Glénat - Actualité manga

Interview

Interview n°2

A l'occasion du dernier Japan Expo, nous avons eu le plaisir de rencontrer Stéphane Ferrand, directeur éditorial aux éditions Glénat. Voici le compte-rendu de notre interview !
 
 
Manga-News: Pour la rentrée, le shojo revient en force chez Glénat avec une toute nouvelle auteure encore méconnue en France : Ayuko, dont vous publiez simultanément deux one-shot accompagnant le lancement de la série The Early and the Fair. Qu'est-ce qui vous a touché dans le style de cette mangaka, et pourquoi croyez-vous autant en elle ?
Stéphane Ferrand: D’une manière générale j’essaie de trouver des shojos qui soient différents les uns des autres, afin d’ouvrir l’éventail de ce que ce genre peut proposer. Mei’s butler n’a ainsi rien à voir avec Honey X Honey, pas plus qu’avec Kilari ou Library wars… le travail d’Ayuko me semble rentrer dans cette logique, avec cette pointe de fantastique dans les scénario, comme une couleur pastel à peine esquissée en toile de fond, le traitement shojo prédominant néanmoins, j’y retrouve une recette un peu à la Moto Hagio, surtout dans ses histoires courtes. Enfin, fort de ce constat, je n’ai plus eu qu’à me laisser porter (littéralement) par le trait de cette auteure, qui m’a enchanté. Il y a dans son dessin une maturité singulière dans un refus de la facilité sans donner pour autant dans la surenchère technique. Ses cadrages sont branchés en ligne directe avec les sentiments des protagonistes, plus on rentre dans l’intimité du personnage, plus le trait devient éthéré, disparaissant presque. Ses personnages sont vrais, crédibles, ses histoires sont courtes, et intelligentes. Efficace et beau. Je suis très content de présenter ses premiers travaux, qui augurent une fort belle carrière à venir.
  

   
 
    
Parlons un peu de Neon Genesis Evangelion... Novembre marquera le grand retour d'Evangelion avec la parution simultanée des volumes 12 et 13, ce dernier sortant de manière mondiale. Quelles sont les raisons expliquant un tel délai pour le douzième volume ? Comment appréhendez-vous ce rendez-vous mondial, y a-t-il des contraintes particulières survenues pour ce genre d'évènements ?
Les raisons expliquant le délai de parution du volume 12 relèvent d’éléments contractuels, or comme vous le savez les éléments d’un contrat sont tenus par des articles de confidentialité, quelle que soit mon envie de communiquer sur le sujet. La parution mondiale dans le même temps du volume 13 est assez complexe à gérer, notamment en raison du fait que là aussi un contrat spécifique de confidentialité (avec une amende assez salée en cas de non respect) a du être signé, et nous avons du bloquer toutes les infos que nous recevions, ainsi que la moindre image concernant ce tome. A l’heure de la sur-médiatisation, c’était un peu tendu… sinon, tout se fait en rythme direct, ce qui n’est pas simple. Nous n’aurons ainsi la couverture finale que quelques jours avant le départ en impression.
 

Ce genre de sortie simultanée dans plusieurs pays à tendance à se multiplier. Aimeriez-vous multiplier ce type de rendez-vous éditoriaux, notamment pour les titres les plus attendus à parution lente (Berserk par exemple) ? Est-ce difficile à mettre en place ?
Nous pouvons répondre à ce genre de demandes. Nous avons l’expertise pour être pertinent dans ce genre d’exercice, nous avons donc accédé à la demande de l’éditeur japonais. Ceci dit j’ai du mal à comprendre l’engouement pour ce procédé marketing. S’agissant d’un album, ou d’un film, il peut servir en effet à créer une caisse de résonance plus grande, mais en manga, la complexité réside dans le fait de devoir vendre une série, et non un tome. Donc à moins de faire un lancement mondial pour chaque volume, cela m’apparait plus comme un « effet de manche marketing » impactant sur le volume en question, mais loin d’être efficace ou suffisant pour une série entière. Ensuite, le lancement mondial ne m’apparait pas comme une fin en soi si l’on considère l’achat impulsif. Je préfère de loin avoir une bonne histoire, ce qui amène plus le lecteur à sauter le pas. En résumé, on n’achète pas un manga parce qu’il y a un lancement mondial.
  

Les dernières années marquent également chez certains éditeurs un retour vers les séries des années 1980, avec par exemple cette année les retours de Wingman chez Tonkam et de Sailor Moon chez Pika. Avez-vous déjà des idées en tête pour perpétrer cette tendance, que vous avez entamé notamment avec Captain Tsubasa ? Pourquoi un tel engouement pour la "nostalgie" ?
C’est une manière aussi de marquer les générations. Le revival est une manière aussi en politique culturelle de mettre en avant le meilleur de la décennie 80, mais aussi de pérenniser les éditions de ces titres. Captain Tsubasa n’était plus disponible en français avant que je ne décide de le racheter. Considérant la culture du manga en France, cela m’apparaissait incongru de ne pas avoir de version de ce manga. C’est aussi une forme de bilan, donc une page qui se tourne et ouvre vers une autre. C’est une manière également de s’adresser au public actuellement jeune du manga, d’éclairer leur découverte de cette culture en continuant à mettre disponible les anciens titres. Mais c’est très compliqué car au final, et quelle que soit la valeur que vous attachez à un auteur, le public décide véritablement seul de ce qui doit se pérenniser. Donc ça devient un jeu difficile, et surtout, on commence à avoir fait le tour des années 80.
 
   
   
    
Dans le même ordre d'idée, les éditions Perfect arrivent à la fin d'un premier cycle avec la fin de Dr Slump et prochainement de Kenshin le Vagabond. Quel bilan retenez-vous de ces premières rééditions ? Le label va-t-il être prochainement réactualisé avec de nouveaux titres, en particulier Ranma 1/2 qui a souvent été évoqué ?
Le bilan est satisfaisant sans être convaincant. Sur les 3 Perfects réalisées, nous avons la satisfaction éditoriale. Commercialement parlant c’est certes décevant quand on compare avec les chiffres des autres éditions vendues sur la même période, mais on ne s’attendait pas non plus à des miracles. Par contre le véritable objectif est atteint : celui-ci consistait à mettre en place une belle édition, équilibrée, complète et correcte, à même d’être achetée pendant de longues années. Or le schéma de ventes de ces titres est inverse de celui des tankobon. Plutôt qu’un gros pic de vente à parution d’un volume suivi d’une baisse lente, on n’a pas de pic, mais des ventes étalées dans le temps, et en progression lente mais stable. Tout se passe donc correctement, même si on avait espéré de plus amples résultats financiers nous permettant de financer d’autres projets. Cette ligne va donc bien entendu connaitre d’autres titres, mais de manière prudente, et l’un après l’autre. Vous en saurez sans doute plus d’ici à janvier prochain. J’ai déjà évoqué Ranma ½. Au-delà de la volonté et de la négociation, la réalisation est un autre degré de complexité, qui touche à la création de l’auteure. Le dossier est donc encore loin d’être terminé, la complexité de la réalisation étant à la hauteur de l’amplitude du projet. Ayant commis l’erreur de parler de ce titre, j’ai créé une forte impatience dans le lectorat qui n’est pas réaliste au vu de la temporalité du projet. Je préfère maintenant ne pas dévoiler mes plans à moyen et long termes, afin de ne pas créer de frustration chez ceux pour qui « ça n’arrive pas assez vite ».
 
   
  
 
Le devenir d'un autre label nous inquiète un peu plus : le Vintage. Bien que le Voyage de Ryu et Ashita no Joe soient arrivés à terme, la collection semble en difficulté. Comment envisagez-vous l'avenir de ce label ? Avez-vous envisagé d'autres stratégies, d'autres cibles, pour pérenniser cette collection ?
Le Voyage de Ryu et Ashita no Joe sont arrivés à terme car tous nos manga sont publiés à terme. Les titres Vintage n’ont pas de raison d’avoir un traitement différent. Cyborg 009 arrivera au bout de sa parution, comme les autres, il n’a jamais été question d’autre chose. Nous faisions du Vintage avant la création de cette collection (Golgo 13, Baptism, L’école emportée…), nous en proposerons d’autres. Inutile de demander quand quoi et combien, on restera conscient avant tout d’un marché en baisse constante, d’une zone éditoriale, le classique, reniée, où même un titre comme Ashita no joe ne séduit pas les lecteurs. Nous avons une liste de titres à travailler, nous les étudierons un a un, dans un schéma éditorial le plus proche possible du one shot, le plus loin possible de la série.
 
   
  
 
En parallèle, un ovni atterrira prochainement chez Glénat : l'intriguant 2001 Night Stories, avec une édition très luxueuse mais au prix très élevé, le fermant aux lecteurs mois fortunés. A qui destinez-vous cette série, et pourquoi avez-vous fait ce choix de support ?
2001 est un cas en effet. Une tentative, un essai. Il part de plusieurs constats. D’une part, je désirai absolument éditer Hoshino; le Trou Bleu chez Casterman m’a durablement marqué jadis; et plus que tout, je voulais éditer 2001, que j’ai acheté il y a longtemps en anglais. C‘est un peu comme Ashita, il y a un moment où vous vous dites qu’on ne peut tolérer plus longtemps l’absence d’un titre pareil sur le marché français, et qu’il vous faut l’éditer, coûte que coûte et que ce n’est pas tant une question financière, même s’il faut demeurer vigilant sur ce point pour pouvoir aller au bout de l’aventure. D’autre part, je m’interroge depuis longtemps sur le fait que la BD a toujours su proposer des ouvrages en tirage luxe, en coffret, numéroté, signé, avec du goodies exclusif dedans etc etc, mais que le manga n’avait jamais proposé ce type de produit : cher, certes, mais très hautement qualitatif, avec un aspect collector associé. Enfin, l’idée de proposer un one shot pour un titre de 1500 pages rentrait dans le constat fait ci-dessus que sur certains titres un one shot est mieux qu’une série. Associant ces 3 réflexions, le projet est né. Une part des lecteurs de manga ainsi qu’une part des lecteurs de BD seront intéressés par l’œuvre, une autre part bien entendu également des collectionneurs compulsifs.


Ces dernières années, votre maison d'édition est également partie vers différents registres, notamment le manga pour enfants (Glénat Kids, P'tit Glénat, Suki Suki), mais qui reste encore très limité en nombre de titres, Chi - une vie de chat restant la seule série en cours. Les expériences sur ces labels seront-elles poursuivies ?
De même, Glénat a misé sur l'édition de romans, qui ont eu des débuts difficiles. Que pouvez-vous nous dire sur cette collection ?

Les titres pour les enfants doivent-ils se poursuivre ?  Bien entendu ! Depuis toujours une génération passe après une autre. Depuis toujours, la grande question éditoriale est de préparer la génération à venir. Il serait aberrant de se priver de ce type de développement. Ceci dit il serait tout aussi aberrant de lancer des dizaines de titres alors que le marché est en formation. C’est le même principe que pour le roman. Nous avons choisi de développer ces labels car nous pensons qu’ils ont un potentiel, reste à trouver la bonne formule, on ne tombe pas directement dessus, le public lui-même à souvent besoin d’un temps pour déterminer exactement ce qu’il désire. On fait des propositions, on regarde les résultats, on recadre la stratégie, on teste à nouveaux. Quant aux romans, les volumes suivants de Taitei no Ken, Skycrawlers et Toshokan Senso continuent de paraitre. Un volume par an ne me semble pas un délai délirant aux vu des habitudes du marché du roman (où on est plutôt à deux ans de délai minimum), et le second mouvement de la collection roman verra le jour en septembre 2012 avec un roman de D.Gray-man et un roman de One Piece. Difficile donc de considérer que la situation du roman est bloquée, même si, comme pour KIDS et pour les mêmes raisons, rien ne sert d’arroser les libraires de tout et n’importe quoi.
  
 


Alors que nous venons d'évoquer toute la diversité du catalogue Glénat, quelle piste est pour vous la plus intéressante aujourd'hui ? Allez-vous vous concentrer sur le public avide de valeurs sûres (One Piece, Bleach) ou vous intéresser d'avantage sur l'une des ouvertures déjà entamées (le lectorat adulte, les tout-petits) ?
Et bien, je ne vois pas pourquoi je devrai choisir. Je vais faire comme précédemment, continuer à pousser chaque partie du catalogue à hauteur de l’évolution de son potentiel, continuer le renforcement shonen en boostant nos nombreuses séries dans ce genre / poursuivre le développement seinen, toujours sur une base populaire typée young seinen à même de séduire un plus large public / affirmer le redéploiement du shojo (où depuis 2006 nous avons lancé une dizaine de nouveaux titres) /permettre l’émergence d’une nouvelle génération (KIDS) / ouvrir le champ éditorial du fan de manga, avec les romans, mais aussi tous les développements Art book, guide books, etc…/ pérenniser une culture en éditant les classiques fondateurs….. et continuer à trouver d’autres idées, d’autres lignes à développer, via une compréhension encore plus accrue des demandes du public français, chercher des projets, étonner, surprendre, tenter, rater parfois, réussir parfois.
 
 
Récemment, les éditions Shueisha et Shogakukan ont annoncé qu'elles donneraient la primauté à Kazé Manga, leur filiale française, pour l'obtention des droits de leur séries en France. Quelques mots à ce sujet ?
D'un point de vue éditorial, cette décision était attendue par les différents acteurs du marché, et ne me surprend donc pas. Qu'une maison mère confie en priorité ses licences à l'une de ses filiales est un acte plutôt normal. De plus, les responsables des éditions Shueisha n'ont jamais caché leur envie de "conquérir" le marché français. Là on ça devient plus compliqué, c'est lorsque Kazé Manga devient désormais prioritaire dans le cadre d'un développement d'une licence qui est déjà travaillée par un autre éditeur français. C'est à dire que le nombre d'interlocuteurs est démultiplié. Ainsi, les futurs développements de licence pour des mangas Shueisha comme Naruto avec Rock Lee ou One Piece avec Chopperman, ont été attribués, donc, à Kazé Manga. Nous devrons travailler encore plus afin d’être sûr que nos stratégies puissent être similaires et ne pas se cannibaliser. Je considère qu'il est plus efficace de travailler sur une licence quand on concentre l'ensemble des éléments de cette licence (par éléments, Stéphane Ferrand veut dire mangas, artbook, guide book etc... ndlr). Ainsi on gère mieux le rythme, l’alternance, la complémentarité entre les éléments. Et puis il est vrai qu’au vu des importants efforts que nous avons réalisés pour développer One Piece, on aurait apprécié de pouvoir travailler Chopperman dans notre collection KIDS, et poursuivre nous même ce type de développement de la licence, suivant le plan que nous avions soumis à Shueisha il y a un an et demi.  Il s’agira donc de faire la même chose, mais avec un interlocuteur de plus. Je ne suis pas défaitiste car le cas est similaire en ce qui concerne l’exploitation numérique, où nous travaillons en très bon équilibre avec Shueisha/Docomo, de même, notre récente collaboration avec Kaze sur Shonen Heroes, certes sur deux licences différentes (Toriko et One Piece), s’est très bien déroulée.


Comment, à l'heure actuelle, percevez-vous le marché du manga en France ?
Je n'envisage pas 2012 comme une année grandiose, pour des raisons diverses et variées liées à la conjoncture et au comportement des lecteurs de manga. J'espère qu'à partir de 2013, le marché connaîtra un rebond, car si, comme on le dit souvent, il n’y a pas actuellement de "bombe" aussi fédératrice qu’un One Piece ou un Naruto, il reste quand même un nombre impressionnant d’excellents titres à fortes ventes et qui peuvent tout a fait séduire le public français. Pour vous donner un regard sur nos nouveaux titres Glenat de 2013 (mais sans tout dévoiler non plus ce ne serait pas drôle), vous y trouverez... des guitares électriques, de l’escalade, des vaisseaux spatiaux, un second coffret d’exception à un prix très abordable, un bout de pomme, un monde virtuel, les premiers pas d’une jeune fille dans le monde du spectacle, et bien d’autres choses actuellement en discussion !
 
 
Remerciement à Stéphane Ferrand et aux éditions Glénat.

Interview n°1

Nous vous proposons un compte-rendu de l'entretien que nous avons eu avec Stéphane Ferrand, directeur éditorial aux éditions Glénat, lors de la Japan Expo 2009.
     
   
Manga-news: Vous êtes depuis deux ans directeur éditorial chez Glénat. Quel bilan faites-vous de ces deux premières années?
Stéphane Ferrand: C'est un bilan pour l'instant très satisfaisant. Je suis arrivé chez Glénat avec des projets et des ambitions nouvelles: j'avais notamment cette envie de faire évoluer et de renouveler ce que je considérais comme l'un des plus beaux catalogues de la bande dessinée! Aujourd'hui, nous avons recomposé une équipe de qualité et changé tout le processus de notre production, ce qui fait que nous n'avons pas ou peu de retard. J'ai également cherché à travailler le fond de notre catalogue. Cela se caractérise notamment par la sortie des versions Perfect de Dragon Ball, Kenshin, Dr Slump et par le retour de séries telles que Naru Taru ou What's Mickael?!.


Au sujet des nouveautés, nous avons sortis beaucoup de nouvelles séries qui ont trouvé leur public, comme Les Gouttes de Dieu, Biomega, Team Medical Dragon...
En deux ans, j'ai également eu l'opportunité de mettre en place deux nouvelles collections: la collection Vintage, qui répond à un besoin de proposer des œuvres appartenant au «patrimoine» du manga, et la collection Kids, prévue pour mars 2010. Cette collection proposera des œuvres courtes dotées d'un univers bucolique et destinées aux enfants. Les ouvrages de cette collection seront facilement identifiables grâce à un cartouche orange positionné sur leur tranche. Et puis, même si tout est toujours perfectible, nous avons progressé en qualité, unifié le sous-titrage des onomatopées, considéré le fac-similé comme la règle en intégrant posters et pages spéciales lorsqu’il y en avait, développé des cadeaux et goodies gratuits de manière régulière, recomposé un beau stand pour les salons, tenté de répondre régulièrement aux questions des lecteurs via notre Newsletter, développé le contenu du site Internet, amélioré notre communication vis-à-vis de la presse...
En définitive, je suis plutôt content de mon premier bilan!
     

        
           
Vous parliez de Naru Taru... Qu'est-ce qui a motivé la reprise de ce titre?
En premier lieu, il était important de reprendre Naru Taru pour marquer la fin d'un vieux contentieux avec notre lectorat (Glénat avait sorti il y a quelques années les premiers tomes de Naru Taru pour finalement interrompre la parution de la série pour son contenu sexuel et très violent, ndlr). Je voulais prouver à nos lecteurs que désormais, les éditions Glénat ne sortiront plus de titres sans en proposer la fin. En second lieu, Naru Taru me semble un excellent titre tout à fait présentable au public d’aujourd’hui, et cohérent dans le cadre de notre collection Seinen.
     

     
      
Comptez-vous sortir d'autres œuvres de Mohiro Kitoh?
Pour l'instant, nous n'avons pas prévu de sortir d'autres titres de cet auteur. Mais étant donné que nous travaillons dans une logique de cohérence d'auteurs, il est possible que nous publiions d'autres titres de Kitoh. C'est dans cette logique que j'ai publié Japan et Oh Roh, les deux autres séries de Miura en plus de Berserk. Pour moi, il est important de pouvoir voir l'évolution du travail d'un auteur, qu'elle soit graphique ou narrative, en s'intéressant à l'ensemble de son œuvre. C'est également ce que nous faisons avec Yukito Kishiro, en éditant Aqua Knight et en rééditant Ashman, tout en poursuivant Gunnm Last Order.
     

       
            
Peut-on espérer la reprise d'autres séries appartenant depuis longtemps à votre catalogue, comme par exemple Next Stop, Kuro gane et Pineapple Army?
En fait, j'aimerais bien redonner une nouvelle édition à certains titres appartenant à la première partie du catalogue Glénat. Rééditer de telles séries fait donc partie de nos objectifs, mais ça ne sera peut être pas réalisable dans un avenir proche, d'autant plus que la réédition de tel ou tel titre ne dépend parfois pas de nous. Par exemple, concernant Pineapple Army, il faut savoir que Naoki Urasawa ne désire pas que ses anciens titres soient publiés en France pour l'instant. Ça vaut pour Pineapple Army, mais aussi pour Master Keaton ou Yawara.
            

        
                  
Comparé à d'autres éditeurs, vous avez sorti peu de nouveaux shojos cette année...
On ne peut pas tout faire en même temps ! Comme je viens de vous le dire, nous avons réalisé de nombreuses choses au sein des éditions Glénat cette année, comme le lancement de nouveautés, de nos deux nouvelles collections ou la réédition de certains titres. Le shojo reste néanmoins un genre très important pour nous et sera un objectif fort pour l'année 2010. Nous allons proposer l'excellent Kilari en septembre, il y aura d'autres nouveaux shojos dans notre catalogue, comme Honey X Honey Drops. Nous comptons également sortir d'autres séries de Wataru Yoshizumi (l'auteure de Marmelade Boy, Mint na Bokura... ndlr), et plus généralement d'Hakushensha, un éditeur japonais grand pourvoyeur de shojos.
       

                            
                               
Comptez-vous sortir des titres yaoi?
Non, les éditions Glénat n'iront pas vers le yaoi, ni le hentai d'ailleurs. J'essaie de conserver autour de Glénat une image assez « grand public ». Et puis d'autres éditeurs sortent déjà ce genre de séries, et ils le font très bien d'ailleurs!
   
    
Quelques mots sur les rééditions de séries en version Perfect?
La version Perfect de Dragon Ball se vend très bien en France. On constate qu'il y a une vraie attente du public dans ce créneau. J'attends donc beaucoup de la version Perfect de Kenshin, qui est un de nos titres emblématiques. Il faut savoir que Kenshin a connu trois traducteurs différents tout au long de sa publication française. Pour l'édition Perfect, nous allons tout refaire pour avoir une traduction uniforme et de grande qualité. J'espère également que le succès sera aussi au rendez-vous pour la version Perfect de Dr Slump!
Enfin, sachez que ça ne s'arrêtera pas là... mais je ne peux pas en dire plus pour le moment.
      
 
           
                     
Glénat Espagne édite Muscle Man. Comptez-vous proposer ce titre en France?
Personnellement, j'ai très envie de sortir ce titre en France. J'étais un grand fan de l'anime à l'époque où il était diffusé à la télévision. C'est un titre que je ne perds pas de vue, même si pour l'instant je me consacre à d'autres projets.
   
    
Vos best-sellers, à savoir Bleach, One Piece ou encore Berserk, ont presque rattrapé l'édition japonaise... Sur quels titres misez-vous pour compenser ces trois séries?
Déjà, les fans doivent être conscients que je ne peux pas dessiner moi-même les volumes suivants de ces séries et qu'il va donc falloir attendre! (rires)
Personnellement, je mise beaucoup sur Tatei no Ken. C'est un titre d'heroïc fantasy saupoudré de science-fiction qui pourrait plaire aux lecteurs de Berserk. Je le conseille pour deux raisons: le scénario et le dessin. Le dessin est absolument terrifiant et Dohe fait un travail quasi photographique. L'histoire est quant à elle issue d'un roman de Yumemakura, qui est un immense écrivain au Japon. Ensuite, nous avons proposé au public de nombreuses séries dont le succès se confirme au fil des mois et des volumes: Reborn, Neuro, l'Académie Alice, par exemple.
J'espère également que les nouveautés comme Kilari ou Samurai Usagi rencontreront le succès qu'elles méritent. Il faut savoir que cette dernière est une grande série du Shonen Jump. Enfin nous avons quelques belles surprises pour 2010.
N’oublions pas que les Best-sellers que vous citez ont mis quelques années avant de le devenir, cela vaut pour One Piece comme pour Bleach, Berserk a même changé deux fois d’éditeurs avant de se stabiliser chez nous. Un Best-seller se construit petit à petit, par la notoriété que lui amène sa qualité, tout autant que par les opérations marketing qui sont un soutien fondamental.
                        

      
                 
Quelques mots sur le scantrad?
Je peux comprendre l'impatience de certains jeunes fans... Mais il est important de mettre en place un apprentissage de la patience. Des générations entières de lecteurs ont vécu sans scantrad et leur passion ne s’est pas éteinte pour autant. La course en avant, et à l’impatience, n’a pas de fin, bientôt, faudra-t-il aux fans une «dose quotidienne»? Se retournera-t-on contre l’auteur parce qu’il ne créé pas assez vite? Est-ce qu’on n’oubliera pas que la BD et le manga sont des créations, et qu’en cela leur qualité dépend aussi du temps de maturation que l’on leur donne? Cette idée d’avoir «tout, tout de suite» me semble être un écho des dérives de la société de consommation, qui valorise le «vite», quitte à faire du «jetable» pour aller plus vite. Selon moi, le scantrad est compréhensible, mais pas tolérable. Car la passion n’excuse pas tout. Il est évident que l'auteur en souffre, que son œuvre soit licenciée ou pas dans la langue du scan. Le problème est encore plus grand sur des auteurs qui débutent leurs premières œuvres: peu chance pour eux de se voir proposer un jour en dehors du Japon et si c’est le cas, les ventes seront amoindries par le scantrad. L'éditeur en souffre également, car son travail est récupéré sans aucun accord, alors qu’il se doit de protéger le travail de son auteur, il est donc mis en porte-à-faux vis-à-vis de ce dernier. Le manga est une passion, mais c'est aussi un travail, des personnes et des familles vivent de ça. Si tout devenait gratuit et libre de droit, ces personnes n'auraient plus de quoi vivre... et donc plus de quoi créer des titres. Il faut comprendre le côté paradoxal du scantrad, où comment cela revient en fait à scier la branche sur laquelle on est assit.
Ce que je condamne fermement, c'est lorsqu'un site de scantrad devient un business, notamment en vendant des bandeaux de pub à des régies publicitaires. Car là, il s’agit vraiment de faire de l’argent, en utilisant gratuitement le travail des auteurs, et même celui des fans qui font les traductions! Malheureusement cette pratique se généralise de plus en plus...


Pour conclure, une question légère... Vous apparaissez en photo dans le magazine Morning, à l'occasion de la prépublication d'un chapitre des Gouttes de Dieu. Comment vivez-vous cela?
En fait, tout a commencé quand j'ai accueilli les deux auteurs des Gouttes de Dieu à Paris. Nous nous sommes baladés à Montmartre et avons pris des photos. Nous étions par ailleurs accompagnés de Michel Dovaz, un grand spécialiste du vin qui a réalisé la préface du premier tome. Il faut savoir que Michel a carrément été dessiné dans la série! Quant à moi, je ne peux qu'être flatté d'apparaître en photo! C'est vraiment sympa de leur part... Et puis qui sait, peut-être qu'un jour j'apparaîtrai à mon tour dans les Gouttes de Dieu ? (rires)
         

     
  
Interview réalisée par néun11septembre et Blacksheep.
  
 
Remerciements à Stéphane Ferrand et aux éditions Glénat.