Tonkam - Actualité manga

Interview

Interview n°3

Interview n°2

La dernière Japan Expo fut l'occasion pour nous de nous entretenir longuement avec Pascal Lafine, qui travaille aux éditions Tonkam depuis de nombreuses années. Toujours aussi passionné et désireux de faire découvrir de nouvelles choses après toutes ces années, il est revenu volontiers sur les débuts de Tonkam, sur les heures de gloire et les moments plus difficiles de la maison d'édition, sur ses déceptions, ses coups de coeur, ses ambitions, sa vision du milieu du manga et les orientations récentes de Tonkam. Nous vous proposons aujourd'hui de découvrir cette entrevue.
 
 
 
 
Pascal Lafine, merci beaucoup d'avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous commencer par vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?
Pascal Lafine : Je travaille aux éditions Tonkam depuis maintenant 18 ans. Je suis arrivé chez Tonkam à l'époque de la création du secteur édition, donc au moment de la sortie de nos premières séries comme Video Girl Ai. J'ai également travaillé chez AB Productions pendant 20 ans, parallèlement à mon travail chez Tonkam, mais j'ai quitté AB il y a 3 ans. A présent, je travaille quasiment entièrement pour Tonkam.

Au départ, j'ai travaillé en binôme avec Dominique Véret (désormais responsable d'Akata, ndlr), et depuis 2001 je tiens ma fonction seul. Quand je suis arrivé, mon challenge avec Tonkam a été de faire découvrir des titres que l'on ne connaissait pas encore via les séries animées. Ayant travaillé chez AB Productions, j'aurais sans doute pu récupérer des mangas déjà connus via l'anime, comme Sailor Moon ou Ranma ½, mais j'ai préféré m'intéresser à des séries réellement inédites en France, à faire découvrir de nouvelles œuvres et à instaurer la notion des genres (par exemple, nous avons publié le premier shôjo). Au départ ça a été difficile, puis le succès est arrivé petit à petit.


Dans cette longue carrière, il y a peut-être eu des séries qui vous ont marqué plus que d'autres ? On sait que c'est difficile de choisir, mais pouvez-vous évoquer les trois séries que vous êtes le plus fier d'avoir publié ?
Effectivement, c'est difficile !
En premier lieu, je dirais Hikaru no Go, parce que c'est un titre que j'ai édité pour le plaisir pur, et j'étais persuadé que ça ne se vendrait pas à cause du thème du go, alors qu'au final la série a su trouver son public. En deuxième, peut-être Gantz, parce que c'est mon titre Young préféré, de tous les Young existant. Le troisième vous surprendra peut-être plus, mais je dirais We are always, parce que j'avais toujours rêvé de trouver un shôjo parlant des conflits d'amitié et d'amour de cette manière : pourquoi, quand on est amis d'enfance, en grandissant l'amour vient-il toujours pourrir les groupes d'amis ?
Et en bonus, parmi les titres qui furent à l'époque choisis par Dominique Véret, je suis obligé de citer L'Histoire des 3 Adolf. On a beaucoup hésité à publier ce titre à l'époque, ce fut une rude bataille à cause du sujet lié à Hitler, puis finalement ça s'est bien passé.


 
 
On sait que Tonkam a connu des années difficiles récemment...
A partir de 2002-2004, la situation a commencé à être plus difficile pour Tonkam, parce que le nombre d'éditeurs a quasiment doublé, et que depuis ça n'arrête plus d'augmenter. Du coup, on a eu de plus en plus de mal à se démarquer avec des titres originaux et à garder nos auteurs-phares comme Yuu Watase, jusqu'à ce que le problème éclate aux alentours de 2010 : on a réellement pris conscience que le fait de n'avoir pas publié de gros blockbuster au départ de Tonkam nous handicapait aujourd'hui, car nous n'avons pas de séries comme Dragon Ball sur lesquelles on peut toujours compter. Il y a donc eu une période où l'on a été obligé de se pencher sur des titres plus porteurs, sans quoi ça aurait été très difficile par la suite. Mais finalement, depuis environ un an, je me dis que c'est tout aussi bien de rester sur notre ligne de départ et de faire découvrir de nouvelles choses. C'est pour ça que l'on a lancé l'année dernière la collection Shônen Girl : hormis Black Butler ou quelques titres chez Ki-oon qui cartonnent, c'est un genre nouveau, peu mis en avant.


Pouvez-vous nous parler plus précisément de ce nouveau genre ?
Le shônen girl, c'est un genre qui n'a pas de nom au Japon pour l'instant, parce que c'est trop récent, ça commence à percer.
Depuis les années 60 au Japon, les nouveaux genres sont toujours créés via la fusion de deux genres : en se modifiant, le gekiga a donné le seinen d'un côté et le shônen de l'autre, puis le shônen, en mettant en avant des choses plus sentimentales, a lancé le shôjo, puis le shôjo s'est mêlé de nouveau au personnages masculins pour donner le boy's love et le yaoi... Et tout récemment, même le sous-genre du harem manga, représenté depuis longtemps par de nombreuses séries, a été instauré comme un genre à part entière, et nous sommes d'ailleurs fiers de publier le premier harem manga officiel, puisqu'il s'agit de To Love Darkness.

Le shônen girl s'est créé de la même manière. Biblos, un éditeur auparavant spécialisé dans le boy's love, avait des auteurs de boy's love qui avaient envie de faire de oeuvres dépourvues de l'aspect érotique. Des oeuvres toujours avec des beaux gosses poseurs que les filles aiment bien, mais avec un aspect sentimental entre mecs plus sous-entendu, un peu à la Clamp, sans que ça parte dans l'érotisme. Biblos et Ichijinsha ont donc commencé à en faire avec des magazines comme le Zero et des séries comme Olympos, et ça a plutôt bien marché. Et depuis, de plus en plus d'éditeurs s'y mettent, comme Square Enix, ou Media Factory qui a créé le magazine Comic Gene.
 



Puisque l'on parle du boy's love, c'est un genre que vous avez été les premiers à explorer en France avec des séries comme Zetsuai 1989, Kizuna et Fake, que vous avez mis de côté pendant un moment, puis vers lequel vous êtes revenus ces dernières années, après l'implantation sur ce secteur d'autres éditeurs comme Taifu et Asuka...
Je dirais que les autres éditeurs se sont placés sur une voie qu'on ne développait pas. C'est un genre que l'on a abordé dans notre volonté de faire découvrir de nouvelles choses, nos premier tires du genre se sont vendus correctement, tous les plus récents aussi, mais ça n'a jamais été notre vocation que de développer massivement cela. On voulait avant tout faire découvrir un genre qui était encore absent en France à l'époque de la sortie de Zetsuai, Kizuna ou Fake. Ensuite Taifu et Asuka se sont placés.

Sinon, vous dîtes que l'on a arrêté le boy's love pendant plusieurs années, mais on n'a jamais voulu arrêter totalement non plus. En fait, j'ai fait la bêtise de changer d'éditeur pour ce genre, d'aller vers Kadokawa avec lequel on avait prévu de faire des titres mensuellement, puis finalement Kadokawa nous a plantés au dernier moment sur des séries comme Junjô Romantica, nous filait les contrats en retard, faisait monter les enchères sur certains titres... A cause de tout ça, on a perdu au moins deux ans, et tout notre planning a été flingué.
Pendant ce temps, Taifu et Asuka se sont installés, ensuite nous avons quand même pu sortir des titres Kadokawa, mais seulement quatre. Ensuite, nous avons choisi de retourner vers l'éditeur Libre Shuppan. Avec notre volonté de toujours se démarquer en offrant des titres assez nouveaux, nous avons demandé à l'éditeur de nous filer des titres vraiment particuliers, trash, « hards », pas hypocrites, quitte à se faire allumer par les critiques quand ça sortira. Libre Shuppan m'a envoyé toute une liste de tires qui correspondaient, et j'ai retenu les titres de Piyoko Chitose, que j'ai trouvés plutôt funs, drôles, parce que j'y retrouvais des scénarii de hentai mis à la sauce boy's love par une auteure ne se prenant pas trop au sérieux. Comme prévu, dès la parution du premier, le Fruit de toutes les convoitises, Tonkam s'est fait incendier, et la plus belle chronique que j'ai vue est d'ailleurs celle de Manga-news (rires).

A présent, on essaie de retourner sur les titres de Kazuma Kodaka, et j'aimerais aussi acquérir un titre tout à fait particulier et qui ne se vendra sans doute pas très bien, mais qu'importe : un boy's love racontant la vie cachée des sentai, que j'aimerais intégrer dans un cycle de titres qui ne se prennent pas au sérieux, façon Not Ready Sensei.
 


En plus de la collection Shônen Girl, Tonkam a aussi créé l'année dernière la collection Yggdrasill, lancée avec Memento Mori, poursuivie avec Entre chien et loup...
L'envie de créer une collection de ce type a commencé à germer en 1998, avec la publication de Tsuki Selection, où l'on avait fait Tsuki 1 : Les Dragons et Tsuki 2 : Les Anges, et où l'on retrouvait des noms désormais connus comme Patrick Sobral ou Jérôme Alquier. Malheureusement, nous avions ensuite dû terminer ce projet car Tonkam n'avait pas les moyens de financer la création de vrais albums.
En fait, on peut dire que Tonkam est un créateur méconnu : on a lancé plein de choses, mais on n'en a jamais pleinement profité, et c'est parfois très difficile à vivre. Des genres comme le boy's love ou ce genre de global manga, ou même des idées comme les jaquettes. Pourquoi, en dehors du Japon, la France est l'un des seuls pays où les mangas ont des jaquettes ? Parce que nous avons été les premiers à le faire à l'époque de nos débuts, et que les éditeurs qui sont arrivés après ont suivi notre modèle.

La collection Yggdrasill est née parce qu'on avait envie de revenir sur quelque chose que nous avons été les premiers à tenter de porter. Il faut aussi savoir que si j'adore le manga, je ne m'étais jamais décidé à n'être éditeur que de manga, et j'aime tout autant la bande dessinée française. Mon objectif premier était même de renouveler la génération dite « Metal Hurlant », née il y a quelques décennies avec des auteurs qui ont renouvelé la BD, comme Moebius, Bilal... Depuis, on attend une nouvelle génération qui renouvellera à nouveau la bande dessinée, mon rêve serait d'amener cette nouvelle génération, et je me suis dit que le manga était un excellent vecteur pour ça, parce qu'il a amené de nouvelles valeurs graphique ou narratives dans la BD. Je pars du principe que tout lecteur féru de manga peut être un créateur éventuel de BD.
Je veux une nouvelle génération renouvelant la BD, car pour moi, le manga n'est pas éternel. La France est un pays d'accueil de genres : avant le manga il y avait le comics, et avant le comics il y avait le fumetti. Il y a une continuité entre tous ces genres, et il y aura autre chose après le manga. Mais chaque génération amène une vague de nouveaux auteurs, et c'est là que j'aimerais intervenir.

Les trois années qui ont précédé la création de la collection Yggdrasil, j'ai beaucoup prospecté pour préparer au mieux la collection. J'ai fait de nombreuses recherches pour voir le format idéal, le genre idéal... Yggdrasill est le résultat de ces trois années de recherches, même si je n'ai pas pu atteindra l'idéal montré par mes recherches : il faudrait au moins deux tomes d'une série par an, dans le meilleur des cas trois à quatre tomes par an, mais les auteurs ne peuvent pas suivre cette cadence, car ils sont encore jeunes. Ca a mieux marché avec Memento Mori qu'avec Entre chien et loup, car la dessinatrice Morgil a déjà un pied dans la BD, tandis que Rann parvient à une réelle fusion entre manga et bande dessinée européenne.

Et pour la suite de la collection, le plus dur est de trouver les auteurs adaptés, ceux qui peuvent accepter qu'on leur dise non sur certains points, qu'on les conseille pour arriver au résultat voulu. Après le cycle filles qui est en cours, je voudrais lancer un cycle avec des auteurs garçons. Côté histoire, je voudrais une fusion entre des dessins à la Gunnm, une histoire à la Berserk avec un fond de vengeance à la Übel Blatt... C'est beau de rêver ! (rires)
Pour conclure sur ce point, je dois dire que la collection Yggdrasill a pris beaucoup de retard par rapport à ce qui était prévu, mais c'est parce que je veux vraiment trouver les bons artistes.
 



Parmi les collections de Tonkam, il y a aussi la collection Émois, dédiée aux œuvres érotiques, et en stand-by depuis les fins de Golden Boy et Asatte Dance...
Pour être franc, il y a peu de chances que Tonkam refasse dans l'érotique un jour, et c'est plutôt dû à ce qui se fait au Japon. Il était déjà assez tendu pour nous de publier un titre comme To Love Darkness, qui reste un shônen et est pourtant très chaud, alors vous pensez bien que quand on voit ce qui se fait dans l'érotique au Japon en ce moment...
Depuis six ans, des phénomènes comme le moe et ses petites filles mignonnes, ou le tsundere et ses filles prétentieuses au sale caractère et qu'on a un peu envie de baffer, ont pourri le hentai au Japon, et même d'autres genres, si bien qu'aujourd'hui un nombre incalculable de shônen possèdent leur personnage moe.
Tant que ça restait dans le shônen ça allait, ça restait plus ou moins romantique, mais dans le hentai la fille tsundere devient celle qui va s'en prendre plein la figure, gratuitement. Alors quand on mélange le tsundere avec le moe, on obtient des trucs horriblement trash. Même dans les hentai qui ne semblent pas prendre cette direction, il arrive toujours un moment où ça dérive, et je ne veux pas prendre le risque de me retrouver avec des choses pareilles. C'est pour ça qu'on n'ira sans doute jamais plus loin que To Love Darkness, qui est déjà limite par moments.
 
 
On peut voir que le marché du manga se réorganise petit à petit, qu'il arrive à maturité ou à saturation selon les points de vue. Au jour d'aujourd'hui, quel est votre état des lieux ? Comment voyez-vous l'avenir proche du marché ?
C'est une question à laquelle il me semble impossible à répondre, parce que j'ai l'impression qu'aujourd'hui, les éditeurs de manga fonctionnent pas à pas. On ne sait pas de quoi sera fait demain, tout dépend de la crise actuelle, pendant laquelle Tonkam est sûrement, à ce jour, l'un des éditeurs qui a le plus perdu.
Tonkam est un éditeur qui a toujours vendu sur la longueur, sur son fond de catalogue (il n'est pas rare que nos séries rencontrent un certain succès plusieurs années après leur parution), et aujourd'hui c'est un vrai problème, car avec la crise les libraires retournent les livres plus vite, et pour un éditeur qui vend du fond c'est la galère. Aujourd'hui, les éditeurs qui se maintiennent le mieux, ce sont ceux comme Ki-oon, qui vendent surtout à la nouveauté. Ki-oon a une politique d'enfer, ils poussent leurs nouveautés avec une publicité maximum sur le moment, comme ça la série est mise en place dès ses débuts. On appelle ça des coups d'édition.

De notre côté, on ne s'est pas préparés à ce genre de chose, donc c'est difficile pour nous de faire ça, et ça nous obligerait à changer radicalement notre manière de travailler et notre politique éditoriale. De plus, ce serait assez risqué, car on a des lecteurs qui nous suivent depuis très longtemps, environ 5000 gros lecteurs de Tonkam, qui sont de vrais fans de Tonkam, et tout changer pourrait signifier perdre ces 5000 fans pour acquérir quelque chose qui sera peut-être éphémère.
Le moindre aléa peut modifier le marché, et c'est pour ça qu'on ne sait pas de quoi demain sera fait. De plus, avant, un titre qui cartonnait au Japon avait beaucoup de chances de bien marcher en France, mais aujourd'hui ce n'est plus du tout le cas. Maintenant, un titre qui cartonne au Japon peut faire un flop en France, et un titre qui ne se vend pas au Japon peut avoir d'excellentes ventes ici, et ça déstabilise les éditeurs japonais eux-mêmes. Ils ne comprennent pas cette modification du marché, à tel point qu'il peut désormais arriver qu'une série qui ne marche pas au Japon soit maintenue par l'éditeur japonais juste parce qu'elle marche bien en France.


Est-ce que le fait de proposer des éditions deluxe sur votre fond de catalogue vous permet de retravailler ce fond ?
Absolument pas. Des éditions deluxe, on n'en vend pas tant que ça, mais comme de toute façon, à la base nos marges de vente ne sont pas immenses, ça nous suffit.
Les éditions deluxe, c'est un choix éditorial et, surtout, une fierté personnelle. Pour l'anecdote, au début des années 90, quand j'ai commencé dans le manga, avec un camarade on faisait beaucoup de débats militants pour faire en sorte que le manga existe en France. Un jour, on avait organisé un débat à la Fnac des Halles avec deux personnes qui nous aidaient beaucoup : Moebius et Jodorowsky. On avait réussi à inviter la plupart des éditeurs de l'époque, et au fil du débat certains éditeurs ont dit que leur seule raison de faire du manga, ce serait pour les ventes, et que ça resterait un produit cheap parce qu'il n'y avait aucune raison de trop y investir, que ça ne valait pas la peine d'en faire de belles éditions. Sur le coup, ça m'a vexé, et je me suis promis de leur montrer un jour qu'ils avaient tort, parce qu'il y aura parmi les lecteurs de manga des personnes capables d'apprécier les très beaux livres. Aujourd'hui, je me suis prouvé que j'avais raison. C'est une satisfaction personnelle.

Ma seule déception, c'est de voir la façon dont d'autres éditeurs ont cherché à faire la même chose, sans aller au bout. Plutôt que de vraies belles éditions avec couverture rigide comme au Japon, on se retrouve avec des éditions à grand format avec couverture souple, qui restent des produits assez banals, ne sont pas des deluxe à proprement parler. Le produit n'est pas aussi beau, aussi abouti, c'est un peu facile de vendre ça comme du deluxe alors que ce n'en est pas. C'est en train de tuer le concept, et ça m'attriste. Pire, je me demande parfois si ça vaut le coup de continuer, car par exemple, je suis refroidi quand je vois qu'il y a deux ans, aux Japan Expo Awards de la meilleure fabrication, trois de nos éditions deluxe avec couvertures rigides et papier supérieur concourraient sur 5 participants, et que c'est l'édition perfect de Monster qui l'a emporté alors qu'elle n'a trois fois rien de plus, hormis un vernis sélectif qui est quasiment ce qu'il y a de moins cher pour ce genre d'édition...
Du coup, un peu déçu, cette année j'ai réduit ce genre de belles éditions pour revenir à des choses plus classiques.
 

 
Les Japonais sont de plus en plus implantés sur le marché français, et Shueisha a déclaré il y a peu que Kazé Manga aura désormais la priorité sur son catalogue. Concrètement, qu'est-ce que ça va changer pour Tonkam ?
Pour Tonkam, ça ne va rien changer, parce qu'avant devant nous pour les titres Shueisha il y avait Kana et Glénat, alors que maintenant on est au même niveau qu'eux, tous derrière Kazé Manga.


Peut-être une preuve que ça ne change pas grand chose pour vous, vous avez récemment acquis Medaka Box, un titre sur Shueisha sur lequel vous semblez beaucoup compter, au vu de la belle campagne de pub qu'il y a eu dessus...

Oui, parce que c'est une série qui s'inscrit parfaitement dans notre catalogue. Il faut toujours avoir en tête que Tonkam est un éditeur de genre : si vous regardez les shônen de Tonkam, il n'y a jamais eu de grosses séries de baston, de nekketsu, mais plutôt des séries de type romance et pantsu, comme Video Girl Ai, Rosario+Vampire, I's, Ichigo 100%, To Love, Kimagure Orange Road...

On essaie toujours de rester dans cette ligne conductrice des shônen sentimentaux, ou des shônen originaux avec des titres comme Hikaru no Go, Rookies, Genkaku Picasso, Hakaiju... Parce que si on ne le fait pas, qui va le faire ?

Par exemple, en ce moment on est en train de se battre pour sortir un titre très ambivalent, difficile à catégoriser même au Japon car il est passé de shônen à young : Beshari Gurashi. Ca fait un an qu'on a les droits, mais on ne l'a toujours pas sorti parce que c'est un casse-tête monumental à traduire. On a changé plusieurs fois de traducteur sur ce titre parce que celui-ci préférait abandonner tant il galérait, et là on l'a confié à une personne qui veut bien le traduire, mais qui met plusieurs mois sur la traduction parce qu'il va mettre de nombreuses explications, des équivalences... On a fait ce choix parce qu'il est impossible d'avoir une traduction totalement fidèle, il y a trop de références parfois très pointues à la culture japonaise. Une partie du lectorat nous démolira peut-être pour ce choix, mais on a confié la traduction à une personne qui est humoriste de métier, que l'on paiera donc un peu plus cher, et dont je ne vous dirai pas le nom (rires). Beshari Gurashi ayant pour héros deux gars qui veulent faire du stand up, on a décidé de choisir un humoriste qui fait lui-même du stand up, et qui lit du manga. Avec tout ça, le tome 1 n'est toujours pas au planning, car nous aimerions pousser jusqu'au bout le concept. Pour l'instant, on est à eu près dans les temps pour le sortir aux alentours de mars 2013.
 

couvertures japonaises
 
 
Un autre axe qui semble beaucoup plaire à Tonkam, c'est le nostalgique...
Ce n'est pas vraiment que ça plait. Quand le manga a commencé à arriver en France, les éditeurs se sont orientés vers les œuvres déjà connues via le dessin animé. Certains ont pu être traduits, mais d'autres sont restés inédits. Le public de cette époque est en train de passer à autre chose. C'est pour ça qu'on a fait le Revival Show cette année à Japan Expo. Dans mon esprit, je me devais de publier les séries nostalgiques boudées jusque là, histoire de fermer une boucle.
Reste qu'il y a certains titres, comme Jeanne et Serge, Creamy ou Emi Magique, pour lesquels une publication française est aujourd'hui impossible. Dans certains cas l'auteur n'est plus de ce monde, dans d'autres il n'existe plus aucun fichier permettant une publication. C'était tellement contraignant que certains éditeurs japonais nous ont directement dit non. Normalement, après ceux qu'on a sortis là, on n'en fera plus, ou alors pas avant plusieurs années. Sans compter que la nouvelle génération de lecteurs se fiche royalement de ce genre de série et préfère ce que j'appelle les « gentils méchants » ou les boy's love sans l'érotisme, recherche d'autres choses dans le manga.


Cette nouvelle génération, c'est l'une des problématiques de ton travail ?
Totalement. Il faut tout retravailler pour attirer cette nouvelle génération, et c'est aussi pour ça que j'adore le shônen girl : Tonkam n'en vendra peut-être pas beaucoup, mais je sais qu'un jour c'est en genre qui marchera. C'est un peu le boulot de Tonkam que d'amener ces nouveaux genres en France, et ça faisait longtemps qu'un nouveau genre venu du Japon ne m'avait pas autant plu. Après, on se fera peut-être bouffer par les autres éditeurs parce qu'ils se mettront tous à en faire ou que Tonkam sera déjà passé à autre chose (rires), mais on aura été les précurseurs.


Évoquons maintenant un auteur emblématique du catalogue de Tonkam : Mitsuru Adachi, que l'on aime beaucoup chez Manga-news. Un auteur-phare au Japon, beaucoup moins en France, et pourtant Tonkam continue de s'intéresser à ses œuvres puisque ses dernières séries en date, Idol A et Q & A, sortent cet automne...
Mitsuru Adachi, c'est un peu le même problème que Jojo's Bizarre Adventure : on en vend très peu, mais il y a une poignée de fans fidèles, à commencer par moi, et je m'en voudrais à moi-même de ne pas publier une série ou un auteur que j'adore juste parce que ce n'est pas un un gros potentiel en terme de ventes. Ne faire que des séries de la même veine parce que c'est ça qui marche, ce serait horrible, parce que ça formaterait le marché du manga à la façon du marché du cinéma américain qui croule sous les blockbusters. Et même s'il y a des gens qui nous incendient parce qu'on ne fait pas du blockbuster, du mainstream, je sais que d'autres personnes aiment ce type d'auteurs et les mangas plus particulier. Et tant qu'il y en aura, on continuera à exister. Le jour où on arrêtera cette politique, ça signifiera qu'il n'y a plus que des personnes qui aiment les blockbusters. Et puis dans la masse, il peut toujours y avoir d'excellentes surprises, des mangas sur lesquels presque personne n'aurait parié, et qui au final parviennent à cartonner. L'exemple de Bride Stories chez Ki-oon est superbe, et c'est aussi le travail d'un éditeur de faire ce type de titres.
Avec Tonkam, je compte bien continuer d'amener des mangas particuliers, et qu'on le veuille ou non, je mets aussi Medaka Box dans cette ligne, parce que l'éditeur japonais nous a lui-même dit que ça reste quand même un manga très particulier, parce que c'est un manga de fans, de personnes qui suivent vraiment l'oeuvre de très très près, au point qu'on pourrait presque nommer chacun d'entre eux.

Pour en revenir à Mitsuru Adachi, on est heureux de sortir Q & A et Idol A, et on n'a eu aucun problème pour avoir les droits, puisque de toute façon aucun autre éditeur français n'en voulait (rires). On voulait même sortir une édition collector « Triple A », qui aurait comporté les tomes 1 des deux séries et le mini artbook de Cross Game qui était sorti avec le tome 17 de la série au Japon et que nous n'avons pas pu inclure dans l'édition française à cause de plannings trop serrés. Malheureusement, l'éditeur japonais n'a pas accepté car il préfèrerait voir ce mini-artbook sortir séparément, ce qui ne serait vraiment pas vendeur chez nous.
J'espère vivement que les fans de Mitsuru Adachi seront au rendez-vous pour ces deux derniers titres, parce que si ceux-ci ne se vendent pas, ça va nous compliquer la tâche et c'en sera totalement fini de l'auteur en France.
 
 
 
En plus du retour de Mitsuru Adachi ou de la rééditions de Jojo's Bizarre Adventure sur laquelle vous avez déjà beaucoup communiqué, comment s'orientera la fin 2012 et le début 2013 chez Tonkam ?
On va continuer de développer la collection Shônen Girl avec des titres comme Angel Doubt, du seinen particulier avec Shimba Ra Da. Ce dernier, c'est un young qui reprend les codes du shônen , et j'ai trouvé ça fun. Les principaux codes du young, ce sont quand même le sexe, la violence et l'immoralité, et Shimba Ra Da ne comporte aucun de ces trois aspects, ce qui le rend un peu atypique dans le paysage du young.
En novembre et décembre, nous aurons assez peu de nouveautés, parce que nous préférons d'abord mettre en avant celles qui arrivent à leur conclusion, comme Obaka Chan ou Dragon Quest. En janvier, on comptera toutefois beaucoup sur G-Maru Edition, la nouvelle série de l'auteure d'Ichigo 100%, qui a un peu le même principe que To Love. Mais de manière générale fin 2012 et en janvier 2013, on ne voulait pas placer de gros titres, pour ne pas faire de l'ombre aux deux nouvelles séries de Mitsuru Adachi et à Jojo's Bizarre Adventure, qui auront besoin d'une bonne mise en avant en librairie.
Nous allons aussi faire une opération Young fin 2012 : pour l'achat de deux mangas estampillés Young, les lecteurs pourront obtenir trois mini calendriers de bureau. Et n'oublions pas la reprise tant attendue de Vagabond en décembre, ainsi que le coffret Katsura Taizen !


Avec le rachat de Soleil par Delcourt l'année dernière, vous êtes maintenant trois éditeurs de manga dans le même groupe : Akata, Soleil et Tonkam. Comment ça se passe ?
Tant qu'il n'y avait qu'Akata et Tonkam, il y avait deux entités très différentes. Chacun faisait ce qu'il voulait, et le seul point commun était l'opération shôjo faite chaque été.
Depuis l'arrivée de Soleil, il commence à y avoir des interactions. Par exemple, pour certains titres on a le même imprimeur, car ça permet d'avoir de meilleurs prix. Et pour certains titres on choisit l'éditeur le plus adapté : par exemple, quand il y avait les enchères pour Resident Evil - Marhawa Desire, au lieu de faire trois demandes on a vu quel éditeur était le mieux placé, ce fut Tonkam. Mais notre demande qui était pourtant la plus grosse jamais faite par Tonkam était déjà largement insuffisante, et c'est Kurokawa qui a eu les droits.
Bref, on a une politique qui vise à nous éviter de nous tirer dans les pattes, mais il n'est pas non plus dans notre intérêt de trop nous rapprocher, parce que la spécificité de chacun finirait par se perdre.
 
 
Remerciements à Pascal Lafine et aux éditions Tonkam.

Interview n°1

Manga-news vous propose aujourd'hui une interview de Sebastien Moricard et Sebastien Agogué, respectivement directeur marketing et responsable des relations presse au sein des éditions Tonkam.



Manga-news: Pourriez-vous vous présenter et nous expliquer votre rôle au sein de Tonkam?
Sébastien Moricard: Je suis directeur marketing et mon rôle est de promouvoir les ouvrages. Pascal Lafine, l’éditeur, sélectionne les titres qui vont intégrer les collections pour nourrir le catalogue, et à partir de là mon rôle est de mettre en relation une série avec son public, voir de tenter de faire découvrir une série à un nouveau public.
 
   
Vous proposez un très large choix de genres dans votre catalogue. Comment définiriez-vous votre politique éditoriale, et comment s’oriente le choix des titres?
Tonkam a toujours voulu se faire le reflet du panel éditorial que l’on peut trouver au Japon, mais en y emmenant quelque chose de plus. Au Japon, le manga est depuis toujours très sectorisé. Il y a des mangas pour tous les âges, pour tous les sexes, pour tous les centres d’intérêts... C’est un peu déroutant du point de vue de l’étranger, car si on veut faire découvrir cette culture il faut très rapidement se structurer. Nous avons fait le choix de se calquer sur le modèle de la maison d’édition japonaise, en adoptant les mêmes «cases», ce qui n’était pas le choix de tous les éditeurs à la base, car il n’y avait pas vraiment de segmentation au début. Celle qui s’est imposée aujourd’hui, c’est la triple nomenclature shonen, shojo, seinen, qui est unanimement reprise par tous les éditeurs en France.
Dès le début nous avons fait des collections qui s’adressent peut-être un petit peu plus à ceux qui connaissent déjà le manga. Ainsi nous avons été le premier éditeur à publier du Yaoi en France.
Donc pour résumer, la politique éditoriale de Tonkam est de se faire l’ambassadeur de ce qui se passe au Japon. Plus particulièrement, nous sommes davantage spécialisés dans le « Young Seinen », un type de seinen dynamique qui s’adresse à de jeunes adultes, mais avec une réminiscence de shonen, comme Gantz, Vagabond, Zetman, Free Fight… Notre ligne éditoriale shôjo fantastique est très complète, notamment grâce à la publication de toutes les œuvres de Kaori Yuki, dont nous venons justement d’acquérir d'autres licences. Nous avons eu un rôle important dans la démocratisation de Clamp, dont la première publication en France à été RG Veda. Enfin, nous avons une ligne shojo et shonen un peu plus classique avec Kare Kano, Parmi eux, Special A, et pour le shonen: Dragon Quest, Jojo's Bizarre adventure: Golden Wind.
   

       
                    
Vous parliez de Clamp, qui fête ses 20 ans au Japan Expo et qui est à l’honneur dans votre catalogue. Actuellement, vous rééditez Tokyo Babylon, RG Veda, X en format double, vous aller sortir Code Geass également. Parlez-nous de ce rapport privilégié.
Nous avons effectivement eu la chance de prendre connaissance des œuvres de Clamp avant tout le monde. Clamp est tout à fait unique et extraordinaire, c’est un univers à part, on pourrait presque utiliser l’adjectif « Clampesque ». Il y a une rigueur dans leurs séries.
Nous avons notamment X, racontant l’histoire de Kamui et Fuma, qui ont une amitié sincère, mais la force du destin va les obliger à se polariser l’un contre l’autre, il vont devoir choisir, et pour eux choisir c’est mourir. Tout ceci, sous fond d‘apocalypse selon Saint Jean revisitée, avec une esthétique incroyable. Nous avons ouvert une voie vers un shôjo qui ne sera pas lu que par un public féminin, mais qui sera également accepté par le public masculin. Notons que les héros ont une apparence androgyne, alors qu’à l’époque, le héros classique était doté d'une virilité marquée. Voilà pourquoi il a été très intéressant de publier X. De plus, la lecture de Tokyo Babylon, qui est un prémice à X, change notre vision des choses sur ce dernier titre et nous permet de réfléchir davantage, ce qui fait de ces deux séries des moments forts.
Code Geass est un projet très ambitieux, c’est un peu un mélange des genres avec du Death Note, le geass étant un pouvoir utilisé pour faire le bien ou le mal, du Gundam et du X, puisqu’on retrouve deux héros que le destin va monter l’un contre l’autre. C’est une série très prestigieuse, publiée chez Kadokawa au Japon. C’est le studio d'animation Sunrise qui s'occupe de l'anime. Toute la crème du Japon a produit cette série et nous trouvions donc logique de l’intégrer au catalogue Tonkam.


             
                 
Certains éditeurs ont décidé de se consacrer, parfois quasi exclusivement, au shôjo. Est ce que cela vous fait défaut?
Directement non, dans la mesure où la vraie force de Tonkam est d’avoir des relations avec les éditeurs Japonais, qui ont très vite été basées sur le principe de la logique éditoriale. Il existe une politique d’auteurs également, mais la cohérence éditoriale avec les Japonais est notre réel point fort. C'est de cette façon que nous suivons, entre autres, Masakazu Katsura, Mitsuru Adachi, Yuu Watase. Beaucoup se tournent vers le shôjo, le yaoi intéresse de plus en plus les éditeurs. Nous, nous restons fidèle à notre politique éditoriale en publiant les titres qui nous paraissent pertinents.
               
              
Vous avez été le tout premier éditeur à publier du yaoï en France en 2000, avec Zetsuai 1989. Quel est votre point de vue sur l’émergence du yaoï en France?
Sebastien Moricard: Les fans de Yaoi ont une particularité: celle d’être très actifs. Le terme « yaoï » a d'ailleurs été déposé en France par eux-mêmes. Mais je ne pense pas que ce genre représente la plus grosse part des ventes shôjos. Ca n’est pas une nouvelle tendance, mais davantage une prise de conscience d'un phénomène qui existait déjà.
                         
                   
Sebastien Agogué nous rejoint et répond également à la question.
                  
                           
Sébastien Agogué: Regardez  le nombre de pages concernant la pétition pour les nouveaux titres yaoï, située est sur notre forum. Elle doit en compter une cinquantaine. Pourtant, c'est ici la seconde version du forum, qui est bien en-dessous de la toute première version. Cela nous montre clairement que les fans de yaoï existent depuis longtemps, et réclament de la lecture. Le phénomène est lancé seulement aujourd'hui, car les éditeurs n'étaient pas certains de réussir dans cette voie. Maintenant, présenter de nouvelles choses aux lecteurs est de plus en plus indispensable, c'est ainsi que ce genre a pu être développé.
                  
                       
Vous êtes un des rares éditeurs à rééditer vos propres séries,  en bunko ou deluxe. Comment fonctionne cette politique commercialement, là où d’autres éditeurs se contentent de voir s’épuiser les stocks?
Sébastien Moricard:  La réponse est un peu technique, elle est liée à l’histoire de Tonkam.
Tonkam est une société familiale, de passionnés. Quatre ou cinq personnes tenaient une librairie. Ils vendaient des palettes entières de mangas en version originale, et se sont dits qu’il était dommage de ne voir le manga qu’à travers une fenêtre restreinte.  Nous voulions nous faire ambassadeur d’une culture et apporter tout ce qu’elle pouvait amener. C’est aussi pour ça que Tonkam est lié au cosplay et à la J-pop. Nous avons été le premier éditeur à publier dans le sens de lecture Japonais, à ajouter la jaquette qui était à l’époque réservée aux éditions deluxe. Le principe était bel et bien d’amener une culture et pas uniquement de traduire un livre. Le marché à pris de l’essor, nous ne pouvions alors plus fonctionner à petite échelle. Nous avons eu l’opportunité, en rejoignant Delcourt, de bénéficier de leurs outils de diffusion et de distribution. Aujourd'hui, nous avons accès à la distribution la plus performante, puisque nous travaillons avec Hachette qui est numéro un,. Delsol est quant à lui le diffuseur qui a le catalogue manga le plus important.
Rééditer des œuvres majeures de notre catalogue est un moyen de faire connaître davantage l‘univers du manga à un nouveau public, qui ne les connait pas encore. De plus, pour nous, rééditer ne veux pas seulement dire réimprimer: nous avons pour coutume d'ajouter du contenu et de se faire plaisir.

             
Sebastien Moricard s’en va. Nous continuons l’interview avec Sebastien Agogué.
                 
