Innocent Vol.5 - Actualité manga
Innocent Vol.5 - Manga

Innocent Vol.5 : Critiques

Innocent

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 02 Juin 2016

Au front, les commandements militaires de Thomas Arthur de Griffin ne semblent guère porter leurs fruits ; la réponse du Roi n’en sera qu’adaptée : jugement est rendu, il fera l’objet d’une décollation par les mains de l’exécuteur des hautes œuvres ; enfin… c’est qu’entre temps Marie-Josèphe Sanson a bien grandi, elle n’est certes haute que de onze années, mais c’est elle qui le retrouve sur l’échafaud, le glaive lugubre à la main. Et, d’ailleurs, elle semble avoir certaines choses personnelles à régler avec le condamné. Malheureusement, l’exécution tourne mal ; et c’est peu dire. L’eau a coulée sous les ponts : Anne-Marthe et Jean-Baptiste ont quitté la demeure familiale, Charles-Henri est désormais le seul et unique « Monsieur de Paris », lequel semble porter le plus grand soin sur sa jeune sœur cadette.

Si, depuis les débuts de la fresque d’Innocent, l’auteur s’était prêté à un romantisme parfois légèrement revêtu d’érotisme, il s’agira ici, et pour la première fois, de l’intégration manifeste de la thématique de la sexualité : celle-ci constituera la colonne vertébrale de cet ouvrage. Par ce parti pris du prisme souverain de la sexualité, Sakamoto-sensei procède à deux choses : d’une part, l’évolution de trois des personnages de premier plan et, d’autre part, l’établissement de diverses facettes des pratiques de cette époque. D’abord, donc, en ce qui concerne l’évolution des personnages l’auteur s’y affère systématiquement par une étape portée sur la chose : Marie-Josèphe subissant la violence sexuelle ultime se transformera en la bête qui sera esquissée par la suite ; Marie-Jeanne Bécu, future Madame du Barry, considérant être dotée d’un corps endiablé paraît s’élancer dans une perspective de vie qui lui semble cohérente ; et Charles-Henri, perdant sa virginité, se sentira bouleversé au plus profond de lui-même.

Mais encore, à l’aune de la sexualité exacerbée, l’auteur dépeint certains aspects des conditions d’autrefois : à travers le supplice subit par Marie-Josèphe, il sera perçu les calculs de castes, plus ou moins bourgeois, voire nobles, de cette époque, afin d’améliorer, maintenir ou augmenter son rang dans la société, sauf que cela se fera ici contre toute volonté et dans l’horreur ; ensuite, par le parcours, assez juste dans sa retranscription, bien que très succincte, de Marie-Jeanne Bécu, il est mis en exergue ce que pouvait être le périple d’une roturière afin de survivre décemment ; et, enfin, par Charles-Henri, il est porté un regard sur les déformations que peuvent opérer certains enseignements chrétiens sur la conscience d’un jeune-homme quant à la perception des réalités.

Sans doute davantage qu’à l’habitude, l’auteur a usité de l’uchronie. Cependant, à certains endroits, cela paraîtra moins habile que ce à quoi il put précédemment habituer le lecteur. Notamment, Thomas Arthur, personnage historique de haute importance, qui fera l’objet ici d’une telle modification en substance, que Sakamoto fut obligé d’en changer le nom : « Lally » deviendra « Griffin ». Or, il aurait sans doute été davantage intéressant d’être peu plus respectueux des faits historiques, lesquels auraient pu permettre d’intégrer la philosophie des lumières avec Voltaire, plutôt que de faire le raccourci intellectuel, presque caricatural, de la perversité sexuelle. Non pas que le suivi desdits faits historiques soit un impératif quelconque, loin de là ; mais qu’en l’espèce cela aurait pu teinter l’ensemble d’une touche philosophique et littéraire assez  appréciable ; au lieu d’un passage qui pourra être considéré comme moindrement raffiné, même si Sakamoto excelle dans la prestation. Pour le reste, nombre de personnages historiques font ici leur entrée, et à travers quelques anecdotes véritables : comme le jeune Mozart demandant la main à Marie-Antoinette d’Autriche, pendant leur enfance : des détails très appréciables.

Enfin, cet ouvrage c’est aussi celui de l’entrée en scène parallèle de deux figures féminines éduquées dans des univers diamétralement opposés : Marie-Antoinette bercée par la musique et les belles paroles ; Marie-Josèphe baignée dans la violence et le sang. Le contraste étant plutôt exubérant. Pour en rester purement sur la structure du présent tome, l’auteur n’est en général jamais aussi bon que lorsqu’il ralentit la narration afin de développer avec soin et en détail les turpitudes de ses personnages ; cependant, en l’espèce, beaucoup de choses prennent racine, bien des personnages font leur entrée, quantité d’évènements s’enchaînent : cette narration accélérée ne permet point de développer le récit en profondeur et semble, par interstices, affaiblir toute la solidité de la charpente à laquelle le lectorat aura pu être sensible lors du précédent tome troisième.

Un ouvrage qui, en dépit de maintes qualités fort nombreuses, et à raison de ce que susévoqué, s’il ne parvint à égaler le niveau de parachèvement de ses prédécesseurs, ne manquera pas de saisir l’attention de son lecteur et de poser nombre de bases pour la suite de l’épopée. Par voie de conséquence, il est aussi livré, peut-être inconsciemment, un ouvrage davantage « grand public » et moins insolent que certains précédents ; en souhaitant néanmoins un prompt retour à la qualité des premiers jets.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Alphonse
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs