sorte de lien fort, d'osmose entre l'humaine et le cheval. Une osmose qui semble d'abord inexplicable, mais qui pourrait trouver sa raison dans une constatation laissant penser que Ran et Tsugaru sont un peu dans une même situation. Dans le milieu des courses hippiques, entre 8000 et 10000 poulains naissent chaque année, et on se débarrasse de beaucoup d'entre eux avant leurs 5 ans. En d'autres termes, les chevaux qui ne correspondent pas aux besoins humains sont écartés, vont à l'abattoir : est-ce si différent de la situation que Ran vit depuis toujours, dans une société où elle n'a jamais réussi à s'adapter ? Peut-être que, suite à un drame du passé, Tsugaru vit le même manque de confiance que Ran, et que c'est aussi à cause de ce manque de confiance qu'il fuit le contact avec les autres humains. C'est peut-être alors ensemble que ces deux-là pourront se relever...


Il y a ensuite les autres personnages gravitant autour de Ran, que l'on prend plaisir à découvrir petit à petit. La mangaka les pose assez vite : Tôma Ayukawa étudiant en 1ère année de zoologie, Sadaharu Hinagata étudiant en zoologie aussi, Yukihiko Oku ancien membre du club et entraîneur, Nao Kurisawa en 3ème année à la fac de médecine vétérinaire, Osamu Minami le président du club en 4ème année de sciences de la vie, Yûka Kohiruimaki la vice-présidente en 4ème année de médecine vétérinaire, Wakaba Shiroto en 3ème année de sciences, Asuka Mori en 2ème année de zoologie, Kentarô Oku le cousin de Yukihiko en 2ème année de sciences, Mamoru Akutagawa en 3ème année en fac de sciences, et M. Ebina le prof responsable du club... Sans oublier Sayuri ! Si la plupart de ces visages ne sont, pour l'instant, que brièvement présentés, certains se dégagent déjà facilement du lot. On pense à Ayukawa qui se monte jovial et intéressé par Ran, à Akutagawa qui est un peu vu comme le relou du club et qui voue une amusante passion pour Yukihiko, et surtout à Hinagata, qui semble taper dans l'oeil de notre héroïne, et qui cache lui aussi certaines blessures. Pourquoi méprise-t-il les compétitions et ne participe-t-il jamais aux concours ? Que s'est-il passé avec Tsugaru ? Tut en entretenant quelques pistes d'approfondissement sur certains membres du club, Asahi Tsutsui amène parmi eux une légère pointe de romance, classique, mais plutôt efficace, car elle n'est jamais trop appuyée. Mais surtout, la mangaka parvient à installer plutôt bien et réelle ambiance de club avec les nombreuses interactions qu'on peut y trouver ! L'ambiance de groupe est efficace, souvent assez légère, enjouée et positive, notamment grâce à certains visages vraiment excellents. En tête, Sayuri, qui régale avec son comportement très franc et sa façon de "réduire à l'esclavage" Ayukawa et Hinagata !


Puis il y a le cadre provincial. En quittant l'étouffante ville de Tokyo où elle ne trouvait pas du tout sa place, Ran se retrouve dans une ville de province reculée où, peut-être, elle pourra s'offrir une nouvelle chance. Changer d'air, pour changer de regard sur elle-même. Ici, le piège aurait pu être d'opposer tout bêtement cadre urbain et cadre campagnard, chose que la mangaka évite bien, ne serait-ce que par l'évocation d'un autre personnage : Chiyoko, la grande soeur de Yukihiko qui habite à Tokyo, qui a justement quitté la campagne pour se donner une nouvelle chance en ville, suivant alors le chemin inverse de Ran. La leçon est alors simple : il ne suffit pas de quitter la ville ou la campagne pour se métamorphoser. Et Ran devra apprendre que, quel que soit le lieu, on ne peut pas changer si on reste passif.


Enfin, il y a tout simplement le style de Tsutsui qui offre un rendu très bénéfique. Pour empêcher au manque de confiance et aux doutes de Ran de devenir trop pesants, la mangaka contrebalance très souvent cela par une certaine légèreté et par des notes d'humour. Quand la jeune fille, facilement émotive à cause de ses doutes sur elle-même, manque de pleurnicher, l'artiste adopte des visages un peu déformés plutôt amusants, ou quand elle est surprise par une situation ses réactions sont souvent rigolotes. Le dessin en lui-même reste à la fois très clair et expressif, mais il sait aussi offrir du réalisme quand c'est nécessaire. C'est surtout le cas sur le dessin des chevaux et de leurs mouvements, très convaincant. Les décors, bien présents sans être surchargés, participent eux aussi bien à l'atmosphère.


Sur ce seul premier volume, Jumping commence donc très bien en révélant un récit riche, porté par des thématiques bien dosées, des personnages justes et une ambiance collective et positive très prometteuses. Au niveau de l'édition française, Akata a imaginé un logo-titre équestre très bien trouvé, et à l'intérieur on a droit à une excellente traduction de Yuki Kakiichi, à un travail de lettrage très soigné, et une bonne qualité de papier et d'impression.


Critique 1


Au Japon, la mangaka Asahi Tsutsui est particulièrement prolifique. Depuis les années 90, l’autrice a publié bon nombre d’œuvres, souvent ancrées dans la romance, bien qu’on note dans sa carrière le manga Mobile Suit Gundam – G no Shokutaku, un gag-manga parodiant la franchise.


