Panini - Actualité manga

Interview

Interview n°3

Interview n°2

Interview n°1

Manga-news vous propose aujourd'hui l'interview de Benoît Frappat, chef des ventes chez Panini France.
     
    
Manga-News: Bonjour. Pouvez-vous nous parler de votre rôle au sein de Panini ?
Benoît Frappat: Je suis chef des ventes au sein de la division publishing de Panini. Mon rôle touche à tout ce qui est développement commercial de toutes nos productions éditoriales. Le manga bien sûr mais également le comics et la presse.



Panini est d'abord un éditeur italien. L'organisation de Panini France est-elle globalement indépendante ou doit-elle répondre de la maison italienne ?
Elle est à la fois indépendante mais affiliée bien évidemment à la maison mère. Panini est né dans les années 50 en Italie. La maison italienne est d'abord connue pour ses collections de stickers puis Panini devient éditeur dans les années 90 quand le groupe a été racheté par Marvel. Quand Marvel est devenu propriétaire, il a demandé à toutes les filiales européennes de faire de l'édition avec évidemment du comics. Le manga est arrivé 2 à 3 ans plus tard.
Le choix des licences est géré depuis le siège éditorial de Panini à Modène, en Italie, mais c'est un responsable éditorial pour la France qui est en charge d'être en contact avec les licensor et de négocier l'achat de droits avec l'éditeur d'origine. Les licences sont parfois négociées au niveau européen mais le marché français étant atypique notamment sur le manga, il y a généralement des contrats spécifiques. C'est pour ça que dans les autres filiales européennes de Panini, vous allez retrouver pratiquement toutes les grosses licences du marché français : Fullmetal Alchemist, Naruto, Death Note...


Et vous êtes confrontés à d'autres concurrents dans d'autres pays...
Exactement. Le marché français est énorme et on se retrouve en concurrence avec d'autres éditeurs qui étaient déjà sur le marché du manga avant Panini ou qui sont arrivés après. La concurrence y est nettement plus sévère que sur les autres marchés européens ou Panini est présent.


Depuis peu Panini a un nouveau distributeur, qu'est ce que ça change pour Panini Manga ?
Nous sommes éditeurs depuis plus de 10 ans. On a commencé par le comics. Nous avons d’abord été diffusés et distribués par Makassar, qui est spécialisé dans la BD et qui nous a mis le pied à l'étrier sur le marché français. En 2004, en raison du développement très important de nos programmes éditoriaux et pour faire face à notre forte croissance, nous sommes passés chez Interforum Editis, la seconde marche de notre implantation commerciale. Au bout de 5 ans, il est apparu qu'on était un peu au bout de nos relations avec Interforum et on est allé chez Hachette et plus spécifiquement en diffusion avec Delsol. C'est une équipe spécialisée dans la BD, qui ne vend que ça au contraire d'Interforum qui est plus généraliste. Il était logique qu'on se professionnalise encore un peu plus en allant chez Delsol/Hachette. On a beaucoup appris avec Interforum et après cette phase de maturité on peut peut-être dire que c'est une phase de « plénitude » qui démarre avec Delsol/Hachette.


Certains sites parlent du manga comme un des domaines les plus rentables de Panini. La branche manga fonctionne-t-elle aussi bien que la branche comics ?
Je crois que le manga est rentable pour beaucoup d’éditeurs mais aujourd'hui le marché est plus difficile et plus concurrentiel. C'est vrai que c'est une activité qui reste globalement rentable. L'activité manga, sur le livre -c'est à dire sans parler des magazines-, c'est la moitié de notre activité. On est à peu près à 50/50 en terme de chiffre d'affaires. Bien sûr, le manga en nombre de titres est plus important que le comics mais ces deux marchés sont de tailles et d'importance égales chez Panini.


Votre site internet ne reflète pas vraiment cet état de fait. Comptez-vous améliorez les choses ?
En 10 ans nous avons progressé dans beaucoup de domaines mais il reste toujours des choses à améliorer. La communication restait notre gros point faible, on le reconnait. Pendant deux ans, une agence spécialisée a été en charge de notre communication. Depuis deux mois, on a repris cette activité en interne avec une personne chez nous dédiée à 100 % à la communication. Il reste encore un point faible : le site internet, je suis tout à fait d'accord avec vous.
Historiquement, le site est adapté de celui des stickers, qui n'est pas vraiment compatible à de la communication sur de la BD. Une refonte est actuellement en cours. Le nouveau site Panini devait être en ligne avant l'été mais on a demandé encore beaucoup de modifications en raison de la diversité de nos activités car on fait du manga, du comics mais également de la jeunesse. C'est d'ailleurs un segment en très fort développement chez nous. Et on voulait un site qui parle de tout cela. Il y aura des plannings mis à jour régulièrement, des preview, un coin spécial pour les professionnels... Voilà ce gros point faible devrait disparaitre normalement pour la rentrée, en septembre.


