Etorôji SHIONO - Actualité manga

Etorôji SHIONO 塩野干支郎次

Interview de l'auteur

A l'occasion de sa venue en France fin octobre, nous avons eu le plaisir de rencontrer Etorouji Shiono, l'auteur d'Übel Blatt. Voici le compte-rendu de notre entretien.
 


Manga-news: Etorouji Shiono, merci d'avoir accepté de nous recevoir pour répondre à nos questions.  Comment êtes-vous devenu mangaka?
Etorouji Shiono: A l'âge de 19 ans j'ai quitté ma région natale pour monter à Tokyo, et j'ai intégré une école d'animateur dans le domaine du dessin animé. Mais j'ai quitté cette école au bout de 6 mois et ai vivoté pendant 2 ans en faisant des petits boulots, notamment en distribuant des quotidiens chez les particuliers. Ensuite, j'ai réussi à être embauché chez un éditeur de jeux vidéo en tant que graphiste, et j'y ai travaillé pendant 4 ans. Pendant cette période, j'ai commencé à dessiner des mangas, et j'ai été repéré. C'est ainsi que j'ai pu commencer à vivre de ma passion à plein temps.


Dans votre enfance, quels sont les mangas qui vous ont marqué?
Je dirais Doraemon, car mes deux idoles étaient Fujiko F. Fujio, les deux auteurs de ce manga.
 
 
DORAEMON by FUJIKO •F• FUJIO © 1974 by FUJIKO •F• FUJIO PRODUCTION / Shogakukan Inc.
 
 
Et à l'heure actuelle, y-a-t-il des titres qui vous plaisent particulièrement?
Ma maison d'édition m'envoie régulièrement les magazines de prépublication, donc je les lis systématiquement, et je prends plaisir à y lire les titres plutôt légers et comiques.


Dans la préface du volume 0 d'Übel Blatt, vous avez écrit que les éditeurs demandent souvent aux auteurs d'éviter les titres de fantasy. Comment avez-vous réagi quand Square Enix vous a justement demandé de créer une série de ce genre?
J'ai toujours aimé la fantasy, donc ça m'a évidemment fait plaisir, mais d'un autre côté, quand Square Enix m'a passé cette commande, j'étais encore un mangaka débutant, étais complètement désargenté, et on m'avait toujours dit que les manga de fantasy ne rapportaient pas. De ce fait, j'ai quand même un peu hésité.
 



Donc au final, qu'est-ce qui vous a fait dire oui au projet ? N'avez-vous pas eu peur que la série ne trouve pas le succès ?
J'ai toujours été un passionné de fantasy, mais au moment où j'ai commencé à concevoir le personnage de Köinzell, j'ai eu le pressentiment que ce héros-là allait pouvoir m'emmener loin. Vous devez sans doute savoir que quand les mangas ne rencontrent pas le succès dans les magazines de prépublication, ils risquent d'être arrêtés. Avec un héros fort comme Köinzell, j'ai vraiment pensé qu'Übel Blatt allait rencontrer l'adhésion du public.


Selon vous, qu'est-ce qui fait un bon manga de fantasy ?
Personnellement, j'accorde beaucoup d'importance aux détails, que ce soit au niveau des costumes des personnages, de la représentation des objets... Je pense que si l'on accorde suffisamment d'importance à tous ces petits détails pour qu'ils puissent plaire aux lecteurs, on peut faire un manga de fantasy abouti.


D'où vous est venue votre inspiration pour créer Köinzell, le héros d'Übel Blatt ?
Lors de la conception de Köinzell, je me suis dit que ce personnage devait absolument avoir une motivation pouvant dépasser toutes les difficultés. Puis après avoir définitivement arrêté la motivation du personnage, j'ai commencé à faire quelques essais de dessins, et finalement, c'est petit à petit et tout naturellement que la silhouette de Köinzell m'est apparu.
 



Étiez-vous totalement libre pour la création de l'univers d'Übel Blatt ?
Pour la création de l'univers, j'ai pu faire un peu tout ce que je voulais, mais en ce qui concerne l'intrigue et les actions des personnages, j'ai dû, à chaque fois, discuter un peu et négocier avec mon directeur éditorial.


Y-a-t-il quelque chose que vous auriez aimer faire dans la série et que vous avez dû laisser tomber ?
A vrai dire, il y a eu un nombre incalculable de fois où je me suis un peu pris la tête avec mon directeur éditorial parce qu'il voulait que telle ou telle chose ne soit pas comme ça, mais c'était vraiment pour de petits détails. Du côté de l'intrigue générale, il n'y a jamais vraiment eu de désaccord.


Comment vous est venue l'idée du titre allemand "Übel Blatt" ?
Comme l'histoire se déroule dans un univers qui ressemble au Saint Empire Romain Germanique, il fallait un nom allemand, qui soit en plus prononçable par les Japonais. Et c'est peut-être un détail, mais je voulais absolument qu'il y ait la voyelle "ü", ce "u trema", parce que j'adore ça (rires).


Ce choix a été fait en accord avec votre directeur éditorial ?
Je lui ai amené quelques propositions de titre, et mon directeur éditorial a expliqué "celui-là est trop long", etc... Et finalement, en accord avec lui, le titre "Übel Blatt" a été choisi.


 



Vous avez pu voir hier, pendant votre séance de dédicaces, que vos fans français étaient nombreux et attendaient impatiemment la suite de la série.  Pouvez-vous nous dire où en est Übel Blatt actuellement?
Je n'ai pas encore arrêté la date précise du retour de Köinzell, mais sachez que je devrais reprendre la série dans l'année qui vient. La série en est à peu près à la fin de sa première moitié, et devrait donc faire un peu plus d'une vingtaine de volumes au total.


Connaissez-vous déjà l'évolution que prendra l'histoire ?
J'ai quelque idées sur des scènes que je voudrais absolument incorporer par la suite. Par contre, en ce qui concerne la fin, je ne sais pas encore comment se terminera la série, et n'ai pas encore d'idée sur l'aboutissement.


Vous travaillez actuellement sur deux autres séries, Brocken Blood et Celestial Clothes. Pouvez-vous nous parler un peu de ces deux oeuvres ?
Brocken Blood est une série qui a commencé à peu près en même temps
qu'Übel Blatt. Il s'agit d'un manga plutôt comique, un peu parodique.
Quant à Celestial Clothes, l'histoire se passe dans un Japon rural.
 
 


Depuis le volume 10 d'Übel Blatt, vous ne travaillez plus que sur ordinateur, alors qu'avant vous combiniez travail sur papier et travail numérique. Pourquoi ce basculement ?
Tout simplement à cause de la vitesse de réalisation. Travailler sur ordinateur va beaucoup plus vite, et cela me permet d'être plus facilement dans les temps pour rendre les planches.


Avez-vous des assistants pour vous aider ?
J'ai trois assistants actuellement.


A la vue de votre parcours, vous-même, vous n'avez jamais été assistant ?
Je ne l'ai quasiment pas été, en effet.
 



A votre avis, ce court passage était-il une étape primordiale, ou n'était-il pas obligatoire ?
Je pense qu'entamer une carrière de mangaka sans avoir jamais été assistant est tout à fait faisable, mais ce statut permet souvent d'apprendre beaucoup.


Vous êtes également un passionné de photographie. Est-ce que cela vous aide dans la conception de vos mangas ?
Je dirais oui et non. Quand je dessine un manga dont l'intrigue se déroule dans un univers contemporain, ça m'arrive de prendre une photo d'une ville ou d'un paysage pour la recopier. Mais pour un manga comme Übel Blatt, qui se passe dans un monde complètement fictif (peut-être moins pour vous, Européens, que pour moi qui ne peux pas venir en Europe comme j'en ai envie pour, par exemple, prendre des photos des châteaux), ça ne me sert pas à grand chose.


Merci beaucoup pour cette interview !
 
 
Remerciements à Monsieur Shiono et aux éditions Ki-oon.