Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 16 Janvier 2015
Si le nom de Souillon vous dit quelque chose, ce n'est pas sans raison. Celui-ci est l'auteur de Maliki, le personnage principal du webcomic à succès du même nom. Editée pour la première fois en 2007 par Ankama Editions, la série a vu son sixième tome paraître en 2013 et a bien évolué depuis le début du blog. Mais même si Maliki a connu une évolution, l'auteur avait envie de nous conter autre chose. Et Hello Fucktopia, sous-titré « un vrai conte de fées » est le résultat de cette envie. Longtemps couvé, cette préquelle à demi avouée de Maliki se révèle être un one shot beaucoup plus sombre et mature, aussi bien dans les dessins que dans le ton du récit. La mention "pour public averti" n'est d'ailleurs pas usurpée, le lecteur est prévenu !
À 19 ans, Mali a enfin réalisé son rêve de monter sur Paris pour devenir dessinatrice. Au revoir la Picardie paumée, bonjour ville de lumière ! Mais la réalité est souvent décevante. Ayant échoué aux concours des grandes écoles, Mali doit se contenter d'aller suivre des cours dans une fac sans envergure et sans matière réellement motivante. Totalement découragée par ses études et les désillusions qu'elle subit coup sur coup, Mali boit, fume et fait preuve d'un cynisme à toute épreuve. Pour affronter tout ça, elle est entourée de ses deux meilleurs amis : Thémis, fofolle, mais malheureuse en amour, et Stéphane la voix de la raison, un peu effacée devant ses deux copines à forte personnalité. Trouver un sens à sa vie n'est pas simple, et encore moins à la capitale.
Dès le début de Hello Fucktopia, l'auteur nous livre une préface qui dévoile ses intentions et le message qu'il a voulu faire passer à travers ce nouveau titre. Ainsi, on découvre que ce récit est autobiographique, bien que romancé pour rendre le propos plus pertinent et intéressant à lire. Tenant beaucoup à ce projet, Souillon nous ouvre un peu son cœur à travers cette préface. Mais cette façon de faire est à double tranchant, car au mieux, le lecteur sera touché et se sentira concerné par les propos et les mésaventures de Mali/Souillon, mais au pire, il n'adhérera pas et se sentira même gêné par cette proximité qu'on essaye de lui imposer. Chacun abordera donc le récit d'une manière différente. Celui-ci se présente sous forme de chapitre, et à travers ceux-ci on vit le quotidien de Mali, on découvre sa façon de faire face, et un triste constat se fait. Tout le temps dans la provocation, en venant même à jeter ceux qui sont toujours là pour la soutenir. Il se révèle difficile de compatir à ses malheurs. Bien sûr, son comportement s'expliquera tout au long du récit, mais les nuances ne seront pas assez nombreuses pour altérer cet état de fait. Seule la fin, très réussie, nous permettra enfin de ressentir de l'attachement pour le personnage.
Heureusement, les événements justifient une telle attitude et permettent à Mali de ne pas nous paraître totalement antipathique. La vie ne lui fait pas de cadeau, à un âge où beaucoup de questions se posent, quant à l'avenir, à l'adulte que l'on veut devenir, aux rêves que l'on entretient. Des interrogations qui pourront atteindre le plus grand nombre, car nous sommes peu à passer à côté et l'auteur les présente de manière très juste. Les portraits caricaturaux, mais tellement vrais des individus sont tout aussi bien traités. Seule la conclusion des histoires avec Thémis et Stéphane pourrait décevoir ; comme la fin, où le revirement est un rien brutal, bien que plein d'espoir.
Tout ceci est très bien porté de bout en bout par le dessin, qui réussit sans mal à s'émanciper du style manga de Maliki, pour présenter un style riche en détail, beaucoup plus influencé franco-belge. Les couleurs servent très bien à l'ambiance du récit, tantôt sombre, flashy ou doux quand la narration l'exige. C'est donc un très beau travail graphique, appuyé par l'édition d'Ankama de bonne facture.
Ainsi, Hello Fucktopia n'est pas sans défaut. On peut lui reprocher une héroïne auquel on a du mal à accrocher ou un traitement parfois trop rapide de certaines situations. Mais la lecture reste un plaisir, car les questions soulevées et les attitudes humaines sont très justes, tout en étant parfaitement dessinées. Et quelle belle conclusion.