Fort de sa volonté de proposer des shojo qui développent de vraies thématiques, Akata s’est penché sur la dernière œuvre en date de la mangaka pour nous la faire découvrir : Jumping. Récit achevé en quatre volumes, le dernier manga en date d’Asahi Tsutsui nous parle de romance, mais surtout d’équitation et de réinsertion sociale. Tant d’éléments que ce premier tome arrive à bien doser pour proposer une bonne lecture dans sa globalité.


Ran n’a pas eu une scolarité particulièrement heureuse. Seule jusqu’à sa rencontre avec Sayuri, sa seule amie, l’adolescente a toujours été une élève médiocre, souffrant de son écriture brouillonne, et surtout très effacée et fermée à son entourage. Après avoir échoué à ses examens d’université, Ran s’est recluse sur elle-même, devenant une hikikomori sans aucuns liens sociaux. Suite à ses retrouvailles avec Sayuri et le choc subi quand elle a découvert que tout son entourage a évolué après le lycée, Ran décide de suivre son amie dans la campagne d’Aomori. Là, son amour pour les animaux revêt une importance capitale, et Ran est attirée par le club d’équitation de l’université… Mais y a-t-elle vraiment sa place ?


Akata aime publier des titres qui développent de fortes thématiques sociales. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce premier tome de Jumping n’y va pas de main morte, proposant dans un premier temps une contextualisation efficace qui soulève un sujet grave au sein de la société nippone : le phénomène hikikomori, autrement dit les individus en perte de repères sociaux, finissant par vivre renfermés sur eux-mêmes. C’est donc le cas de Ran, une demoiselle vivant enfermée chez elle depuis son échec à ses examens d’université, que la série va traiter. Ainsi, au-delà de tous les autres sujets du manga, ce premier volet va mettre l’accent sur une demoiselle qui n’a plus aucune confiance en elle, un point qui la rendra attachante. L’héroïne s’avère globalement bien traitée, à tel point que le volume remettre plusieurs fois en jeu son aventure dans la ville rurale d’Aomori, jusqu’à aboutir à une véritable révélation sur sa fin.


Peu fréquent dans le manga, notamment du point de vue du protagoniste, le sujet du hikikomori se voit ici bien traité. Et ce premier tome ne se limite pas à ça dans les sujets forts puisqu’un autre a une place centrale dans le récit : l’équitation. Le parti-pris d’Asahi Tsutsui est de traiter la pratique comme un sport, en livrant notamment différentes informations sur les compétitions par exemple, mais surtout comme un objectif libérateur pour l’héroïne, un moyen pour elle d’entamer une nouvelle vie. Alors, avec ce premier tome, il serait difficile de considérer Jumping comme un simple manga sur l’équitation. Les traitements des thèmes de l’œuvre vont au-delà de ça, et c’est ce qui rend le tout particulièrement prenant dès lors que l’héroïne aura posé le pied à Aomori.


Asahi Tsutsui développe donc un titre avec des messages forts et porteurs d’espoir, mais elle cherche aussi à inscrire son titre dans la romance. Ainsi, très rapidement, des sentiments semblent se développer ci et là. La mangaka utilise les ingrédients phare du manga romantique, comme le harem constitué de beaux-gosses autour d’une héroïne ou l’amourette qui se dévoile rapidement, mais les traite à bon escient. Ces éléments sont suffisamment bien dosés et en phase avec les différentes ambitions de la série, comme le manque de confiance de Ran, pour trouver leur place et être rendus crédibles. Rien n’est jamais trop forcé dans ce premier opus et, bien au contraire, la dimension romantique donne un autre objectif à la protagoniste. Certains membres de ce « harem » ont eux-mêmes leur propre histoire, c’est notamment le cas de Hinagata qui, au-delà de sa stature de bel éphèbe plutôt ténébreux, souffre de ses propres tourments, n’est pas sans faille et pourrait voir chez Ran un moyen d’aller de l’avant. Alors, si le tout paraît déjà-vu en surface, le fond du récit s’avère prenant et bien écrit.


Le style graphique d’Asahi Tsutsui est aussi efficace. On notera son habilité à reproduire les chevaux, si bien que les prochains tomes devraient offrir de beaux moments esthétiques pour peu que des compétitions équestres aient lieu. Les personnages eux-mêmes ont un rendu charmant, l’autrice différenciant correctement ses personnages, leur offrant des designs appréciables et jouant assez bien sur les expressions de chacun, notamment pour retranscrire les malaises de Ran.


L’édition d’Akata est de bonne facture. Le volume reprend les critères des shônen et shojo de l’éditeur et inclut une couverture sur papier couché mât d’un bel effet. Par de bémol non plus sur le papier et l’impression, et la traduction de Yuki Kakiichi, adaptée par Nathalie Bougon, faits sans mal son office. On notera les choix d’adaptation du parler campagnard très marqué, un point où la traductrice et l’adaptatrice ont dû s’en donner à cœur joie.


Alors, ce premier tome de Jumping s’avère être une bonne lecture. Au-delà de la simple œuvre romantique, Asahi Tsutsui dose ses ingrédients et imprègne son récit de thématiques sociales avec le sujet du hikikomori, tout en plaçant l’équitation en tant que sport aux multiples facettes, mais surtout en tant que pratique salvatrice. La série en ayant encore pour trois tomes, on est confiants quant à la qualité de la suite, la série s’avèrera sûrement plaisante dans sa globalité.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs