SHIMOGASA Miho - Actualité manga

SHIMOGASA Miho 下笠美穂

Interview de l'auteur

Publiée le Lundi, 22 Décembre 2014

Conférence



En septembre dernier à Namur, la première édition du festival Rétro Made in Asia accueillait deux jolis noms de l'animation japonaise : Akihiko Yamashita à qui l'on doit  une grande partie de la conception de Giant Robo et le chara design du Château Ambulant, d'Arrietty et des Contes de Terremer, et Miho Shimogasa, chara designer de plusieurs animes principalement connue pour son rôle sur l'anime-fleuve Sailor Moon.

En plus des séances des dédicaces et de nos interviews que vous pourrez découvrir très bientôt, les deux artistes donnèrent ensemble une conférence, dont nous vous proposons aujourd'hui un petit compte-rendu.

Celle-ci fut notamment l'occasion pour Mr Yamashita de revenir sur plusieurs aspects de son travail sur Giant Robo et chez Ghibli, non sans nous présenter sur grand écran de précieuses archives souvent inédites, mais qu'il n'était malheureusement pas possible de prendre en photo, du fait qu'il s'agissait souvent de croquis refusés ou inutilisés.



Tout en présentant diverses illustrations de Giant Robo, Mr Yamashita insista sur l'importance qu'il y accorde sur la façon d'utiliser la lumière, de mettre dans la lumière les personnages ou les visages du robot, de façon à les mettre en valeur dans un léger contraste par rapport au reste de l'illustration. Egalement, il s'applique généralement à bien faire ressortir l'aspect très imposant et puissant du robot, notamment par l'utilisation de la contre-plongée.



Il aborda ensuite la façon dont il a dû concevoir les personnages pour les films du studio Ghibli dont il a été le character designer.

En s'appuyant sur des roughs et des dessins du Château Ambulant, il expliqua avoir d'abord reçu de brefs roughs directement de Hayao Miyazaki, lui présentant à peu près la dégaine de chacun des personnages. C'est sur cette base assez libre qu'il a dû travailler chacun des designs.

Tandis que les différents essais diffusés sur l'écran permettaient de cerner petit à petit l'évolution du design des personnages, Mr Yamashita s'attarda particulièrement sur Sophie âgée, en expliquant avoir eu beaucoup de difficultés à lui offrir son physique. Trop maigre, trop petite, pas assez marquée au niveau du visage et notamment du nez... l'artiste eut du mal à se rapprocher de la vision de Mr Miyazaki, jusqu'à ce que le physique final se dessine petit à petit, au fil des nombreux essais ratés.

Le même type de difficultés se posa pour la Sorcière des Landes, dont le caractère devait immédiatement transparaître à travers le physique.

Concernant Hauru, l'enjeu principal était de faire ressortir la beauté un peu androgyne du personnage ainsi que son côté un peu narcissique.

Au bout du compte, l'artiste affirma que c'est avant tout à force de discussions avec le réalisateur et de sketchs non retenus qu'il parvint au résultat final.



De son côté, Miho Shimogasa souligna l'importance dans son travail de bien suivre les directives du réalisateur pour la conception des personnages, tout en veillant à ne pas trahir le design du créateur original pour les animes adaptant des œuvres déjà existantes.

Par exemple, pour Kaitô Joker, l'un de ses derniers travaux en date (en cours de diffusion sur Crunchyroll, ndlr), il lui a fallu respecter le design assez simple et enfantin des personnages, tout en adoucissant un pue le trait du manga original.



Pour finir, voici quelques questions de l'animateur et du public posées pendant la conférence :

Mr Yamashita, pendant votre carrière vous avez eu la chance d'occuper divers postes : animateur, directeur de l'animation, character designer... Quelles sont les grandes différences entre ces postes ?

A. Yamashita : Le chara designer est celui qui fait les personnages, ça c'est assez facile à comprendre (rires).
Le directeur de l'animation doit principalement suivre les animateurs, veiller sur leur travail, vérifier que tout se passe bien. Il lui arrive de corriger, voire de redessiner.
Les animateurs sont généralement plusieurs et doivent faire chacun les dessins qui seront animés.
Je pense que parmi ces postes, le plus difficile est celui de directeur de l'animation, car il faut généralement superviser de nombreuses personnes. Si tous les animateurs étaient bons il n'y aurait aucun problème, mais certains ne sont pas terribles, alors il faut les reprendre, leur donner des conseils pour les aider à s'améliorer...

M. Shimogasa : Je confirme la difficulté du poste de directrice de l'animation !


Le character designer est en charge de la conception des personnages. Est-ce que ça veut dire qu'une fois les personnages approuvés par le réalisateur son travail est fini ?

A. Yamashita : Ca dépend. Il y a des character designers qui sont sur beaucoup de travaux à la fois, et qui se contentent alors de faire ce qu'on leur demande sans trop s'impliquer dans les différents projets faute de temps. Mais dans d'autres cas, le character designer occupe également d'autres fonctions sur l'anime, dont directeur de l'animation, où il peut donc superviser les animateurs.


Passer d'animateur à chara designer c'est une sorte de promotion ?

A. Yamashita : On peut dire ça. Une fois qu'un animateur est suffisamment doué, il peut être amener à passer directeur de l'animation ou character designer.


A quoi ressemble pour vous une journée type de travail ?

M. Shimogasa : Je me lève, je prends mon petit-déjeuner, je dessine, je prends mon déjeuner, je dessine, je prends mon dîner, je dessine, je vais me coucher (rires).


Comment arrive-t-on sur un projet comme Sailor Moon en tant que directrice de l'animation ?

M. Shimogasa : En fait, c'est une connaissance qui m'a dit qu'il y avait un projet avec des jeunes filles en tenues de guerrières/magical girls. Elle m'a proposé d'y participer, et ça s'est fait comme ça (rires).
Elle m'a aussi vaguement parlé d'un garçon avec un masque qui doit les aider tout en restant mystérieux... J'avoue qu'au tout début, quand elle m'a proposé ça, je n'ai rien compris et me suis demandé si ça valait le coup (rires).

A


Le poste de directrice de l'animation étant dense, comment supportiez-vous la pression sur Sailor Moon ?

M. Shimogasa : La pression était bien présente, c'est sûr. Mais l'équipe était bonne et était là pour aider.
Aussi, pour décompresser, il m'est arrivé d'aller au karaoke et de chanter pendant 6 heures d'affilée (rires).


Dans les films du studio Ghibli où généralement on reconnaît tout de suite les personnages typiques du studio, il y en a un qui se différencie : Ponyo, qui n'a pas le même type de visage et connaît une transformation en poisson... Comment a été travaillée cette transformation ?

A. Yamashita : Pour Ponyo, Hayao Miyazaki avait une vision très précise du personnage. Personnellement, je n'ai pas été très impliqué sur ce personnage-là. Mr Miyazaki savait exactement ce qu'il voulait.


Vous avez réalisé un court-métrage au sein du studio Ghibli, et diffusé exclusivement au Musée Ghibli au Japon. Pour ceux qui n'auront jamais la chance de le voir, pouvez-vous nous en parler un peu ?

A. Yamashita : Chūzumō (A Sumo Wrestler's Tail) est un court-métrage de 13 minutes tiré d'un conte japonais assez connu, qui raconte l'histoire d'une souris attirée par le sumo.
Ce qui est bien avec ce genre de petits projets chez Ghibli, c'est que ça permet d'explorer des histoires un peu décalées comme celle-ci, que l'on ne peut pas forcément faire en long-métrage.



Une question que sûrement beaucoup de monde se pose : comment ça se passe, le travail avec Hayao Miyazaki ?

A. Yamashita : Avec toutes les récompenses qui l'ont distingué et ses succès critiques et publics, on se dit qu'il doit être impressionnant, mais quand on le côtoie tous les jours on se rend compte que c'est juste un vieillard (rires).
Je veux dire par là que quand on est à côté de lui, on oublie le prestigieux artiste qu'il est, tout comme on oublie les difficultés du travail. Car quand il parle et donne ses directives, tout paraît très clair, limpide, y compris pour les idées un peu plus dures à exprimer.
Par exemple, sur le Voyage de Chihiro, j'ai travaillé sur une scène où Chihiro tombe dans le ciel avec Haku. Normalement les vêtements et les cheveux flottent, mais pas quand les deux personnages se tiennent ensemble: Mr Miyazaki nous a fait comprendre très facilement que cela représentait le fait que leurs deux cœurs se trouvent, se comprennent, et que leurs sentiments sont en totale communion. C'était aussi pour faire ressortir la douceur de l'instant.



Remerciements à l'équipe de Rétro Made in Asia, à l'interprète Fabrice Renault, à Mme Shimogasa et à Mr Yamashita.

Mise en ligne le 17/12/2014.



Interview




Pour sa première édition, le salon rétro Made in Asia accueillait à Namur Miho Shimogasa, chara designer de plusieurs animes principalement connue pour son rôle sur l'anime-fleuve Sailor Moon. Grâce à l'équipe du salon, nous avons pu rencontrer cette sympathique artiste, qui répondit volontiers à nos questions. Voici le compte-rendu de cette entrevue.




Miho Shimogasa, bonjour et merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Pour commencer, pouvez-vous nous dire ce qui vous a amené à travailler dans le milieu de l'animation ?

Miho Shimogasa : A l'époque du lycée je m'intéressais déjà à ce milieu, ce qui m'a décidé à prendre un petit boulot qui consistait à peindre des cellulos d'animes. J'alternais entre ce job qui me permettais de gagner en expérience, et un travail en fast food qui était purement alimentaire.

Après ces premières expériences, je suis entrée dans une école d'animation, et après être sortie diplômée de ces études j'ai été engagée par le studio Artland pour travailler sur les cellulos de la série Macross.


