Sanoe - Actualité manga

Interview de l'auteur

Publiée le Lundi, 17 Avril 2017

Il y a quelques mois, la collection Soleil Flottant des éditions nobi nobi ! accueillait une nouvelle adaptation de conte japonais : Issunbôshi – Le petit samouraï. Si nous y retrouvions au scénario Alice Brière-Haquet (Yôsei), nous y découvrions également l’illustratrice française Sanoe. Présente à la dernière édition du salon Livre Paris, cette dernière accepta de nous rencontrer pour répondre à nos questions. Nous avons pu découvrir une artiste humble et passionnante, qui pour l’occasion donnait ses toutes premières interviews. Voici le compte-rendu de notre rencontre placée sous le signe d’Issunbôshi !



Sanoe, merci d’avoir accepté cette rencontre ! On sait que tu aimes dessiner depuis le lycée, que tu as étudié le droit avant de laisser tomber et de te réorienter vers l’animation multimédia. Comment se sont faits ces différents choix ?

Sanoe : Pour le droit, c’était juste un mauvais choix d’orientation, comme il peut en exister si souvent. A la base cela faisait longtemps que je voulais faire quelque chose ayant rapport avec le dessin, mais on va dire qu’au lycée la conseillère m’orientait vers une fac d’arts plastiques. Seulement, moi ce n’étaient pas les arts plastiques qui m’intéressaient. Le commerce m’intéressait également, mais je ne savais pas quoi exactement. Du coup, étant un peu perdue, j’ai poursuivi mes études un peu dans le flou en me disant que tant pis, le dessin ce sera juste de la passion. Mais finalement, non ! (rires)

En fac de droit, je passais surtout mon temps à dessiner, et puis il y a aussi eu des choses dans ma vie personnelle qui ont fait que j’ai décidé de faire quelque chose qui me plaisait réellement, plutôt que de vivre d’un métier ne me rendant pas heureuse.


Du coup, qu’est-ce que la formation en animation multimédia t’a appris sur le plan artistique ?

Je suis allée à l’école ECV à Bordeaux, qui a une grosse formation en dessin classique. Du dessin de nu, de l’académique, de la formation à la couleur… On ne touchait pas à l’ordinateur.  Tout cela m’a vraiment donné envie et passionné, même si côté débouchés je peinais un peu à voir le bout. Je ne me voyais pas graphiste par exemple. J‘ai quand même continué d’étudier la 3D même si je pense que je n’y étais pas douée du tout, car certains cours étaient très formateurs, par exemple pour bien apprendre les perspectives. Je pense également que cette école m’a beaucoup appris pour gérer un travail en freelance avec un client : respecter les horaires, veiller aux deadlines parfois très courtes, gérer la pression…



Tu as donc travaillé en tant que graphiste freelance, puis depuis peu tu as décidé de te lancer dans l’illustration et la bande dessinée…

Avant j’avais déjà fait quelques tests dans la BD mais ça n’avait pas été concluant, du coup je m’étais rabattue sur des boulots alimentaires pour pouvoir vivre. J’ai travaillé dans des boîtes de comm’ pour des missions où il fallait faire des schémas en entreprise. Par la suite j’ai pu aider des amis sur des albums, notamment pour la colorisation, ça m’a remis dans le bain et j’ai décidé de retenter ma chance dans la BD et l’illustration en faisant des démarches.


Comment es-tu arrivée sur le projet d’album Issunbôshi ? Comment est née et s’est déroulée la collaboration avec les éditions nobi nobi ! et la scénariste Alice Brière-Haquet ?

Quand j’ai démarché, je suis allée au salon du livre jeunesse de Montreuil, et j’ai montré mon travail à plusieurs éditeurs. Je suis notamment allée voir nobi nobi !, parce que cette maison d’édition m’intéressait beaucoup, et on a pris contact. Il y a deux ans j’ai envoyé un dossier  avec une histoire, nobi nobi ! m’a répondu que l’histoire n’entrait pas forcément dans ce qu’ils font, mais que par contre ils avaient Issunbôshi à me proposer.  A ce moment-là Alice Brière-Haquet avait déjà retravaillé et écrit sa version du conte, donc je n’ai pas vraiment eu de contact avec elle. Je travaillais donc surtout avec Pierre-Alain Dufour et Olivier Pacciani, les fondateurs de nobi nobi !.



Est-ce que Pierre-Alain Dufour et Olivier Pacciani te donnaient des consignes ?

Tout à fait. On a vraiment travaillé de façon rapprochée, parce qu’un album jeunesse, au vu de son public, ça se réfléchit beaucoup. Il y a des choses qu’on ne peut pas faire. Par exemple, au départ j’avais dessiné une planche où il y avait des boyaux, on m’a dit tout de suite qu’il fallait éviter (rires). L’univers des albums jeunesse est vraiment un univers où il faut faire attention à tout, quand on y débarque sans beaucoup d’expérience comme moi ça demande de la rigueur et c’est très intéressant !


Du coup, ça t’intéresserait de réitérer l’expérience sur un autre album jeunesse ?

Tout à fait. J’ai déjà un autre projet d’album jeunesse qui est en cours, qui est complètement différent et qui se fera chez l’éditeur Lumignon. Et j’ai aussi une bande dessinée qui devrait sortir en septembre chez Soleil.


Connaissais-tu le conte d’Issunbôshi avant de l’illustrer ?

Oui. J’aime bien les contes, notamment les japonais.


Qu’as-tu pensé de la version écrite par Alice Brière-Haquet la première fois que tu l’as découverte ?

Je l’ai trouvée très bien, surtout parce qu’elle a une écriture qui passe super bien à l’oral autant qu’à l’écrit.



Que préfères-tu dans le conte d’Issunbôshi de manière générale?

Les différents thèmes sont forts. J’ai d’abord été touchée par ces gens qui ne peuvent pas avoir d’enfant, ça a eu un fort écho en moi vis-à-vis de certaines personnes de mon entourage. Et aussi cette leçon disant que même si on est différent on peut faire de grandes choses. C’est très bénéfique.


Sur le plan visuel, quelles sont tes influences ?

J’ai été une grosse lectrice de manga. J’ai ensuite lâché pendant six ans parce que je ne trouvais rien qui me correspondait dans la façon de traiter les histoires et dans les thématiques, et aussi parce que je me suis plus intéressée à la bande dessinée. Et là, finalement je commence à revenir dans le manga.
Comme pour beaucoup, je pense que Hayao Miyazaki a été une grosse influence. Ensuite, j’adore Gustave Doré.


De par le format horizontal de l’album Issunbôshi et le fait que tu fasses des illustrations en double-page, on a des visuels tout en longueur.

En terme d’objet, dans le milieu des albums jeunesse, on trouve une infinité de formes. Personnellement, je trouve que ce format-là amène de la profondeur visuelle. On peut jouer là-dessus et je trouve ça super intéressant.


Est-ce que concevoir des illustrations dans ce format représentait un challenge ?

Tout était un challenge, mais c’était surtout amusant !



Dans Issunbôshi, la différence de taille des personnages est vraiment bien représentée. Est-ce que cela t’a demandé un travail particulier, par exemple pour bien retranscrire les perspectives  entre les personnages, ou pour soigner les décors qui pour nous paraissent petits mais qui pour Issunbôshi sont grands ?

Ce n’était pas un gros challenge, mais c’était intéressant car il fallait réfléchir aux angles de vue les plus adéquats pour montrer qu’il est petit. Tout l’album devait être pensé sur l’idée de sa petitesse, et donc du reste qui devait paraître géant, comme les mains ou les plantes. Je pense que c’était le côté le plus sympa de ce travail.


Du coup, qu’est-ce qui était le plus complexe à réaliser ?

Sans aucun doute la technique que j’ai choisie (rires). J’ai décidé de me lancer dans l’aquarelle sur du grand format, ce que je n’avais jamais fait auparavant ! J’avoue que ça a été un peu difficile pour moi et que j’ai mis beaucoup plus de temps que ce que je pensais. Ensuite, j’ai dû beaucoup retravailler le rendu derrière. La prochaine fois je ne referai peut-être pas ça (rires).


Ca a dû être d’autant plus dur que l’album est très riche au niveau des couleurs…

Au départ les aquarelles étaient plus dans des tons pastel, les originaux sont ainsi, et par la suite on a retravaillé la densité et les contrastes.



Es-tu toi-même amatrice de culture japonaise et de contes nippons ?

J’aime beaucoup mais je n’ai pas vraiment de références. Je suis tombée dans les contes japonais quand je faisais des recherches sur les yôkai pour des projets amateurs. Mais je ne suis pas limitée aux contes japonais, par exemple quand j’étais petite j’avais un livre de contes indiens, et dernièrement j’ai fait des recherches sur les contes russes. Le conte est une façon de raconter formidable, ainsi qu’un élément culturel passionnant, mais aussi parfois un point de repère historique qui peut nous transmettre pas mal de choses.


Donc tu es également fan de yôkai ?

Oui ! Dans le registre je n’ai pas vraiment de préférence, hormis peut-être les kappas que je trouve mignons. Un peu flippants, mais mignons (rires). Je trouve cet univers passionnant pour tout ce qu’il peut nous dire sur la culture japonaise, et pour la façon spécifique dont les Japonais les présentent.


Un grand merci à Sanoe, ainsi qu’à nobi nobi ! et à Pika pour la mise en place de cette rencontre ! Interview réalisée par Koiwai.

Mise en ligne le 17/04/2017.