Anguilles démoniaques Vol.1 - Actualité manga

Anguilles démoniaques Vol.1 : Critiques

Unagi Oni

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 22 Mars 2016

Critique 1


En 2012, la librairie Komikku surprenait son monde en se lançant dans l'édition avec une volonté d'apporter un certain dynamisme au marché par des titres au fort intérêt. Pari réussi puisque l'éditeur nous a permis de lire de nombreuses séries plus qu'intéressantes, et avec en première sortie L'île Infernale, seinen qui a su vite séduire son public. Ce titre nous a permis de connaître Yusuke Ochiai, un auteur que nous souhaitions suivre avec intérêt. C'est donc sans surprise que ce dernier est revenu chez nous en 2016 avec non pas un, mais deux nouveaux titres : Moon Shadow et Anguilles Démoniaques. Si le premier est un one-shot, le second est à nouveau une histoire en trois volumes et nous allons tout de suite voir ce que nous promet le début de ce récit.

Adieu les îles, et bonjour la capitale nippone ! Dans ce titre, l'auteur nous plonge dans Tokyo du point de vue des malfrats et de tout syndicat du crime pour nous présenter la face sombre de la ville. Nous suivons ici Masaru Kurami, un trentenaire japonais dont l'imposante carrure cache un homme assez faible mentalement, et qui en plus de ça est endetté jusqu'au cou. Alors que plus aucun avenir ne semble se profiler devant lui, il va être récupéré tel un chien errant par le patron de Chiwaki Enterprise qui lui propose de travailler pour lui. Sa mission est simple : accepter de faire ce que lui demande son patron sans poser de question, contre des sommes d'argent plutôt coquettes. Mais il y a un mais : Masaru se retrouve désormais pris dans le milieu des yakuzas et son job va à l'encontre de la morale du pays. Prostitution, extorsions d'argent, transports de marchandises en tout genre, voilà ce qu'est devenu le quotidien du pauvre homme. Si cela lui permet de gagner de l'argent assez rapidement, il est quand même devenu un homme à la merci de son patron, et se voit être transformé peu à peu en chien de garde...

Anguilles Démoniaques nous dépeint donc un Tokyo que l'on a déjà pu croiser de ce point de vue dans d'autres mangas au même thème, et celui-ci nous rappellera justement Tokyo Yamimushi avec un héros faible et endetté qui va rentrer dans un tout autre univers malsain. La différence ici est le personnage principal : Masaru a une carrure plus qu'imposante et avec son patron qui décide de lui raser cheveux et sourcils, son physique à tout pour impressionner, une grande capacité pour son nouveau métier. A travers la lecture nous sentons bien encore que Masaru est nouveau dans ce milieu et il découvre avec le lecteur les choses malsaines qu'on lui pousse à faire, devant des gens complètement démunis qui se voient privés de tout à son arrivée, et ce malgré lui. Mais son travail prend une tout autre tournure quand on lui demande d'aller livrer un colis de 50kg en ne posant strictement aucune question, et surtout en ne regardant pas ce qu'est la marchandise. Serait-ce un trafic d'humains ? Le mystère reste encore entier...

Là où le titre se veut également intéressant, c'est sur sa palette de personnages. Si Masaru a tout pour être la grosse brute du clan, ce n'est pas le cas de Tomita : jeune homme éphèbe, il a tout du bon tchatcheur et arrive sans problème à rameuter des filles pour le business du clan. Mais tout comme Masaru, il craint son patron, cet homme impitoyable qui se sert des autres pour ne pas se salir lui-même les mains. N'oublions pas bien sûr Hide, l'homme au visage brûlé de moitié et dont l'aspect effraie complètement Masaru bien qu'on ne sache encore pas grand-chose sur cet homme, hormis le fait qu'il ait tout perdu depuis son accident.

Anguilles Démoniaques arrive à nous faire ressentir la lourde ambiance du monde dans lequel baignent nos personnages par l'intermédiaire du regard de Masaru. On sent bien grâce à lui que tout peut arriver à tout moment et que personne ne protège réellement ses arrières. Sa carrure est comme une carapace, mais les sentiments la traversent sans aucun mal. Ainsi l'intrigue s'installe peu à peu et l'on appréhende déjà les malheurs qui risquent d'arriver à nos deux personnages principaux, eux deux n'étant que des pions à la merci de leur boss.

Yusuke Ochiai nous livre donc ici un titre qui passionne dès le début et nous revient en force avec un thème coup de poing. Son dessin, déjà très bon, s'est amélioré davantage et est parfait pour le récit, sa mise en scène étant relativement efficace ici. Quant à l'édition du livre c'est du tout bon, rien de spécial à noter. On a hâte de lire la suite !


