TAKADA Katsura - Actualité manga

TAKADA Katsura 高田桂

Interview de l'auteur

C'est à l'occasion de la sortie de Japon 1 an après que nous avons pu rencontrer le dessinateur Katsura Takada, lors d'une interview dont nous vous proposons aujourd'hui le compte-rendu.


Bonjour et merci pour cet entretien ! Pour commencer, parlons un peu de votre parcours : comment êtes-vous devenu mangaka ?
Katsura Takada: J'ai commencé à vouloir devenir auteur de manga alors que j'étais à l'université, dans le Kansai. Je poursuivais des études d'économie, ce qui n'avait pas grand chose à voir ! (rires) Après l'obtention de mon diplôme, j'ai déménagé pour Tokyo et j'ai travaillé en tant qu'assistant pour Tokihiko Ishiki, dont le plus grand succès est La Submersion du Japon, l'adaptation d'un roman des années 70 qui présente un Japon secoué par un puissant tremblement de terre, dans une ambiance de fin du monde. A l'époque, je m'occupais des décors, des objets et des figurants, ainsi que leurs tramages. J'ai travaillé ainsi pendant cinq ans, avant de m'attaquer à mes propres histoires.
A partir de 2009, j'ai commencé à recevoir quelques offres venant d'éditeurs, et je suis devenu un mangaka indépendant à partir de 2009.
  

 
 
   
Quels ont été les auteurs qui vous influencé, vous ont donné envie de faire ce métier ?
Lorsque j'étais enfant, j'étais passionné par Captain Tsubasa, puis je devins fan de Kinnikuman (Muscle Man)  pendant mon adolescence. Sans oublier, bien sûr, Dragon Ball ! Par la suite, je me suis mis à la lecture de seinen, en particulier venant d'auteurs féminins. Ma mangaka préférée reste Takako Shimura.
  
   
   
    
Quel manga auriez-vous voulu écrire vous-même ?
Je ne sais pas... je préfère créer mes propres histoires, même s'il m'arrive assez souvent d'imaginer d'autres alternatives lors de mes lectures.
  
En France, nous vous avons découvert grâce à la série Terminus, qui fut publiée dans le magazine Akiba Manga en 2011. Comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?
J'ai été contacté par David Guélou, l'instigateur du projet, et nous avons commencé à discuter par mail. Mais nous utilisions des logiciels de traduction automatique, et ce n'était pas toujours évident pour se comprendre ! (rires) Pendant quelques temps, je n'ai plus eu de nouvelles et j'ai cru que le projet était terminé. Un an plus tard, j'ai recontacté moi-même les différents auteurs français, et j'ai alors reçu l'ébauche de scénario de Luna Tik.
J'ai également rencontré David Guélou à la même période, alors qu'il était en voyage au Japon.
J'en ai alors profité pour savoir quel serait mon rôle, et si je pouvais apporter mon avis sur le scénario, en pouvant le remanier, ce qui m'a été accordé. Ce dernier point a fini de me convaincre de prendre part à cette série.
   
   
   
En quelle mesure avez-vous modifié le scénario de Terminus ?
Au départ, le premier chapitre de l'histoire se lisait plutôt comme un roman, et je ne me retrouvais pas dans l'agencement narratif qui m'était proposé. J'ai donc surtout changé le découpage des cases pour apporter du dynamisme. Peu à peu, Luna Tik s'est aussi adaptée à mon style et je n'ai plus eu de grandes modifications à faire. Nous étions constamment en contact par mail ou par vidéoconférence.
   
Cette année-là, vous êtes également venu à Japan Expo Centre. Etait-ce votre première visite en France ? Quel souvenir gardez-vous de la rencontre avec le public français ?
Oui, c'était mon premier voyage en France, ce qui m'a permis de découvrir que le public français est bien plus ouvert que le japonais. Nous sommes plus réservés, en retrait... On m'a posé plein de question, certains voulaient même devenir mes assistants ! (rires) En tous cas, j'en garde un très bon souvenir, et j'ai été très surpris par leur enthousiasme.
  
Vous avez également donné des cours de dessins à la Maison du Japon. Comment s'est déroulé cette activité ?
Je n'avais jamais rencontre autant de profils aussi "différents" au même endroit, mais ils étaient tous réunis par leur passion et par leur sérieux. Certains étaient de vrais dessinateurs confirmés, mais n'avaient aucune expérience du manga. Cette initiative m'a permis de transmettre mon savoir, mais m'a aussi permis de découvrir certaines choses ! Nous avons ainsi vu comment dessiner les visages, les expressions, les corps en mouvement,... nous devions faire les décors, mais le temps nous a manqué. Enfin, les élèves devaient réaliser une petite histoire en fin de stage, mais tous n'ont pas pu terminer à temps ! (rires)
 
Justement, en France nous avons de bons dessinateurs, mais peu savent ensuite passer à la bande-dessinée en créant un scénario. Etiez-vous vous-mêmes dans ce cas de figure à vos débuts ?
J'ai appris les techniques de dessin lorsque j'étais assistant, mais il est vrai que je n'ai établi de scénarios solides qu'après ma rencontre avec les éditeurs. J'ai été en collaboration avec plusieurs responsables éditoriaux, qui peuvent se montrer très sévères du fait de leur grande expérience.
  
Parlons à présent de votre participation sur le recueil Japon, Un an après. Comment avez-vous les évènements du 11 mars 2011 ?
Justement, l'histoire que j'ai réalisé dans le recueil raconte ce que j'ai véritablement vécu. J'étais en plein milieu d'un rendez-vous d'affaires lorsque le sol a commencé à trembler. J'ai essayé de prendre rapidement contact avec mes proches, mais les communications et les transports ont été bloqués immédiatement.
 
  
     
Quels ont été vos premiers réflexes ? Appeler votre famille ?
Mes parents habitent dans la région de Kyoto, aussi j'ai cherché à les appeler rapidement pour pouvoir les rassurer. Pour le reste... je suis encore célibataire, donc personne ne m'attendait à la maison ! (rires)
   
Avez-vous tout de suite senti que ce séisme-là était plus grave que les précédents ?
Non, au début j'ai cru qu'il s'agissait d'un tremblement de terre habituel, jusqu'à ce que sa durée commence à m'inquiéter. Ce furent des minutes très longues au final...
Nous avons ensuite compris que la situation était grave. Ma connexion internet marchait encore, je suis ainsi allé chercher des informations, pour savoir notamment où se situait l'épicentre.
 
Qu'avez-vous pensé de la réaction du gouvernement japonais, après le drame ?
J'ai trouvé que la réaction manquait de rapidité, au vu de l'ampleur de la catastrophe. Cependant, le pays n'a jamais vu une telle catastrophe se produire, sur une région aussi large, aussi je peux comprendre qu'ils aient pu être dépassés par le phénomène.
 
On doit sans doute se sentir impuissant devant de tels évènements. Y a t-il des actions que vous regrettez de ne pas avoir fait sur l'instant ?
Je regrette de ne pas m'être rendu au cœur de la région la plus touchée, pour venir en aide aux autres victimes. Le temps me manquait, et les nombreuses répliques ne m'ont jamais incité à y aller. Avec ma participation dans ce recueil, j'espère pouvoir me racheter un peu, et apporter mon témoignage.

A la fin de votre histoire, vous dites "Il n'est pas sur que le Japon s'en relèvera". Un an après, avez-vous toujours le même point de vue ?
Je ne sais pas, surtout lorsqu'on pense à la centrale nucléaire de Fukushima. Le gouvernement ne dit pas tout, ce qui fait que le doute persiste encore. Il faudra 20 ou 30 années pour que, peut-être, le pays ait pu panser ses blessures, vu la gravité de la situation.
En 1995, j'habitais encore à Kyoto, et j'ai ressenti les effets du tremblement de terre de Kobe. Mais si avec ce dernier, nous avons réussi à tout reconstruire depuis, à l'heure actuelle nous luttons contre un phénomène invisible : les retombées de Fukushima, dont on ne peut soupçonner toutes les conséquences.

Comment avez-vous été appelé à participer à cet ouvrage ?
Après l'expérience d'Akiba Manga, j'ai une nouvelle fois été contacté par David Guélou, qui m'a présenté à Raphael Pennes (directeur éditorial de Kazé Manga).
   
L'idée de cette histoire vous est-elle venue instantanément ?
Au début, on m'a proposé de travailler sur un scénario réalisé par un auteur français. Mais j'ai préféré le réaliser moi-même, en racontant ma propre expérience de la catastrophe : celle d'un mangaka qui a marché pendant 15km au milieu du chaos.
  
 
     
Avez-vous eu le temps de lire les autres œuvres du recueil ? Quelle a été votre récit préféré ? Hormis le vôtre, bien entendu !
Oui, je trouve qu'il y a une grande variété, tant dans les histoires que dans le graphisme. J'ai en particulier aimé l'histoire de la reconstruction de l'aéroport, écrite par Tetsuya Nakabaishi. Je m'étais justement rendu à l'aéroport de Sendai lors d'un évènement caritatif, et j'ai trouvé que cet essai était très réaliste et émouvant.
  
Selon vous, le séisme est-il devenu un sujet délicat, ou faut-il continuer d'en parler ?
C'était très difficile au début, mais avec le recul, on arrive à y repenser sans être submergé par l'émotion. Si d'autres occasions se présentes, je serais ravi de réécrire des mangas autour de cet évènement.
Après le séisme, j'avais déjà réalisé différentes illustrations pour apporter un message de soutien aux victimes et à mes lecteurs. Certaines ont également été publiées dans l'artbook Magnitude 9.0 réalisé par Café Salé.
   
Pour finir, avez-vous d'autres projets en tête ou à venir prochainement ?
Actuellement, je réalise une série publiée en ligne chez Dengeki Comics, Mixed Juice, qui sortira en volumes reliés d'ici quelques chapitres. Il s'agit d'une histoire d'amour entre une professeur d'Arts Plastiques, sortant avec un autre enseignant déjà marié. Mon œuvre précédente était également une romance, c'est un peu mon sujet de prédilection. Et je me demande si le public français apprécierait cette œuvre !
 
 
Remerciements à l'auteur et aux éditions Kazé Manga.