Critique de l'anime : Voyage De Chihiro (le)
Publiée le Jeudi, 18 Juin 2015
Sorti en 2002, ce douzième film d'Hayao Miyazaki narre la traversée d'une petite fille curieuse dans un monde à part. Asseyant la renommée des studios Ghibli dans le domaine de l'animation, Le Voyage de Chihiro cartonnera dans le monde entier en comptabilisant plus de 200 millions de dollars de recettes hors USA.
Sous influences, Lewis Carroll pour le passage vers un autre monde, Kenji Mizoguchi pour l'épaisseur des personnages, Hayao Miyazaki bâtit un univers oligarchique, mené d'une main de fer par une sorcière aux pouvoirs étranges. Dans son édification d'une société colorée et hiérarchisée, Hayao Miyazaki jette ses premières cartes : Engouffrer des mets sans demander la permission, la surconsommation, l'élevage de porcs.
Avec souplesse, il dresse une galerie de personnages tous plus énigmatiques (les différents serviteurs, les parents gloutons, l'enfant dragon....) et fait écho aux valeurs du passé; le décor baigne dans des effluves de mythes japonais, de classicisme français, de style rococo.
Miyazaki illustre la mise en sommeil de tout sens critique, le formatage de l'individu et son insertion dans une logique productiviste, la mise en place de systèmes collectivistes proches des camps de travail khmers....
Point d'orgue de cette échappée, le mystérieux personnage fantôme est une bizarrerie démoniaque et matérialiste. Tout l'or, toutes les pierreries n'achèteront pas la jeune Chihiro ou Sen (un nom d'esclave....), dont les parents se sont transformés en porc, car ils ont outrepassé les règles de la bienséance. Sur la partition enchanteresse de Joe Hisaishi et dans un ballet orgasmique de couleurs et de plans ultimes, renvoyant de nombreux cinéastes à leur manuel de grammaire, Hayao Miyazaki fait éclater sa galaxie autarcique et concentrationnaire.
Ode onirique et contestataire, Le Voyage de Chihiro déchire le coeur. Un diamant brut dont la valeur est rehaussée au fil du temps.
