WATANABE Akio - Actualité manga

WATANABE Akio 渡辺明夫

Interview de l'auteur

Publiée le Samedi, 07 Novembre 2015

Quelques jours avant la dernière édition de Japan Expo, un invité de dernière minute vint se glisser, et pas des moindres : Akio Watanabe, character designer de plusieurs séries renommées comme la saga Monogatari (Bakemonogatari, Nisemonogatari...), la saga Grisaia (Le Fruit de la Grisaia, Le Labyrinthe de la Grisaia, L'Eden de la Grisaia), Que sa volonté soit faite ou The SoulTaker.

C'est grâce à Crunchyroll que nous avons pu rencontrer cet artiste, pour une interview où il revint sur sa carrière.



Akio Watanabe, merci d'avoir accepté cet entretien. Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir character designer et illustrateur ?

Akio Watanabe : Quand j'étais en primaire, j'aimais déjà dessiner et j'étais nourri aux animes. C'est l'envie de m'améliorer en dessin qui m'a poussé vers ce milieu et m'a donné envie d'intégrer une école apprenant le métier d'animateur.


Y a-t-il des auteurs ou des oeuvres en particulier qui ont forgé cette envie ?

Au départ il n'y avait personne en particulier, c'était simplement le fait de regarder des animes qui a fait naître en moi cette envie. Mais avec le recul, étant donné que j'aimais beaucoup Gundam, je pense désormais pouvoir dire que c'est cette oeuvre qui a été le principal déclencheur, et plus spécifiquement son character designer Yasuhiko Yoshikazu.



Vous avez travaillé à la fois sur le character design du visual novel et de l'anime Grisaia. Etait-ce un challenge pour vous de réadapter en version animée votre propre chara design créé pour le visual novel ?

C'était très très dur ! Le visual novel étant une trilogie, j'avais déjà dû travailler longtemps dessus. Et après avoir fini ce travail éprouvant, alors que je pensais pouvoir souffler un peu, l'adaptation animée m'est tombée dessus (rires).

Il fallait redessiner des personnages que j'avais déjà dessinés. En plus de cela, comme le réalisateur de l'anime Tensho voulait adapter le plus fidèlement possible le visual novel, il fallait aussi que je dessine les personnages originellement créés par Fumio, l'autre chara designer du visual novel, de la façon la plus fidèle possible. Bref, je devais à la fois rester fidèle à mes personnages et être capable de m'adapter au style de Fumio, et c'est ce double-challenge qui a été le plus dur.


Pour rester sur les adaptations, quels ont été vos principaux challenges pour adapter le design de Que sa volonté soit faite et de la saga Monogatari ?

De base, Mr Wakaki, l'auteur original du manga Que sa volonté soit faite, possède un style qui est facile à reproduire en animation et qui est reconnaissable. Mon principal travail fut donc de créer un chara design pour que les fans reconnaissent facilement les personnages.

Dans le cas de Monogatari, c'est un peu le contraire : il y avait très peu de matériel de base, uniquement les quelques illustrations présentes dans les romans originaux. Il n'y avait qu'un seul dessin par personnage et seulement deux personnages en couleur. Du coup, je me suis permis plus de libertés, notamment dans les couleurs, et on peut dire qu'il y a plus de « style Akio Watanabe ».



Vous avez également créé le character design de la série animée The SoulTaker, qui est certainement l'une des grandes forces de l'oeuvre tant il est brillant et atypique. Comment avez-vous abordé ce projet si particulier ?

C'était le premier projet entièrement en digital de la Tatsunoko, ce qui à l'époque était quelque chose de nouveau. C'est là que résidait le plus gros challenge de l'oeuvre.

De plus, la Tatsunoko étant un studio assez ancien et surtout réputé pour des oeuvres inscrites dans le temps, ses principaux fans sont des personnes qui ont grandi avec et qui avaient un certain âge. L'autre challenge était donc d'attirer vers le studio un nouveau public, plus jeune et à même d'être séduit par les techniques d'animation plus modernes.


Il y a un autre point commun entre The SoulTaker et la saga Monogatari : le réalisateur Akiyuki Shinbo, avec lequel vous avez donc travaillé plusieurs fois et qui est bien connu des amateurs d'animation. Pouvez-vous nous parler un peu de votre relation avec lui ?

Pour dire les choses très simplement : moi je suis l'esclave, et lui le dieu ! (rires)

Même au sein du studio Shaft, beaucoup de personnes se demandent si Mr Shinbo existe vraiment, tant il entretient une sorte d'aura divine autour de lui. Par exemple, il interdit toute photographie de lui sur internet et il se montre rarement. C'est un peu une légende, même dans le studio. (rires)



Vous avez également travaillé sur plusieurs jeux vidéo autres que Grisaia, notamment sur des visual novels sous le pseudonyme Poyoyon Rock, et aussi sur le jeu de cartes Aquarian Age. Quelles sont les différences dans votre travail entre ces différents supports ?

La principale différence que je ressens est d'ordre sentimental.

Quand je travaille sur un anime ou un visual novel, c'est du travail de groupe, avec plus de communication entre plusieurs professions. Du coup, on peut partager nos sentiments, par exemple notre bonheur quand on constate le succès de notre travail auprès du public.

Lorsque je planche sur des travaux personnels, j'ai plus de liberté et je peux mettre plus de moi-même, mais en contrepartie c'est un travail solitaire, et il y a moins de monde avec qui partager sa joie quand un projet est bien accueilli.


Vous avez officié à des postes différents : character design, animation-clé, direction de l'animation... Quel est le poste où vous vous sentez le plus à l'aise ? Y en a-t-il d'autres que vous aimeriez essayer ?

Je me sens le plus à l'aise dans les travaux où je peux me vider la tête et n'ai pas besoin de réfléchir. Par exemple, lorsque je vérifie les dessins des autres animateurs, à la chaine.

A contrario, il y a le travail de character designer et d'autres travaux où il faut réfléchir à la conception des personnages et à leurs mouvements. Ceux-là sont ceux qui me font le plus souffrir.

Parmi les métiers qui me trottent en tête mais que je ne pense pas faire avant bien longtemps, il y a le manga. Même si ça me demandera beaucoup d'efforts de réflexion, j'adorerais écrire un manga. J'en lis beaucoup, et je ressens beaucoup de passion et de respect pour les mangakas.


Oh ! Et y a-t-il des thèmes en particulier que vous aimeriez aborder dans un manga ?

Je n'y ai pas encore vraiment réfléchi, mais je sens que si je faisais un manga je pourrais plus que jamais y laisser parler la « patte Akio Watanabe », Du coup, je pense que ça donnerait une sorte de tranche de vie scolaire un peu excentrique dans la veine de Nichijô.



Après toutes ces années de travail à différents postes, quelle analyse feriez-vous sur votre propre parcours ?

Depuis que j'ai commencé à dessiner jusqu'à maintenant, j'ai à peine vu le temps passer et j'ai l'impression d'avoir connu plus de périodes de « fuite » que d'investissement personnel. Jusqu'à présent, je me suis contenté de travailler et d'être rémunéré. Ca me suffisait. Un jour, j'espère avoir le courage d'aller plus loin que ça, par exemple en dessinant ce fameux manga.


Tout à l'heure, vous disiez lire beaucoup de manga. Y a-t-il des auteurs et des oeuvres anciennes ou récentes qui vous ont marqué plus que d'autres ?

J'aime beaucoup les oeuvres comme Akira de Katsuhiro Otomo ou Death Note, avec leur ambiance assez sombre et pesante.


De tous les personnages sur lesquels vous avez travaillé, lequel a votre préférence ?

Komugi-chan ! (ndlr, héroïne de la série d'OAV Nurse with Komugi-chan qui est une sorte de parodie de The SoulTaker)


Un grand merci à Olivier Fallaix de Crunchyroll pour la mise en place de cette rencontre, ainsi qu'à Mr Watanabe et à son interprète !

Mise en ligne le 07/11/2015.