Fleurs du mal (les) Vol.3 - Actualité manga
Fleurs du mal (les) Vol.3 - Manga

Fleurs du mal (les) Vol.3 : Critiques

Aku no Hana

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 07 Avril 2017

Critique 3


Pris par la culpabilité de cacher de lourds secrets à Nanako, Takao demande à Sawa de lui dévoiler la vérité sur le vol des vêtements de sport. Mais la jeune fille va plus loin que ça et impose au héros de tout écrire, lui-même, sur le tableau de la classe. Libérant leurs vraies natures et assouvissant leurs pulsions, les deux lycéens mettent en ruine la salle de classe, comme pour se libérer d’un poids qui pesait sur eux. Mais le lendemain, Takao commence à redouter les répercussions que pourraient avoir ses actes…

La fin du tome précédent nous laissait dans un certain de choc. La libération spirituelle de Takao aboutissait à une séquence aussi violente que pleine de poésie, mais le personnage comme le lecteur pouvait redouter ses effets qui ne vont certainement pas alléger le quotidien du jeune Takao.

L’acte du jeune homme commence alors à prendre un véritable sens tout le long de ce tome qui marque une phase importante d’évolution chez le protagoniste, une étape où celui-ci se cherche et se dirige vers un état d’esprit encore plus complexe. Les aveux de Shuzo Oshimi sont formels à ce sujet et c’est toute une étape de l’adolescence, plus précisément une adolescence vécue par de jeunes gens qui en souffriraient et se sentiraient mal dans leurs peaux, que le mangaka cherche à dépeindre. Takao illustre donc totalement cette thématique tant le choix qu’il a fait lui permet de commencer à se sentir vivant. Mais l’évolution du personnage se fait toute en douceur et malgré la libération d’un poids qu’il a laissé derrière lui, vient le temps des remords. Comme pour décrire le passage à l’âge adulte de jeunes indécis, l’auteur crée un personnage qui doute en permanence, cherche à avancer sur un sentier on ne peut plus particulier tout en se questionnant sur ce qu’il aurait pu faire. Mais à côté de ça, Takao avance en permanence et ne se contente pas de faire du surplace. Et aussi curieux que puissent être ses agissements, le lecteur se prend toujours plus d’empathie pour ce héros complexe.

La figure de Sawa, elle, continue de jouer un rôle très important, celui d’un guide pour le protagoniste, cherchant à le guider « derrière la montagne », symbole de l’inconnu. C’est donc bien par leurs interactions que l’intrigue se forme, que le héros évolue et que le lecteur voit un intérêt qui se renouvelle chapitre après chapitre. L’énigme qu’était Sawa en tant que personnage prend donc davantage d’ampleur à chaque page, la demoiselle livre progressivement des facettes plus humaines et symbolise, elle aussi, une certaine facette de l’adolescence dépeinte par Shuzo Oshimi.

C’est donc l’ensemble de cette thématique que ce troisième tome développe à travers différents événements qui vont de la découverte du saccage de la salle de classe à toute une longue séquence sur le franchissement d’une montagne dont le sens métaphorique est très vite mis en évidence par l’auteur. Il règne alors une ambiance assez différente des deux premiers volumes, moins malsaine dans le sens où Takao et Sawa s’accordent de plus en plus, mais conservant une autre particulière, à la fois dérangeante et poétique, tant les regards de la mère de Takao et de Nanako sur le jeune homme se fond lourd, mais contribuent à donner du sens à l’évolution de l’œuvre. Par cette aura, Les Fleurs du Mal se montrent toujours plus addictives en terme de lecture, il est même assez dur de relever son nez de l’ouvrage jusqu’à la toute fin dans l’évolution de ce récit particulier suscite toujours l’envie de connaître l’issue de cette aventure et de quelle manière les personnages pourront évoluer les uns aux côtés des autres.

Dans toute la complexité de l’œuvre dans ces sujets, notons que les notes de Shuzo Oshimi sont intéressantes tant elles nous éclairent sur l’état d’esprit du mangaka et du message qu’il cherche à développer. L’auteur cite beaucoup d’œuvres dans les postfaces de chaque chapitre, des œuvres qu’on aurait envie de découvrir afin de comprendre encore plus profondément les inspirations du dessinateur.*


Critique 2


A la lecture de ce troisième volume, il aura été saisi, et sans trop guère de mal, pourquoi Nanako ne pouvait qu’être, sur la première de couverture, en larmes.

Le précédent tome se clôturait par une sorte de balai décadent – ou métaphore de l’acte sexuel consommé – qui entérinait cette relation dévoyée existant entre Sawa et Takao. Un moment assez fou de dégradations en toutes sortes et dont les répercussions se voudront relativement lourdes : Nanako puis les parents de Takao vont apprendre les agissements de ce dernier ; alors que Nanako semblera accorder le pardon à son amoureux, Takao, bouleversé et empli de honte, prendra les jambes à son cou. Il traversera rues, chemins et champs. D’abord pour retrouver Sawa, puis pour s’enfuir de cette ville où il se sent comme prisonnier, par-delà la montagne.

Takao est devenu une sorte de chien-larbin au maître douteux : le laquais de la perverse. Il aura beau dire s’être éperdument épris de Nanako, il demeurera sous l’emprise psychologique de l’imprévisible Sawa. Lui qui se sent si faible, tant vide et au combien dans l’incompréhension de ce monde qui l’entoure. Sawa lui tourne le dos, il panique d’être abandonné ; elle le ridiculise et l’humilie, il se tait et obéit ; elle le déshabille, il baisse la tête. Bouche bée et pantois, Nanako assistera à tout cela : elle suppliera le jeune homme de revenir auprès d’elle avant de lui demander s’il ne serait point, en réalité, amoureux de Sawa.

Ainsi, toujours dans le cadre du surréalisme, et pour s’extraire donc du cadre moral préétabli, Takao tentera de s’en aller de cette ville en creux de montagnes où il se dit capturé, symbole de ce vide qui le hante et qu’il souhaite remplir. Même si, pour l’heure, il ne s’agira que de la prise de conscience de l’existence de ce néant. D’ailleurs, s’agissant de cet aspect de l’œuvre, les notes intercalaires de chapitre, lors desquelles l’auteur se confesse, sont particulièrement intéressantes afin de saisir quels éléments du vécu de celui-ci purent déterminer certains traits de personnalité des protagonistes, expliquer le cadre théâtral de la « pièce » jusqu’à quelques axes du récit.

 Shuzo Oshimi fait émerger le beau depuis le mal pour ensuite meilleurement maltraiter le bien. Il en ira ainsi lorsque, sur leur route, l’adolescent fragile et son tortionnaire devront s’abriter sous la roche afin d’échapper à la pluie : les vêtements du monstre Sawa, pleins d’eau de pluie, laisseront apparaître les formes d’une jeune fille qui ne manqueront point d’hypnotiser le regard lubrique du piètre héritier de Beaudelaire ; l’éthérée Nanako en sera ensuite réduite à l’un des chagrins les plus insupportables : la perte de l’être aimé.

Beaucoup d’ouvrages de fin de série ne contiennent pas la moitié de tout ce que déploie ce troisième tome de « Les Fleurs du Mal » et, dans la mesure où il en reste encore huit au compteur à paraître, et que tout cela n’est que pour ainsi dire le début, le lecteur sera en droit de s’interroger sur ce que pourra encore se dévoiler.

Des moments fort poignants qui mettent profondément mal à l’aise lors desquels les espoirs s’effondrent et où les sentiments les plus nobles sont étranglés par la boue. L’auteur ne ménage pas ses personnages, lesquels sont d’une épaisseur redoutable : s’il le souhaitait, ce shonen ferait la leçon à bien des gekigas.


Critique 1


Poussé par Sawa, Takao Kasuga voit peu à peu son masque s'effriter et son "moi" profond se mettre à nu, alors même qu'il commençait à sortir avec Nanako. Mais il a du mal à supporter cette situation, car il se sent coupable envers Nanako et est incapable de se dénoncer. La solution viendra-t-elle de Sawa ? En effet, la jeune fille l'a emmené en pleine nuit dans leur collège désert, et lui a ordonné de confesser son crime sur le tableau... suite à quoi l'adolescent, comme libéré, s'est lâché en compagnie de Sawa en saccageant la classe.
Désormais, il n'est plus possible de reculer. Car le lendemain matin, toute la classe, tout l'établissement, Nanako comprise, découvrira ce qui s'est passé, et le secret de Takao sera exposé aux yeux de tous...

Ce tome est placé sous le signe de la vérité pour Takao, toujours plus marqué par l'emprise de Sawa qui parvient à faire s'extérioriser ce qui bouillonnait en lui, à dépasser les interdits, à briser les barrières de la norme imposée par la société. Et les conséquences seront encore plus fortes en confrontant le jeune garçon à ce qu'il est.
Quel adolescent n'a jamais connu le désir profond de s'enfuir, de partir loin, après avoir vu l'une de ses erreurs exposées aux yeux de tous ? C'est ce que Shuzo Oshimi va exposer avec une grande force en allant au bout de cette idée, via un passage important où Sawa et lui partent en vélo dans l'optique d'aller au-delà de la montagne. Car Takao a-t-il encore sa place dans cette ville ? Qu'est-ce qui le retient dans cette cité, dans cette société ? Dans ce lieu et cette vie vides, creux, sans horizon ? Pendant que tous les autres gens de la ville continueront de mener leur vie tranquille, la pensée de la fuite et le passage à l'acte avec cette virée en montagne signifient beaucoup dans le malaise que ressent le jeune garçon. Le tout, alors même qu'il provoque la profonde inquiétude de celles qu'il laisse derrière lui : une mère affolée, et une Nanako désemparée... Ces deux-là suffiront-elles à le rappeler en arrière ? Après tout, en face, il y a Sawa, qu'il peine encore à cerner entièrement, mais qui, clairement, le captive de plus en plus dans ce qu'elle dégage. Sawa fascinante, qui reste en apparence aussi forte qu'insondable, à l'image de ses yeux profonds et nébuleux, ou de cette p138 où il est difficile de dire ce qui se cache derrière son visage sous la pluie.

"C'est comment, dans ton coeur ?"

L'opposition entre Sawa et Nanako est excellente et symbolique, car face à Takao se présentent alors deux choix : partir avec Sawa au-delà de cette ville et de cette société étriquée où il ne se sent pas à sa place, ou revenir en arrière avec Nanako.
Et si nous avons déjà évoqué Takao et Sawa en détail, il convient aussi de revenir sur la troisième membre de ce trio complexe, qui s'affiche à juste titre sur la jaquette. Car ici, Nanako est un personnage qui gagne énormément en importance et qui a beaucoup de choses à dire. Dès le début du volume, on sent symboliquement que son rôle va grandir, quand elle est au milieu de la fleur peinte sur le sol de la classe, comme prisonnière d'elle... en attendant que sa "Fleur du mal" éclose à son tour ? Le tome précédent nous laissait cerner qu'elle n'était sans doute pas la vraie elle face aux autres, qu'elle aussi se sentait peut-être à l'étroit dans cet univers normalisé... Ses réactions tout au long du volume sont alors autant de témoins mystérieux de ce qu'elle peut ressentir : sa réponse à Takao quand elle apprend la vérité sur lui, sa poursuite sur les routes sous la pluie, ce qu'elle affirme d'elle... On découvre une adolescente qui, sous ses allures classiques, renfermait elle aussi des douleurs dans son quotidien étouffant, et qui grâce à Takao a enfin l'impression de sortir du lot.

"Moi... Je suis vide..."

Face à cela, la réaction de Takao est d'une puissance rare, dès la p119 où la "Fleur du mal" se reflète symboliquement dans sa pupille, puis au fil des impeccablement découpées p154-155 où il dévoile totalement ses vérités. C'est très bien amené, et au vu de la manière dont les personnages s'exposent désormais, la suite s'annonce excellente. Une chose est déjà sûre : rarement un manga estampillé shônen n'a si bien retranscrit l'ambivalence des tourments de l'adolescence ainsi que la difficulté de faire le point dessus.

Pour le reste, le trait d'Oshimi continue de s'imposer, certaines expressions faciales très nuancées dégagent des émotions ambiguës très fortes, la gestion des décors est excellente (surtout ceux sous la pluie). L'oeuvre, évidemment, baigne toujours dans l'atmosphère imposée par les écrits de Baudelaire, que ce soit à l'intérieur de l'histoire, ou via les titres des chapitres continuent qui y font directement référence.  Et voir Oshimi continuer de se livrer autant dans ses textes entre les chapitres est un plaisir pour mieux cerner l'homme. Il y fait notamment mention de sa découverte du film "Mais ne nous délivrez pas du mal" de Joël Séria, de son amour pour la musique de Bob Dylan, et de certains mangas qui l'ont influencé : "Sakura no Uta" de Tetsu Adachi, "Gekkô no sasayaki" de Masahiko Kikuni, "Inu" de Haruko Kashiwagi.


Critique 3 : L'avis du chroniqueur
Takato

18 20
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs