Anguilles démoniaques Vol.3 - Actualité manga

Anguilles démoniaques Vol.3 : Critiques

Unagi Oni

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 25 Août 2016

Derrière son physique de colosse peu avenant, Masaru cachait sa gentillesse et sa timidité. Mais petit à petit, ce caractère positif a été mis à mal par nombre d'événements : ses dettes, son travail au sein de Chiwaki Enterprise pour un patron difficile à cerner, sa découverte de milieux malsains comme celui de la prostitution, la chute psychologique de son collègue Tomita... et, surtout, son inquiétude face au quartier pauvre et délabré de Kuromu, où la misère règne au point que les enfants semblent devoir se vendre, où des lieux comme l'auberge où il a mangé l'ont marqué par leur atmosphère glauque et le repas inquiétant qu'il y a mangé, et où se trouve l'entreprise Maruyoshi, où les anguilles ont comme un parfum de mort...
Les horreurs des bas-fonds de la société lui sautent peu à peu aux yeux en mettant à mal sa façon de voir les choses. Mais il résiste, car il a son épouse Tomoko, mais aussi Miki, cette jeune et belle prostituée à qui il semble plaire et pour qui il ressent une attirance de plus en plus forte. Hélas, les points de raccroche de Masaru et sa confiance en ce monde se brisent un instant, quand il découvre que Miki n'est pas du tout celle qu'elle semblait être et qu'elle le manipule. Pour Masaru qui était déjà un peu ébranlé par tout ce qu'il a vécu et observé récemment, c'est la goutte d'eau de trop. Et Miki va le découvrir à ses dépens, de la plus terrible des manières...

C'est sur un coup de tonnerre que s'ouvre l'ultime opus d'Anguilles démoniaque, qui cristallise tout ce qui s'est emmagasiné en Masaru, pour le faire éclater dans un coup de sang ravageur parfaitement mis en scène. Dès les premières pages, la nuit, la pluie tombant froidement et le regard dépourvu d'émotion de Masaru sont autant d'éléments qui installent l'ambiance. Entre les colères de Miki et son érotisme, cette ambiance ne fait que s'accentuer au fil des pages, au point de nous laisser deviner l'horreur qui pourrait arriver. Horreur qui finit alors par éclater avec brutalité, au gré du regard presque inhumain du colosse, de cette pluie qui continue de tomber,et, surtout, d'une utilisation brillante des envahissantes et suffocantes onomatopées de la radio. Difficile de sortir indemne de cette scène, d'autant que dans le même temps Masaru ne peut vraiment se réjouir de la merveilleuse nouvelle que Tomoko lui annonce pourtant. Masaru et Miki n'en sortiront d'ailleurs pas. Il a commis le pire, et même si son patron et les employés de Maruyoshi sont là pour l'aider, il ne sait pas encore à quel point ce qu'il a fait va emmener tout le monde dans une terrible spirale.

"On dit qu'un cuisinier d'anguilles est au top lorsqu'il sait enfin  aiguiser son couteau..."

Car cet événement est surtout le déclencheur d'une suite qui continue dans les événements terribles. Difficile d'en dire plus sans spoiler, alors disons simplement que même si certaines ficelles sont prévisibles (en tête, celle concernant les messages envoyés depuis le téléphone de Miki), Yûsuke Ochiai mène les choses à merveille pour nous amener constamment, à l'instar de Masaru, à nous interroger sur ce qui est vrai ou faux, sur ce dont il faut réellement s'inquiéter ou non. Jusqu'à une dernière ligne droite brillante dans sa manière de dépeindre la soif vengeresse d'un personnage en particulier. Brillante, car plus que d'offrir un simple thriller, l'oeuvre laisse bien comprendre tout le désarroi que peuvent ressentir les personnages, et dépeint à merveille la manière dont ils sont bafoués et peuvent toujours plus se faire déposséder des dernières choses/personnes auxquelles ils tenaient.

"La seule chose qui lui fait peur, c'est la perversité qui se cache dans le coeur des adultes..."

Au-delà d'un portrait sombre des bas-fonds de la société et d'un quartier de Kuromu plus désoeuvré et laissé à l'abandon que réellement inquiétant, Yû Takada et Yûsuke Ochiai soulignent surtout toute autre chose : la façon dont l'imagination, face à ce qu'on ne comprend pas et ne cerne pas, peut amener à avoir des sentiments négatifs et à commettre le pire. Terrible facette des hommes. Terrible, mais humaine.
Dans tout ça, il peut pourtant y avoir des lueurs positives en finissant par mieux cerner les choses et les personnes. Un désoeuvrement laissant transparaître innocence et bonté, comme chez la petite Shion et Hidé. Ou un heureux événement confirmant que la vie continue, même si Masaru devra passer toute sa vie avec son crime en mémoire.

"Ce que les hommes voient change en fonction de celui ou celle qui regarde..."

Au final, on tient en Anguilles démoniaques une courte oeuvre de très haute volée, qui s'achève avec impact, force et intelligence. On tient là autant un excellent thriller qu'un immersif portrait de misère sociale et qu'une puissante fresque de dérives humaines. Indispensable.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs