TAKANAGA Hinako - Actualité manga

TAKANAGA Hinako 高永ひなこ

Interview de l'auteur

Hinako Takanaga était présente en France lors de la Japan Expo 2011. Elle y faisait la promotion de sa série Silent Love, sortie aux éditions Asuka. Très heureuse d’être présente, c’est la veille du commencement du festival que la maison d’édition nous a reçu dans ses locaux. La mangaka était alors encore en pleine forme, bien qu’elle avait déjà un planning bien rempli!

C’est avec entrain et plaisir qu’elle répondit à nos questions, parfois aidée de son éditrice.




Comment êtes-vous devenue mangaka ?
J’ai fait des études artistiques, spécialisées dans la peinture à l’huile. Quand je faisais mes études, je continuais à aimer les mangas, mais je ne pensais pas en faire mon métier. Je faisais des dessins pour mes amis, mais rien de plus. J’ai participé à un concours d’illustrations auquel j’ai été lauréate. C’est de cette façon qu’un éditeur m’a contactée.


Avez-vous essayé d’autres genres que le boy’s love ?
En dehors du travail, il m’est arrivé de dessiner autre chose que du boy’s love. Mais professionnellement, je ne dessine que dans ce genre. Travailler pour un autre genre m’intéresserait beaucoup, on m’a même déjà proposé de dessiner un shojo, mais mon emploi du temps ne me le permet pas encore !


Le fait d’avoir déjà dessiné autre chose que du boy’s love, vous a-t-il apporté quelque chose pour votre travail actuel ?
Au début, je m’intéressais surtout au shojo et à la fantasy. Il y a alors une influence de ces genres sur mon travail. Notamment pour le shojo, par rapport aux dessins. Aujourd’hui, je continue encore à lire du shojo, car c’est ennuyeux de se cantonner à un seul genre, pour l’inspiration.


Le boy’s love est pour vous professionnel. Vous a-t-on imposé ce genre ?
Pour l’instant, je ne travaille que sur du boy’s love, mais c’est quelque chose qui est complètement intégré dans ma vie, dans mes loisirs, puisque je lis du boy’s love et que je le dessine pour le plaisir. Donc ça n’est pas une contrainte.
   

Vous aimez le shojo. En écrivant du boy’s love, vous inspirez-vous du shojo traditionnel pour commencer une nouvelle histoire ?
Je réfléchis dès le début à une relation homosexuelle. Il y a tout de même des rapprochements avec le shojo, dans le sens où c’est une histoire sentimentale, et les dessins sont proches. Mais pour moi, il est primordial de commencer par une histoire homosexuelle. Ce qui m’intéresse, ce sont les particularités qui font le boy’s love, et non un couple classique.


Pour écrire du boy’s love, comment vous y prenez-vous ? Est-ce que vous essayez de calquer vos histoires, les relations des personnages, sur des réelles ?
Je ne suis jamais allée me renseigner sur la chose, car je pense que le boy’s love n’a rien à voir avec une relation homosexuelle réelle. C’est de la fantaisie, une vision qu’ont les filles sur les relations sentimentales entre les garçons. Je pense que le boy’s love est très très loin de la vraie relation homosexuelle ! Et peut-être qu’avec le développement du boy’s love, certains couples homosexuels ressemblent à cela, mais c’est tellement marginal que se renseigner sur la chose n’a pas vraiment d’influence sur l’œuvre.


Selon vous, pourquoi le boy’s love attire-t-il plutôt un public féminin que masculin ?
J’ai l’impression que la raison principale est qu’il n’y ait pas d’implication d’un personnage féminin. La lectrice peut alors « tomber amoureuse » du personnage principal, mais ne peut pas être jalouse de son partenaire. Il n’y a pas cet effet douche froide du retour à la réalité qu’ont les shojos. C’est pour cette raison que l’on peut se détacher, et profiter vraiment de l’histoire en tant que fantaisie.


Y a-t-il des shojos en particulier qui vous ont marqués, et qui vous inspirent pour vos boy’s love ?
Beaucoup de shojo m’ont énormément marqués. Mais la lecture que je retiens le plus n'est pas un shojo, c'est Ashita no Joe. Cette œuvre a changé ma vie. Elle a été le déclencheur, c’est grâce à elle que j’ai repris le dessin manga, en faisant des parodies de la série. C’est ça qui a fait que je suis devenue mangaka. Pour moi, c’est le manga qui est le plus important de tous.

 
 
 
En l’espace de 15 ans, quelle évolution voyez-vous quant au public du boy’s love ?
(Hinako, et son éditrice)
Avant, il y avait très peu de boy’s love, très peu de lecteurs, très peu d’œuvres. Ce qui fait que quand on était un lecteur de boy’s love, on achetait tout. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de lecteurs, d’auteurs, d’éditeurs, alors la lectrice de boy’s love ne lit pas tout. Elle choisit ce qui correspond le plus à ses goûts. Il y a bien sûr le nombre de publications qui a beaucoup augmenté, mais on remarque aussi une évolution au niveau de l’âge du public. La tranche d’âge s’est élargie. Avant, les lectrices étaient lycéennes, et aujourd’hui elles ont grandi et lisent toujours.
Les lectrices de boy’s love sont des personnes particulières, puisqu’elles y portent un intérêt. Les personnes qui ne s’y intéressent pas n’ont aucune raison de croiser le boy’s love dans leur parcours. D’ailleurs, beaucoup de japonais ne connaissent même pas l’existence de ce marché !


En général, au Japon, quelle vision a-t-on de l’homosexualité, en dehors des lecteurs de boy’s love bien entendu !
Autrefois, avant la période d’Edo, l’homosexualité existait, et était acceptée. Dans le code du Bushido, on disait « aimer ce qui est beau ». Dans cette culture, la question de l’homosexualité ne se posait pas. Elle s’est posée récemment, après l’ère Meiji. C’est peut-être lié au christianisme, je ne sais pas. Mais aujourd’hui, des personnes trouvent cela tout à fait naturel, et d’autres pour qui ce genre de relation est tabou. C’est la manière dont ces personnes ont été élevées, leur culture personnelle, qui fait que c’est un tabou ou non. Mais le Japon n’est pas particulièrement opposé à l’homosexualité. Ca n’est pas montré comme une déviance.


Sô Ichi est un personnage qui se montre haineux envers l’homosexualité au départ. Tono, lui, est totalement inexpressif. Pourquoi avoir choisi des personnages aussi extrêmes ?   
Tous les deux ont une histoire complètement différente. A l’origine, Sô Ichi est un personnage secondaire dans une autre série. Son rôle était d’empêcher le couple principal de se former. C’est pour cette raison qu’il a été construit en tant que personnage homophobe, violent, agressif. Par la suite, il s’est développé en tant que personnage à part entière. J’ai voulu, ici, raconter l’histoire de Sô Ichi.
Tono est né de façon tout à fait différente. Au début, je voulais raconter une histoire d’amour triste. Ce qui est difficile dans les relations amoureuses est la communication, le fait de ne pas réussir à dire ce qui nous arrive. C’est comme ça que m’est apparu le personnage de Tono : il n’arrive pas à s’exprimer, et à montrer ses sentiments sur son visage. A l’origine, c’est comme ça qu’il a été conçu.

 


De manière générale, qu’utilisez-vous pour dessiner ?
Je fais d’abord un brouillon au critérium, puis je prends le pinceau. Je n’utilise absolument pas l’ordinateur. J’ai deux assistants à temps plein, et deux autres travaillent de temps en temps avec moi. Nous travaillons à quatre au maximum.
 
 
Remerciements à Hinako Takanaga et aux éditions Asuka et Kazé Manga!