                 
Évoquons Jojo’s bizarre adventure, un titre que beaucoup considéraient comme mort commercialement. Il représentait un véritable risque pour vous, notamment en commençant à la cinquième partie. Qu'avez-vous à nous dire sur ce sujet?
Le cas de Golden Wind est intéressant. C’est un choix éditorial pur, comme on l’avait fait précédemment avec la reprise de I’ll. Ces deux titres ont eu une première chance sur le marché, sans avoir eu le succès escompté. Cela s’est conclu par un arrêt de publication. Chez Tonkam, nous apprécions réellement ces titres et pensions à l’époqueque leur arrêt allait créer un réel manque au paysage du manga en France. C'est pour cela que nous avons décidé de les reprendre. Ce qui est intéressant avec Jojo, c’est que cette série est  fragmentée en saisons. On peut alors limiter le risque, comme c’est le cas ici, en se concentrant sur la cinquième saison. Etant donné que J’ai Lu a arrêté de publier la série à la fin de la quatrième saison, cela nous a permis de reprendre les choses proprement.
           

    
    
Comptez-vous publier les autres saisons qui suivent Golden Wind?
Oui, nous allons continuer après Golden Wind, en publiant Stone Ocean (la sixième saison, ndlr), publier Steel Ball Run (septième saison, ndlr). Pour tout vous dire, l’œuvre d’Araki nous intéresse dans son ensemble. Pour le moment il est un peu tôt pour déterminer quelle forme cela va prendre, à savoir si les deux séries vont s’alterner ou se suivre et quel sera leur rythme de parution. Mais une chose est sûre: tout cela ne débutera pas avant 2010. Pour l'instant, on accélère la publication de Golden Wind sur le deuxième semestre 2009, de façon mensuelle, ce qui nous permettra de commencer très tôt la suite.
                   
                     
Peut-on attendre un retour prochain des « Short series » d’Adachi? Qu’en est-il de la reprise de Kimagure Orange Road?
C’est assez compliqué… Nous travaillons sur Short program depuis pas mal de mois. C’est un sujet complexe. Il y a quelques années, l’édition japonaise était présentée comme complète en deux tomes. Nous avions à l’époque sorti cette dernière en trois volumes, pour des raisons économiques. Depuis, un troisième tome est sorti au Japon et un quatrième opus serait en préparation. Face à ces éléments, nous travaillons beaucoup avec l’éditeur Japonais afin de trouver une solution car nous mettons tout en oeuvre pour publier une véritable édition “pour les fans”.
Pour Kimagure, c’est un peu différent. L’auteur avait des problèmes de santé, il y a eu des difficultés administratives. Maintenant que tout cela est réglé, il faut trouver le bon moment pour ajouter dans notre planning une série dont on n'ignore pas la qualité, au public présent et clairement identifié, mais assez limité en nombre du fait du statut de réédition.
          

              
              
Suite à l’émergence du yaoï, ne pensez-vous pas que tous les genres ont été exploités à leur maximum?
Pas du tout. Le manga est un reflet de la société au Japon, qui est elle-même en constante évolution. Par conséquent, il y a toujours de nouveaux genres qui émergent, ou d’anciens qui mutent pour donner de nouvelles choses. Nous avons sans doute fait le tour du pôle des œuvres très commerciales qui rapportent énormément, mais il y a encore des foules de genres qui n’ont pas été essayées.
              
                          
Quel regard portez-vous sur le marché du manga en France? Celui-ci arrive peut-être à saturation?
Plutôt que saturation, je parlerai de maturité. J’ai un regard plutôt positif sur le marché, où l’on a vu tout un écosystème se mettre en place, se structurer et s’équilibrer. A coté des très gros éditeurs se trouvent des structures plus modestes... Le marché français est tout de même divers, et parfois surprenant: un éditeur a publié des mangas en langue bretonne. Que voilà une chose remarquable !
        
                      
Vous avez une publication très diversifiée, avec six labels et une quinzaine de sorties par mois. Comment vous projetez-vous dans l’avenir?
Nous allons continuer sur la même lancée. S'il y a un événement qui rythmera le second semestre, c’est bien Code Geass, un gros lancement: on prévoit le manga, ainsi que l’art book, et bien d'autres choses encore. Notre rythme a toujours été un fleuve sur lequel on glisse, il s’adapte en fonction de nos besoins,  nous ne faisons pas notre planning sur le nombre de titres, mais l’inverse: nous essayons d’être réguliers, et dans le cas où le nombre de titres se bouscule, nous élargissons le planning dans la limite de nos possibilités.
              
                   
Vous évoquiez Code Geass. Plus récemment, il y a eu la sortie en grandes pompes de Special A. Avez-vous d’autres titres à nous annoncer?
Ce n’est pas une révélation, le gros titre à venir est Sakura Gari, qui n’est pas un enjeu commercial comme Code Geass ou Special A, mais qui reste important pour nous à plusieurs degrés. En premier lieu, parce que c’est une œuvre de Yuu Watase, un de nos auteurs fétiches. Ensuite, parce que c’est un titre différent de ce que cette auteure nous a proposé jusqu'à aujourd’hui: c’est une œuvre dans la plus pure tradition de la litterature romantique, avec ce que cela comporte de tragique, de dramatique, et dans laquelle on trouve des personnages contrastés qui luttent avec leurs démons intérieurs.
       

             
                               
Merci beaucoup!
Merci!
    
      
Interview réalisée durant la Japan Expo 2009.