Cutie Honey - Actualité manga

Cutie Honey : Critiques

Cutie Honey

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 22 Juin 2016

Quand Honey Kisaragi, jeune et sublime demoiselle, se réveille face à son père qu'elle aime affectueusement, elle ne sait encore rien de sa condition réelle.
Envoyée en pensionnat dans un lycée pour filles au fin fond de la montagne, elle s'y fait rapidement sa place : dans ce milieu exclusivement féminin, on vante sa beauté, elle se fait rapidement une précieuse amie en la personne de Nacchan, mais s'attire également la jalousie des loubardes de l'établissement, quand elle ne doit pas éviter soigneusement l'horrible gardienne Hystler et son fouet.
En somme, une vie d'étudiante qui apparaît presque normale. Jusqu'au jour où son père est attaqué par un redoutable ennemi du nom de Panther Claw. Sur son lit de mort, le Pr Kisaragi dévoile alors la vérité à sa fille : elle est sa plus belle création, une super-androïde qui, en appuyant sur son collier tout en criant "Honey Flash", peut se métamorphoser sous 7 formes différentes et acquérir une force prodigieuse, grâce à un catalyseur permettant de changer de tenue en matérialisant l'air. C'est ce catalyseur que convoite la puissante organisation criminelle Panther Claw.
Pour à la fois venger son créateur et se protéger, la belle Honey devra  dès lors déjouer les plans de Panther Claw et vaincre ses diverses ennemies.

Quand Cutie Honey voit le jour au Japon en 1974, Gô Nagai s'est déjà taillé une réputation en seulement quelques années : sa série Harenchi Gakuen (inédite en France) a déjà défrayé la chronique, Devilman a déjà marqué toute une génération de lecteurs, et l'auteur commence tout juste à révolutionner le mecha avec Mazinger Z. Les aventures de Honey Kisaragi lui permettront pourtant de passer encore un cap, qui durant les décennies suivantes ne se démentira jamais, tant la figure de Cutie Honey reste encore et toujours assez populaire auprès du public japonais.
En France, pourtant, il subsiste une certaine méconnaissance de celle qui fut renommée Cherry Miel lors de sa brève diffusion en dessin animé sur nos téléviseurs (brève, car les parents sont vite montés au créneau), et il aura fallu attendre plus de 40 ans pour enfin découvrir en français le manga d'origine qui reste un monument. Cette arrivée tardive, mais qui a enfin lieu, nous la devons à Isan Manga, qui nous propose l'oeuvre sous la forme d'un pavé de 470 pages.

Mais qu'est-ce qui a fait la légende de Cutie Honey ? Un mélange de plusieurs choses, sans nul doute, à commencer par l'érotisme charmant de son héroïne, plutôt inédit pour l'époque.
Alors que, peu de temps avant, Harenchi Gakuen créait le scandale auprès des parents pour son approche du sexe et de la nudité, cet enfant terrible du manga choisit de récidiver avec cette chère Honey, qui tout au long du récit se promène très souvent nue, quand elle n'enfile pas diverses tenues sexy grâce au pouvoir de son "Honey Flash". Cet érotisme, loin d'être putassier et inutile (il a à plusieurs reprises un certain rôle), se dresse surtout comme une belle mise en valeur d'une héroïne de charme, qui conquiert tout le monde sur son passage, que ce soit les hommes, les filles de son établissement scolaire, voire certaines ennemies... et Gô Nagai lui-même, dont on ressent régulièrement tout l'amour qu'il peut porter à son héroïne.
Cet érotisme, de plus, s'inscrit dans une optique novatrice, à une époque où l'émancipation sexuelle nippone commençait : aux côtés d'autres précurseurs, Cutie Honey fait partie de ces titres qui ont les premiers mis en scène de façon explicite des choses jusque là plutôt taboues, comme l'homosexualité (nombre de filles de l'établissement scolaire de Honey le sont, et les enseignantes aussi, puisqu'elles n'ont jamais pu fréquenter le moindre garçon).
Mais il ne faudrait pas limiter le manga à cela, car derrière cette figure féminine bourrée de charme se cache également la première héroïne de shônen, ce genre n'ayant jusque-là connu que des héros masculins. L'intelligence de Nagai a été d'avoir inversé les rôles : la figure de personnage central fort revient à Honey, celui d'ennemis à l'organisation Panther Claw qui n'est composée que de femmes elles aussi puissantes et s'apparentant un peu à des Amazones, tandis que les rôles masculins sont essentiellement relégués à des rôles faibles. Ainsi, Seiji Hayami, journaliste qui sera un allié pour Honey, est bien souvent celui qu'il faut libérer des griffes ennemies, la "demoiselle en détresse" en quelque sorte, tandis que son père et son petit frère font essentiellement office de bouffons pervers humoristiques. Pour l'époque, c'est une révolution, et ça explique sûrement la forte popularité que Cutie Honey a également connue auprès du public féminin, les femmes étant alors désireuses d'exprimer leur volonté d'égalité des sexes et de montrer leurs revendications féministes.

C'est là-dessus que s'est bâti le statut culte de l'oeuvre. Pour le reste, Gô Nagai livre un scénario qui aujourd'hui peut paraître très classique : Honey doit combattre les sbires de Panther Claw les unes après les autres, tout en poursuivant comme elle le peut sa vie au pensionnat. Mais il faut évidemment remettre le récit dans son époque, et cela n'empêche pas Nagai d'offrir un divertissement qui, aujourd'hui, n'a pas vieilli et reste très efficace.
En effet, le mangaka peut notamment compter sur son sens de la mise en scène, empruntant souvent aux codes du cinéma, et déjà démontré auparavant dans Devilman. Nombre d'angles de vue et de découpages bénéficient d'une grande clarté et d'un dynamisme exemplaire. Il faut également souligner la diversité qui découle des différentes ennemies, mais aussi de la capacité de métamorphose de Honey qui peut prendre 7 formes différentes et acquérir des capacités spécifiques selon les situations : devenir une dompteuse, une pro des objets à moteur...
Enfin, Nagai démontre ici sa maîtrise des ambiances en variant souvent l'atmosphère. Ainsi, il peut nous faire passer sans mal de moments érotico-comiques ou parodiques à d'intenses scènes d'action, en passant par des moments de profond et sombre drame sanglant.

Belle, érotique, forte : 40 ans plus tard, Cutie Honey reste une héroïne captivante. Son histoire constitue une lecture aussi séduisante que divertissante, et l'on y déniche sans mal ce qui en a fait une oeuvre culte. Il serait dommage de passer à côté de la chance qui nous est enfin offerte en France de découvrir comme il se doit ce monument, d'autant que l'édition s'avère globalement satisfaisante. Bien sûr, on pourra trouver le prix de quasiment 30€ un peu abusé pour un livre qui comporte quand même quelques petites coquilles textuelles (surtout dans le dernier tiers de l'ouvrage), possède un signet-marque-page qui a le mérite d'exister, mais qui s'effiloche beaucoup trop facilement, et est doté d'un papier légèrement trop transparent. Mais d'un autre côté, ce même papier trouve un compromis agréable entre une certaine épaisseur et légèreté (ce qui fait que malgré ses 470 pages, le pavé n'est pas trop lourd entre les mains) en plus de ne pas du tout laisser baver l'encre, la traduction d'Odilon Grevet est d'une clarté exemplaire et comporte des annotations si besoin est, le travail sur les onomatopées est tout à fait convaincant (les mineures sont traduites et bien intégrées, tandis que les plus importantes faisant pleinement partie du dessin sont conservées telles quelles), les premières pages en couleur et bichromie sont un plus sympathique, les 6 pages de postface par Matthieu Pinon sur le statut de l'oeuvre et son auteur amènent bon nombre de précisions intéressantes, et la couverture rigide avec ses dorures apporte un certain cachet (même si l'on regrette que la partie noire de la dite couverture soit si salissante).


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs