TSUBAKI Izumi - Actualité manga

TSUBAKI Izumi 椿いづみ

Interview de l'auteur

Après Naoyuki Ochiai en 2010, la Japan Touch de Lyon peut à présent compter sur un partenariat avec l'éditeur Akata/Delcourt pour présenter chaque année de nouveaux auteurs très talentueux ! Aussi, pour sa treizième édition, la convention avait comme première invitée d'honneur la mangaka Izumi Tsubaki, auteure de Sweet Relax et Fight Girl, série encore en cours à l'heure actuelle. Bien que ne souhaitant pas être prise en photo pour préserver son anonymat et sa tranquillité, l'auteure s'est prêtée avec sympathie au jeu des dédicaces, d'une masterclass ainsi que des interviews. Ce fut pour nous l'occasion de découvrir son univers en revenant sur son parcours et sur la création des différentes aventures qu'elle peut faire vivre à ses héros...

  
   
   
Manga-News : Bonjour et merci d'accepter cet entretien. Vous sembliez vous orienter vers une carrière d'enseignante. Qu'est-ce qui vous a poussé à entrer dans le monde professionnel du manga ? 
Izumi Tsubaki : J'ai été sans doute influencée par ma sœur, qui a commencé une carrière de mangaka alors que je n'étais encore qu'au collège. A partir de mon entrée au lycée, j'ai commencé à participer à des concours pour jeunes auteurs chaque année, jusqu'à obtenir un prix au bout de la troisième reprise. Un éditeur m'a alors repéré à ce moment-là et je me suis mise aussitôt au travail, en parallèle à mes études. C'est d'ailleurs à cette époque qu'a débuté Sweet Relax, qui était encore en cours lorsque je suis sorti du lycée. Ainsi, bien que diplômée, je n'ai pas délaissée le manga pour autant. En réalité, le fait d'aller vers une formation d'enseignante n'était que la suite logique de mon cursus scolaire depuis la primaire, et non une véritable vocation, donc je n'ai pas de regrets à avoir !
   
  
Mise à part votre soeur, y a-t-il eu une série ou un auteur en particulier qui vous a inspiré pour aller vers cette voie ? Plus généralement, quelles ont été les séries marquantes de votre jeunesse ? 
Je dirais Yoshihiro Togashi, avec son manga Yu Yu Hakusho qui a été la première série que j'ai acheté par mes propres moyens. J'étais plutôt fan de shonen, et j'achetais le Shonen Jump toutes les semaines ! Mais il m'arrivait aussi de prendre assez souvent le Shonen Sunday que j'appréciais beaucoup également.
   
  
  
Votre passion pour le shonen manga se ressent justement dans vos oeuvres , qui empruntent beaucoup aux codes de ce genre. Vous considérez-vous complètement comme une auteure de shojo ? Pourriez-vous un jour aller vers l'écriture d'un shonen ?
Je me définis complètement comme une auteure de shojo manga, car je me sens plutôt à l'aise avec les codes de ce genre. Si j'allais vers le shonen, je serai confrontée à certaines limites, comme par exemple me limiter à de l'action pure et dure. Mais rester dans le shojo me permet tout de même d'emprunter aux autres genres, pour un mélange artistique que je trouve très intéressant.
   
  
Quelles limites définissez-vous entre ces genres ?
Je pense que la différence majeure est dans le point de vue général des évènements : le shonen manga se focalise sur l'action et le rythme, alors que le genre shojo va permettre, via des monologues intérieurs par exemple, de s'intéresser aux sentiments profonds des protagonistes. 
  
  
Parlons de votre première série à succès, Sweet Relax. Comment est né l'idée d'un manga sur le shiatsu ? 
A l'origine, mon éditrice désirait que je me lance dans un projet axé autour d'une romance lycéenne. Durant mes études, j'étais inscrite à un club de kempo, un art martial qui met en avant le principe des énergies intérieures, et j'ai notamment reçu quelques cours de shiatsu. Durant ces sessions, j'ai du passer à la pratique en massant mes camarades, et même mon senpai de l'époque ! Ce souvenir m'a inspiré pour écrire une histoire basée sur le shiatsu, en me disant que les rapprochements tactiles seraient un bon tremplin pour le développement des sentiments !
  
      
  
  
Quelques années plus tard, vous avez débuté Fight Girl, un manga d'avantage centré sur l'action et de baston, loin de la douceur de Sweet Relax. Quelles ont été les difficultés à passer à ce style ?
En réalité, Fight Girl a été plus facile à aborder pour moi, car la série me correspond d'avantage ! Sweet Relax m'a posé plus de problèmes, notamment du fait de son héroïne plus introvertie. J'avais plus de mal à doser ses ressentiments. En revanche, il est vrai qu'avec Fight Girl, j'ai du apprendre à réaliser de vraies scènes d'actions, ce qui était une grande première. Mais dans l'ensemble, je me sens plus détendue avec cette seconde série.
   
  
Les héroïnes de vos deux séries, Chiaki et Mafuyu, ont des caractères très distincts : l'une es plutôt réservée et maladroite, l'autre plus exubérante. Selon vous, y a-t-il un point commun qui réunit ces deux héroïnes ?
Je pense que ce qui les unit avant tout, c'est leur caractère très prononcé, bien que dans des registres différents. Et puis, ce sont également deux garçons manqués ! Elles n'hésitent pas à intervenir en cas de problèmes, plutôt que de rester en retrait face aux évènements. 
  
  
Et dans laquelle vous reconnaissez-vous le plus ?
Hum... en fait, je me sens assez éloignée des deux !
  
  
Vraiment ? Vous sentez-vous plus proche d'un personnage masculin, dans ce cas ?
En y réfléchissant bien... Chaque personnage doit correspondre à une petite partie de moi, étant donné qu'ils sont tous issus de ma personne. Donc finalement, je me retrouve un peu dans tous mes personnages, mais pour autant dans aucun en particulier !
   
  
A côté de vos héroïnes très volontaires, on remarque aussi que la plupart des rôles masculins peuvent être des gaffeurs assez comiques, ou cacher leur faiblesse derrière une fausse assurance,... D'où vous vient cette vision de la "fragilité masculine" ?
J'essaie de présenter des héros assez humains avant tout, j'ai bien plus de mal à m'attacher à des personnages trop parfaits ou trop surs d'eux. Il faut aussi que l'héroïne reste l'héroïne, qu'elle demeure le centre de l'attention des lecteurs et qu'elle ne soit pas reléguée vers un personnage plus héroïque qu'elle ! Cela peut expliquer pourquoi les garçons peuvent paraître plus effacés, plus fragiles.
  
  
Parlons peu du titre originel de Fight Girl : Oresama Teacher ("le professeur vicieux"). Pourquoi le titre met en avant Takaomi, le professeur, alors que ce n'est pas le personnage principal ? 
Alors que le premier chapitre du manga était déjà entièrement réalisé, le titre n'était pas encore fixé. Nous ne voulions pas tomber sur un titre déjà existant, et ce n'est qu'à la veille de l'envoi définitif que ma responsable éditoriale m'a proposé "Oresama Teacher". J'en ai parlé rapidement avec mes assistants, mais à l'époque nous avions des problèmes de communication par internet, ce qui a rendu la validation un peu précipité... D'ailleurs, nous nous sommes rendus comptes quelques jours plus tard qu'il s'agissait également du titre d'un jeu vidéo érotique ! (rires)
  
  
Que pensez-vous du titre opté dans l'édition française ?
J'en suis très contente ! Il a le mérite de remettre en avant le fait que Mafuyu soit bien l'héroïne de la série.
  
      
   
  
D'où vous vient l'idée du masque de lapin, qui est très récurrent dans Fight Girl  et qui vous sert parfois de caricature  ? 
C'est une création spécifique à Fight Girl. Je suis parti des célèbres sentai, façon Kamen Rider, et je voulais tourner en dérision le genre pour faire de Mafuyu une sorte de super-héroïne. Quant au choix du lapin, je trouve que les deux oreilles qui dépassent accentuent le côté ridicule, pour offrir un ensemble assez décalé et amusant. Au second volume, j'ai représenté Mafuyu faisant son "power up" en se recouvrant de masques sur tout le corps... mais je me suis rendu compte que c'était devenu très difficile à dessiner ! J'ai alors laissé tomber la montée en puissance pour revenir à un seul masque ! (rires)
  
  
Dans Sweet Relax comme dans Fight Girl, on ressent une certaine liberté dans l’enchaînement des différentes situations. Comment planifiez-vous vos histoires ? 
A la création de mes séries, je pense avant tout aux différents personnages que je veux mettre en scène et au jeu des relations. Ce n'est qu'après tout cela que je pense à l'histoire, mais en posant simplement les grandes lignes directrices. Pour prendre l'exemple de Fight Girl, je ne savais pas au départ où j'allais mener mes protagonistes, hormis en ce qui concernce les objectifs de Takaomi. Mais, à l'heure actuelle, je sais déjà à quoi ressemblera sa conclusion, les points principaux en sont clairement définis.
  
  
Connaissez-vous des limites dans les thèmes à aborder ? 
Pas particulièrement. J'ai de très bons rapports avec mes éditeurs, qui me donnent carte blanche dans les sujets de la série. Il n'arrive que très rarement que j'aie à faire des corrections sur mes chapitres.
  
  
Pour revenir à la fin de Fight Girl, avez-vous déjà une petite idée de la date de fin de la série ?
Non, ce n'est absolument pas fixé ! Les derniers évènements sont définis, mais entre le début et la fin, je me laisse porter par mes personnages, avec toujours de nouvelles inspirations pour animer leur quotidien. Vu la popularité de la série, certains peuvent croire que l'histoire est volontairement étirée, mais en réalité les idées continuent de me venir naturellement. Aussi, je mettrais un terme à la série dès lors que je ne prendrai plus de plaisir à la dessiner. Mais je m'y amuse tellement que ce n'est pas prêt d'arriver !
  
  
En dehors des péripéties de Fight Girl, avez-vous déjà des idées d'histoires que vous aimeriez développer dans de futures séries ?    
Effectivement, j'ai quelques autres pistes pour de nouvelles histoires... Mais pour le concrétiser, ça ne dépend pas que de moi !
    
  
Cet été, vous avez également commencé une nouvelle série, Gekkan Shojo Nozaki-kun. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette histoire ? 
Il s'agit d'un manga en format yonkoma (gags en quatre cases), présentant un jeune lycéen qui est un dessinateur de shojo manga. Il rencontre une jeune fille qui tombe amoureux de lui, mais il croit qu'elle n'est simplement qu'une grande fan de son travail. C'est à partir de cette situation que naissent de nombreux quiproquos...
  
  
La série est disponible gratuitement sur le site Gangan Online de Square Enix. Comment est né cette aventure de publication en ligne ?  Est-ce que cela a changé votre manière de travailler ? 
J'avais depuis quelques temps envie de m'essayer à une série uniquement en yonkoma, et j'ai contacté par moi-même cet éditeur, qui m'a alors proposé ce format numérique. 
Cela a apporté des modifications dans mon rythme de travail : j'alterne entre un chapitre de Nozaki-kun et trois chapitres de Fight Girl. La publication dans le Hana to Yume (ndlr: magazine de prépublication de Fight Girl) reste prioritaire, ce qui fait que Nozaki-kun est publié de manière plus irrégulière, aux environs d'un peu plus d'un chapitre par mois. 
  
  
A la fin du tome 5, vous avez confié que pour la sortie du drama CD de Fight Girl, vous aviez beaucoup travaillé pour trouver vous-même les voix des personnages. En quoi était-ce si important pour vous ?
Lorsque le projet du drama-CD a été lancé, c'est l'éditeur qui m'a directement proposé de choisir les voix que je voulais ! Très honorée de cette "mission", j'ai été aidée de ma soeur pour composer une liste de voix favorites pour chaque personnage. Globalement, ce sont mes premiers ou deuxièmes choix qui ont été sélectionnés pour chacun, donc je suis plutôt ravie du résultat final !
  
  
Pour rêver un peu, avez-vous déjà imaginé Fight Girl adapté en animé ou en drama ? De même que pour le CD, avez-vous déjà une petite idée sur un casting idéal ?
Bien sur, j'y ai déjà pensé ! Mais hélas, ne regardant pas souvent la télé, je ne suis pas du tout calée dans les dramas, et je serai bien incapable de trouver les meilleurs comédiens...
  
 
Remerciements à Izumi Tsubaki pour cet entretien et pour sa superbe dédicace ! Un grand merci également à l'équipe d'Akata/Delcourt et à Asiexpo.