L'ouverture d'un coin questions/réponses sur votre forum actuel était déjà un premier pas pour briser votre image d'éditeur muet...
C'est vrai qu'on a un forum comics qui marche très bien mais une partie manga délaissée puisqu'on n'avait même plus de modérateur. Maintenant, on a de nouveau quelqu'un qui intervient et qui interviendra encore plus à l’avenir, ce qui devrait permettre un meilleur échange avec le public.


Vous éditez des titres atypiques comme Shigurui, Moonlight Mile ou plus récemment la Submersion du Japon. Pourtant ces séries ne sont pas autant mises en avant que vos titres shôjo.
Si on décide d'éditer une série, c'est qu'on estime qu'elle a le potentiel pour exister et qu'on a envie de la faire exister. Les séries que vous citez ont rencontré quelques difficultés commerciales et on a été contraints de mettre ces titres un peu en suspend. Je dis bien en suspend car aucune série n'est arrêtée. C'est vrai qu'on a arrêté officiellement une série comme Worst pour des raisons économiques que l'éditeur japonais a comprises et il nous a autorisé à suspendre la parution. Ce qu'on ne fait pas de bon cœur : il est évident que quand on commence une série c'est pour aller au bout. Il y a des tomes inscrits au planning éditorial 2010 pour ces séries là.
Worst restera une grosse déception. La série a fait et fait toujours un carton au Japon, même si on sait qu'il n'y a pas forcément de corrélation entre le marché nippon et le marché français. Worst fait partie de ces séries où l'écart est trop grand entre les résultats au Japon et en France. Pourtant il y avait eu de la communication avec des affiches, des marque-pages, une mise en avant importante des premiers tomes... Mais le public n'a pas accroché.
Personnellement, une série comme Moonlight Mile, j'aimerais connaitre la suite et je ne comprend pas pourquoi elle n'a pas marché. Elle avait tout pour réussir : un dessin et un scénario extraordinaires. Mais il faut préciser que les débuts de la parution de la série ont été compliqués : on a été contraint de filmer le premier tome à cause de certaines scènes. Ce qui a sans doute pénalisé un peu sa connaissance par le public. J'espérais que l'arrivée de l'anime modifierais la donne, mais malheureusement ça n'a pas l'air d'être le cas. Il y a beaucoup de frustrés et j'en fais partie. Avec le nouveau site, on aura sans doute des moyens supplémentaires pour la faire découvrir.
   
  

  
   
Sur internet, et notamment sur Mangas-News, le slogan "Panini, non merci" est assez récurrent. Avez vous quelque chose à répondre à ça ?
Ces propos n'engagent que ceux qui les expriment. Je l'ai déjà constaté parce que je vais souvent sur Manga-news et je regarde un peu les commentaires. C'est vrai que c'est assez récurrent mais ça reste le commentaire d'une minorité. Bien sûr, c'est toujours ceux qui critiquent et hurlent le plus fort qui se font entendre. Donc quid de la majorité silencieuse ? On le voit sur le salon, il y a du monde qui vient en masse sur notre stand. Durant les 4 jours du salon, personne n'est venu me dire "Panini, non merci". C'est facile de critiquer, n'importe qui sur n'importe quel sujet, mais ce qui est dommage c'est que ça n'apporte rien. On peut en discuter, il y a des critiques qui sont constructives, compréhensibles. Mais si le seul fait de voir le nom de Panini Manga doit générer ce genre de commentaires, il n'y a rien à dire.


Vous avez la réputation d'être un éditeur cher. Pourtant vous avez tenté l'aventure du manga bon marché avec Toto. Comptez-vous réitérer ce genre d'initiative ?
On a eu, en effet, la réputation d'être un éditeur cher. Mais il faut remarquer que nous n'avons pas augmenté le prix de nos mangas depuis 4 ans, tout le monde ne peut pas en dire autant.


Sauf Lone Wolf and Cub!
Oui, c'est vrai. Mais malheureusement, c'était une des conditions pour aller au bout de cette série. Ce qui sera le cas, elle se terminera l'année prochaine. C'est l'exception.
Donc 8,95 ou 9,95 c'est élevé mais c'est du grand format, comme pour City Hunter Ultime. Je pense que le prix se justifie. Mais oui, pour le reste de notre catalogue, ça n'a pas bougé alors que nos concurrents nous rattrapent progressivement. Je crois que cette idée d'éditeur cher était peut-être valable il y a quelques années mais elle l'est de moins en moins. Quant au manga bon marché, Toto, le résultat fut mitigé. On a fait une offre pour un public plutôt jeune à un prix attractif. Les résultats n’ont pas été à la hauteur de nos espérances et pour l'instant, nous n'avons pas de projet du même genre.
   
  

  
  
Un manque d'envie ?
Ce n'est pas qu'une question d'envie. En proposant des mangas moins chers, on va dégrader forcément la qualité du livre. Pas de jaquette, papier de moins bonne qualité, etc. C'est fermer une porte aux critiques pour en ouvrir une autre.


On trouve dans votre catalogue de très grosses licences comme City Hunter, Ken: Fist of the blue sky... et d'autres séries plus confidentielles. Comment sélectionnez-vous vos titres ?
C'est assez difficile de répondre à cette question. Nous sommes un des éditeurs les plus importants du marché français et on essaie de se positionner bien évidemment sur les grosses licences. Il ne faut pas se voiler la face, comme tous les éditeurs, on va avant tout chercher à faire des ventes sur nos grosses séries. On travaille avec de nombreux éditeurs japonais donc on ne crée pas une ligne éditoriale unique. Actuellement, on investi fortement sur le shôjo. C'est un marché qui progresse et depuis 2-3 ans, on se positionne systématiquement sur les grosses licences shôjo. Après, que le meilleur gagne.





On parlait de shôjo, le yaoï est en pleine explosion. Vous avez publié il y a pas mal de temps New York New York, épuisé aujourd'hui comme d'autres titres du même genre. Des rééditions de prévues ? Des nouveautés yaoï ?
On y a pensé. On a bien vu que l'engouement sur la yaoï était fort en ce moment. Asuka et Taïfu comics se sont positionnés fortement sur ce segment. C'est comme toutes les niches : quand on en voit une grossir, tout le monde va vouloir aller dessus mais il ne faut pas être imprudent. Pour l’heure il n’y a pas de volonté pour Panini d’aller sur ce segment.


Malgré les difficultés que vous rencontrez avec Lone Wolf and cub, comptez-vous comme Dark Horse aux USA poursuivre avec les deux autres titres de Kazuo Koïke et Goseki Kojima, Path of the Assassin (Hanzo no Mon) et Samurai Executioner (Kubikiri Asa) ?
Ce n'est pour l'instant pas inscrit à notre planning éditorial. On attend déjà de finir Lone Wolf and Cub, ce qui devrait être le cas pour l'été prochain. Après pourquoi pas.


Selon vous, quelle série de votre catalogue mériterait une plus grande attention de la part du public ?
Les séries dont on a parlé tout à l'heure. Moonlight Mile ou Sidooh, qui est également en suspend pour l'instant. C'est vraiment dommage car ce sont deux séries magnifiques. La question reste la même : comment valoriser les séries à plus faibles potentiels ? Quelque soit l'éditeur c'est sur les grosses licences que les investissements sont les plus importants. Le fait qu'on ait un nouveau site, se sera l'occasion de mettre en avant ces séries plus confidentielles mais qui sont plus que dignes d'intérêt.
Pour moi, Sidooh, Moonlight Mile et même des séries plus connues comme 20th Century Boys ont encore un large public à conquérir.



     
  
Parlez nous de vos prochaines sorties comme Brave 10 ou Honey Hunt.
Toujours beaucoup de shôjo. Honey Hunt est une série de l'auteur de Hot Gimmick, je pense que le titre a toutes les qualités pour plaire à un public amateur de shôjo. Et Brave 10 qu'on pourrait comparer -sans effrayer les puristes- à Enfer et Paradis, dans l'esprit, avec du combat et des jolies filles. Ce sont des séries qu'on a mises en avant pour cette édition de Japan Expo.
Mais vous verrez que le shôjo va avoir une place de plus en plus importante. Dès cette année, vont sortir deux titres de Mayu Sakai: le Syndrome de Peter Pan et Nagatachou Strawberry ainsi que le one-shot Wanted de Hino Matsuri.





L'avenir de Panini, c'est définitivement le shôjo ?
Définitivement ? C'est inscrit et on va continuer fortement dans cette voie. Exclusivement non. Il y aura du shôjo avec encore une nouvelle série de Hino Matsuri en 2010 mais aussi d'autres licences qui ne sont pas du shôjo. Je peux d'ores et déjà vous dire que nous allons éditer la nouvelle série des auteurs du Nouvel Angyo Onshi en 2010, March Story.


Interview réalisée lors de la Japan Expo 2009 par Blacksheep et Neun11septembre

Remerciements à Benoît Frappat.