Critique 2


Après le très efficace L'île infernale et, tout récemment, un Moon Shadow peu inspiré, on attendait Yusule Ochiai au tournant avec son nouveau manga, Anguilles démoniaques. Dessinée en 2014-2015, cette série en trois tomes est l'adaptation d'un roman noir de Yû Takada, et nous plonge une nouvelle fois dans un univers sombre et inquiétant. Mais cette fois-ci, bye bye le cadre insulaire de L'île infernale : c'est au coeur même de la société nippone et de ses bas-fonds que nous plonge l'oeuvre.

Nous y suivons Masaru Kurami, homme endetté jusqu'au cou et qui tente de joindre les deux bouts pour préserver son épouse, la belle, mais fatiguée Tomoko. Ce trentenaire, malgré sa carrure très imposante, n'a jamais eu une grande confiance en lui et est plutôt timide, mais cela pourrait changer avec son arrivée au sein de Chiwaki Enterprise, une mystérieuse société où il fait ses premiers pas, entre son boss autoritaire et son collègue Tomita qui le prend un peu de haut. Seulement, le patron décèle en lui un potentiel certain, qu'il faut seulement peaufiner. Crâne et sourcils rasés, lunettes de soleil sur le nez : voilà Masaru transformé, gagnant même un certain respect de Tomita, et prêt mieux que jamais à enchaîner les missions que lui confie le patron. Mais ces missions sont loin d'être belles : recouvrement de dettes, prostitution, extorsions, transports de marchandises inconnues... L'univers de Chiwaki Enterprise, c'est celui de la face sombre de la société. Mais le grand gaillard n'a pas le choix : s'il veut rembourser ses dettes et préserver Tomoko, et quitte à s'imposer dans le milieu, il lui faut accomplir ses missions, sans jamais chercher à en savoir trop. Car dans cet univers, mieux vaut ne pas fourrer son nez partout...

Dès les premières pages, Yusuke Ochiai pose le ton : son récit démarre rapidement et nous plonge d'emblée dans un univers que l'on devine sombre et inquiétant. Une impression qui ne fait que s'accentuer au fil des pages, tandis que l'on découvre petit à petit le nouvel univers de Masaru, celui où l'exploitation de certaines misères humaines profite à certains. Il sera question, entre autres, de dettes, de prostitution, de drogue... Le talent de l'auteur est de ne pas partir dans la surenchère sur tout cela, et de surtout en profiter pour nous immiscer de plus en plus dans une atmosphère où le malaise n'est jamais loin. Pour cela, l'oeuvre peut compter sur des qualités indéniables.

Tout d'abord, l'aspect visuel redoutablement efficace. Plus encore que dans L'île infernale ou que dans Moon Shadow, Ochiai s'appuie sur un trait assez épais pour offrir des gueules quelque peu burinées (comme celle de notre héros dès la couverture, du vieux Shinkichi, ou encore et surtout de l'effrayant Hide au visage déformé par un accident), mais aussi des décors bien présents et souvent malsains et poisseux (il suffit de voir le quartier de Kuromu, peu vivant, délabré, lugubre, où seuls les cris des corbeaux se font entendre). L'auteur offre un travail de mise en scène impactant, ainsi qu'un gros effort sur les jeux d'ombre très présent qui ne font que renforcer l'inquiétude ambiante.

Ensuite, la narration, qui passe énormément à travers le personnage principal et ses pensées. La narration interne nous invite à suivre au plus près ce qu'il ressent, ses interrogations, ses inquiétudes, son désir de s'en sortir... et c'est d'autant plus efficace quand on le voit commencer à s'imposer dans son travail, et que tout le monde autour de lui s'écarte sur le chemin de ce colosse au regard camouflé par ses lunettes.

C'est dans cette ambiance particulièrement réussie que l'intrigue, petit à petit, se pose. Bien entretenue par les missions et par le regard très observateur que Kurami pose sur ce qu'il voit de cette face sombre de la société, l'inquiétude ne fait que monter dès lors que l'on découvre le quartier de Kuromu, la société Maruyoshi spécialisée dans les anguilles, et la mission que notre héros et Tomita sont chargés d'accomplir dans ce recoin sordide : transporter un mystérieux container sans chercher à savoir ce qu'il y a dedans...  Que cache cette livraison ? Le patron est-il fiable ? Des interrogations qui apparaissent peu à peu pour donner facilement donner envie de découvrir la suite.

En somme, mission réussie pour ce premier tome : on retrouve un Yusuke Ochiai en grande forme, offrant un volume dont l'atmosphère inquiétante, lugubre, malsaine et poisseuse ne fait qu'aller crescendo au fil d'un récit très bien servi par sa narration appliquée et ses visuels immersifs. Une très bonne entrée en matière !

L'édition française est servie par les habituelles qualités de papier et d'impression de Komikku, et par une traduction limpide de Thibaud Desbief. Aucun pépin à l'horizon.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Kiraa7
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs