TAKAI Hiroshi - Actualité manga

Interview de l'auteur

Publiée le Mardi, 25 Novembre 2008

Accueillis comme des rois chez Koch Media, nous avons réussi à nous entretenir avec Hiroshi Takai et Yusuke Naora, respectivement réalisateur et directeur artistique de The Last Remnant, qui nous était ici présenté dans sa version Xbox 360 :

Manga-news : Bonjour, pouvez-vous vous présenter et détailler rapidement votre parcours à chacun ?

Hiroshi Takai : Bonjour, je suis M. Takai de la société Square-Enix, j’ai dirigé le développement de The Last Remnant. Bonjour et merci d’être là.

Yusuke Naora : Bonjour, je suis M. Naora de la société Square-Enix. Depuis une dizaine d’années maintenant avec Final Fantasy VII et c’est seulement maintenant, avec The Last Remnant, que je viens en France, donc je suis désolé d’arriver aussi tard. Merci.

Est-ce que la saga Final Fantasy et The Last Remnant ont un lien entre elles ou est-ce deux séries complètement différentes ?

HT & YN : La principale différence avec Final Fantasy, c’est bien entendu le système de combat. Dans un FF, vous dirigez à chaque fois 3 à 4 personnages, alors qu’ici vous allez en diriger plusieurs dizaines. Sachant qu’à chaque fois, les personnages que vous avez sont regroupés en différentes factions. Même si c’est du combat au tour par tour, il s’agit de diriger, donner des ordres et de voir tous ces personnages attaquer en même temps pour donner un côté épique et spectaculaire.

D’où vient l’inspiration d’un tel système de jeu au niveau de la dynamique dans l’ensemble ?

HT : Pour la création du jeu, en général, je dirai que je me suis inspiré d’une part par les jeux qui m’ont plu lorsque j’étais plus jeune. Par contre, je ne peux pas vous dire quel jeu m’a particulièrement influencé pour une partie précise du système de combat. C’est quelque chose que j’avais envie d’essayer depuis longtemps, mais je ne peux pas donner d’éléments précis qui m’ont inspiré particulièrement.

Quels sont ces jeux de référence ?

HT : C’est un vieux jeu de rôles japonais sur PC, donc cela m’étonnerait que vous le connaissiez. Il s’appelle Sorcerian et qui a plus de 20 ans… Mais dernièrement, dans les jeux qui m’ont plu, il y a Persona 4.

Travailler sur une nouvelle franchise à la sortie mondiale simultanée a dû mettre une pression assez conséquente sur l’équipe de développement du jeu, je pense ?

HT & YN : (rires) Je pense que nous avons eu beaucoup plus de pression et de difficultés que vous ne pouvez l’imaginer !

Surtout que vous avez utilisé pour la première fois le moteur Unreal Engine 3 sur un RPG, est-ce que son utilisation a été difficile ?

HT & YN : C’est vrai que c’est la première fois qu’on l’utilise et c’est aussi la première fois que l’on fait un jeu sur cette génération de machine. Tout n’était que première expérience sur ce jeu, donc je ne pourrais pas vous dire que c’était plus dur ou moins dur qu’une autre production, c’était dur tout court. Tout était nouveau, il fallait tout apprendre de zéro, même avec un moteur comme le Unreal Engine 3.

Justement, comme le jeu sort en priorité sur Xbox 360, il y a pas mal de ralentissements et de chargements. Est-ce que ces points pourraient être améliorés sur les versions PC et PS3 à venir ?

HT : Tout dépendra du PC que vous utiliserez. Si votre machine est puissante, tout ira bien mieux que sur Xbox, notamment sur les temps de chargement. Nous ne pouvons pas encore parler de la version PS3, car elle n’est pas terminée, mais je pense que la PS3 n’est pas plus puissante que la Xbox. Notre but est d’exploiter chaque plate-forme à leur meilleur, donc chacune d’entre elles aura des défauts inhérents à ses capacités.

J’imagine que comme tout développeur, vous n’êtes pas satisfaits de votre jeu. Qu’est-ce que globalement, vous auriez aimé pouvoir bien améliorer ?

HT : Par le passé, tous les jeux sur lesquels nous avons travaillé ne nous ont jamais satisfaits pleinement. Si l’on avait eu plus de temps à chaque fois, on aurait amélioré des choses, mais le problème est celui du planning. On ne peut pas se permettre de rajouter ce que l’on veut lorsqu’on n’a pas le temps de pouvoir le faire.

YN : Ce n’est pas quelque chose de défaitiste, bien au contraire. Cela nous permet d’évoluer. Par exemple avec Final Fantasy VII sur PlayStation, on ne pouvait utiliser que des textures pour les yeux des personnages alors que le reste était complètement vide. Quand on a travaillé sur Final Fantasy VIII, nous avons fait un bond en avant graphique avec la façon de texturer complètement un personnage. Donc ce qu’il n’est pas possible d’être fait dans un jeu sera fait dans le suivant, car nous continuons d’expérimenter.

HT : Dans la création de jeux vidéo, tant qu’on n’essaye pas, on ne peut pas savoir si cela fonctionne ou pas. Ainsi, nous sommes dans l’expérimentation continue et nous allons toujours de l’avant.

En effet, si l’on regarde le premier jeu de Squaresoft sur PlayStation, Tobal No.1, il n’y avait aucune texture. Un peu comme Virtua Fighter sur 32X, mais en un peu plus joli quand même, c’est vrai que c’est une bonne évolution.

YN : Tout à fait. Et je me dis que par rapport au temps que l’on a eu pour travailler sur une nouvelle machine, je suis plutôt satisfait du résultat de The Last Remnant.

Et est-ce qu’il y a un point en particulier que vous auriez vraiment aimé améliorer en particulier ?


HT : Les temps de chargement ! (rires)

YN : Si j’avais eu plus de temps, j’avais encore pas mal d’idées pour améliorer l’univers et l’environnement du jeu. On aurait continué à brainstormer pour rajouter des petites choses originales.

A l’inverse, est-ce qu’il y a des points dont vous êtes particulièrement fiers ?

HT : Pour moi, je suis particulièrement fier du fait que le développement du jeu avait commencé comme un RPG complètement orthodoxe, très simple. Nous sommes parvenus à partir de ça à créer un jeu au système de combat complètement différent de ce qu’il existait jusqu’à présent. Sans trahir le système de jeu auquel nous nous étions attachés, nous sommes parvenus à faire quelque chose de vraiment original et qui n’a véritablement jamais été joué jusqu’à présent.

YN : Pour moi, c’est d’avoir pu utiliser la puissance de la Xbox pour pouvoir représenter un style de bataille épique qu’il n’avait jamais été possible de faire jusqu’à présent. J’en suis très content. Et en second, je suis fier d’avoir réussi à créer ce nouvel univers qui réussit à mêler à la fois une heroic-fantasy très médiévale, très classique finalement pour un RPG, et d’avoir pu y rajouter ces choses étranges venues d’ailleurs qu’on appelle Remnants. L’alchimie des deux univers qui se croisent comme ça et qui fonctionnent très bien, ça me rend très fier.

Une question pour M. Takai : Vous êtes surtout connu pour votre travail sur la série des Romancing SaGa et The Bouncer, que vous avez codirigé. The Last Remnant est le premier jeu que vous dirigez, quelles ont été vos impressions ?

HT : Mon opinion va être un peu franche, mais c’est la première fois que je dirige un jeu et c’est extrêmement difficile. Plus que plaisant, c’est vraiment ardu je dirai. Vous savez, la seule différence qu’il y a eu par rapport à mes travaux sur Romancing SaGa, c’est que moi, ce qui me plaît, c’est les batailles. Avant, je ne m’occupais que de ça, et sur The Last Remnant, je n’ai pas pu me concentrer uniquement sur ce point-là et je devais m’occuper de tous les autres aspects du jeu. C’était donc extrêmement difficile par rapport à ce que j’ai l’habitude de faire.

Monsieur Naora, en plus de la série SaGa, vous avez participé à la compilation de Final Fantasy VII ainsi que le méconnu Song Summoner sur iPod, où vous avez été character designer. Qu’est ce que la nouvelle génération de consoles vous a permis de faire par rapport à vos anciens travaux ?


YN : Vous êtes très renseigné (rires) ! Je dirai que l’intérêt, pour nous, de travailler sur ces machines plus puissantes, c’est de représenter les émotions de manière beaucoup plus puissante, et ce, en temps réel. Jusqu’à présent, dans Final Fantasy, lorsqu’on voulait montrer quelque chose d’important, de spectaculaire, on était obligés d’avoir recours aux images de synthèse. Aujourd’hui, tout est possible en temps réel, c’est beaucoup plus simple en termes de transition visuelle, mais aussi de dramatique, car il y aura beaucoup moins de cassures entre les différents éléments du jeu. Pour moi, cette fluidité de narration est très importante. De la même manière, on va pouvoir bien mieux représenter les personnages, plus de détails, mais c’est avant tout la manière de raconter les histoires qui va changer grâce à cette puissance. Un RPG, c’est beaucoup de choses qui sont séparées entre elles, et là on aura vraiment tous les éléments englobés dans une seule et même présentation.

HT : Ce qui a changé également, c’est que M. Naora s’occupait de toute la partie graphique. Donc, en premier lieu, il s’occupait des décors à la main, en 2D, avant de les transmettre à l’équipe graphique pour les modéliser. Ce qui était drôle, c’est que là, pour une fois, la machine était tellement puissante qu’en 3D, on rendait les choses tellement bien que M. Naora a été obligé de rajouter des détails par rapport à ce qu’il avait fait, car le moteur graphique permettait d’en rajouter encore.

Lorsque vous créez un jeu, par où commencez-vous ?

HT : Personnellement, je commence toujours par penser le développement comme un système de jeu. On doit d’abord s’amuser avec un jeu vidéo. La mécanique doit marcher avec le joueur, le scénario vient après. On ne part pas d’un message pour créer ensuite un jeu vidéo. Lorsque tout cela est mis au point et que l’on commence à voir la forme générale du jeu, on y colle le scénario et en fonction de ce dernier, on peut enlever des parties que l’on avait mises en place. Exemple avec les moments où l’on peut faire voler les personnages, si ça ne colle pas avec l’esprit du jeu.

YN : Bien entendu, si l’on parle basiquement du développement, la réalité est tout autre sinon ça deviendrait véritablement trop artificiel. Ce qui fait qu’un jeu a de la personnalité et qu’il est amusant, c’est l’équipe derrière ce jeu. Chaque membre apporte ses idées et le jeu se construit autour de toutes ces petites pierres. C’est comme ça que se crée l’alchimie.

Est-ce que vous avez pensé aux joueuses de la Xbox 360 lors du développement de The Last Remnant ?


HT & YN : Nous ne savions pas qu’il y avait autant de joueuses sur Xbox, nous n’imaginions pas que la moitié des joueurs seraient des joueuses. Non seulement nous n’y pensions pas, mais maintenant que vous nous dites cela, il va falloir que nous nous y mettions. Nous n’avions pas regardé les recherches marketing ! (rires) cependant, d’un point de vue design visuel, lorsque l’on est arrivés à prendre une direction artistique, on a eu la réflexion de se dire que le jeu pourrait également être séduisant pour les femmes. Vous ne pouvez pas vous en rendre compte si vous n’avez pas encore joué au jeu, mais dans The Last Remnant nous avons créé beaucoup de personnages féminins qui sont des personnages très importants dans l’histoire et qui sont tous très différents donc je pense qu’il y a possibilité de s’identifier pour une joueuse.

HT : Je voudrais vous poser une question : quand vous jouez à un RPG, et que vous êtes une fille, est-ce que vous préférez que le héros soit une héroïne ?

J’aime bien avoir le choix, mais ce qui m’importe le plus c’est que comme dans un bon livre, l’histoire me transporte.

HT : Je vous remercie pour cette information précieuse, je vais y penser pour mon prochain jeu.

Une dernière question. Je sais que M. Naora va travailler sur Final Fantasy Agito XIII ainsi que Lord of Vermilion, mais j’ignore sur quoi M. Takai compte travailler par la suite ?

HT : Je suis encore sur The Last Remnant et les autres versions qui vont arriver derrière. Cependant, je pense que le temps est venu pour moi de commencer à travailler sur un nouveau jeu, un nouveau concept. Je pense m’y mettre dans l’avion au retour du Japon (rires) !