Puisque vous dites que vous avez toujours voulu travailler dans l'animation, y a-t-il des oeuvres qui vous ont donné envie de vous orienter vers ce milieu ?

Parmi les oeuvres les plus connues, je dirais Uchuu Senkan Yamato, Cyborg 009 et Goldorak. Surtout les deux premières, qui furent pour moi un coup de coeur et un vrai déclic.


Quand on connaît l'essentiel de votre carrière, ça peut paraître un peu étonnant, car vous citez là des titres de pure science-fiction.

Ce que j'aime surtout, ce sont les séries assez nekketsu, avec des héros au sang chaud, assez braves et impétueux, qui vont aller jusqu'au bout de leurs idéaux ! C'est un peu mon type d'homme idéal (rires).


Pendant votre conférence, vous nous avez expliqué un peu la façon dont vous en êtes arrivée à travailler sur la longue adaptation animée de Sailor Moon. Vous étiez sur le projet dès le début ?

On peut lire par-ci par-là que je suis arrivée en cours de projet, en réalité j'étais dans le staff dès la première saison.

Au départ, je travaillais seulement sur les cellulos, sur les dessins, puis je suis passée directrice de l'animation à partir de Sailor Moon Super S.



Comment avez-vous appréhendé ce nouveau poste de directrice de l'animation sur Sailor Moon ?

Auparavant, j'avais déjà été à ce poste sur une autre série, Minky Momo / Gigi, et cette expérience ne s'est pas bien passée, j'y ai connu beaucoup de frustrations, si bien qu'en arrivant sur le projet Sailor Moon j'ai moi-même demandé à me concentrer uniquement sur les dessins.

Après quelques saisons on m'a demandé de passer directrice de l'animation. Comme je me sentais de nouveau un peu plus à l'aise, j'ai accepté, non sans connaître tout de même un peu d'anxiété, Finalement, ça s'est mieux passé que sur Gigi.


L'anime de Sailor Moon comporte beaucoup d'épisodes, et par rapport au manga original de Naoko Takeuchi il y a donc eu pas mal d'ajouts d'histoires et de personnages. Personnellement, avez-vous apporté des idées pour ces ajouts ?

Il y a des choses qu'on ne peut pas faire en manga, mais que l'on peut faire en animation. J'ai donc fait en sorte d'ajouter des choses qui ne pouvaient pas être dans le manga, et je me souviens qu'à l'époque j'avais hâte de les ajouter ! Mais en tant que directrice de l'animation, cela ne concernait pas l'histoire, mais plutôt les designs.

Je me souviens qu'il y a eu un long épisode spécial de Sailor Moon, une sorte de film sur lequel j'ai travaillé et pour lequel j'ai d'abord eu les roughs originaux de Naoko Takeuchi pour les personnages. J'ai eu la liberté de les améliorer pour qu'ils soient plus adaptés à l'animation, ce fut un travail stimulant.

Je garde un bon souvenir du travail sur Sailor Moon, car globalement nous étions assez libres, chacun pouvait émettre ses petites idées, et il y avait une bonne entente générale, ce qui est loin d'être toujours le cas. Nous étions même allés tous ensemble en voyage.


Comme vous le disiez, vous avez donc été également directrice de l'animation sur l'épisode spécial Sailor Moon SuperS Plus - Ami's First Love. Avez-vous ressenti des différences de travail entre ce long épisode spécial et les épisodes normaux de la série ?

C'était un épisode spécial couplé à deux autres épisodes d'environ 15 minutes, et le tout était sorti au cinéma. C'est un travail qui s'est très bien passé, pour lequel il n'y a pas eu de problème. C'était même un peu plus cool que sur un épisode de la série (rires).

Nous étions très libres dans l'élaboration,  plus libres que sur la série. Il n'y avait pas de directives incessantes dans notre dos, et nous avons donc pu mener ça comme nous le souhaitions.


Vous avez également conçu le design de plusieurs animes adaptés de mangas : Gravitation, Cutie Honey, Psychic Academy, Ultra Maniac, Powerpuff Girls Z, et récemment Kaitô Joker. En somme, des styles très variés avec du boy's love, du sexy, du shôjo, du récit d'aventure plus enfantin... Y a-t-il un style de dessin et d'ambiance que vous préférez ?

Je pense qu'à partir de mon travail sur Powerpuff Girls Z, j'ai enfin pu dessiner comme je le voulais.

Je pense avoir trouvé le style de dessin que je souhaite faire : plus arrondi, plus enfantin, et dans un genre plus humoristique, où l'on se moque des belles figures... A ce titre, je prends beaucoup de plaisir à travailler sur Kaitô Joker qui est aussi dans ce style.



Et quelles difficultés avez-vous ressenties pour vous réapproprier les différents styles des mangas d'origine ?

Dans les adaptations de mangas, il peut y avoir de grands cas distincts : celui où l'on reste le plus fidèle possible au style de dessin du manga original, et celui où l'on essaie de rendre les personnages le plus adaptables possible en anime quitte à s'écarte un peu plus du manga original. De mon côté, j'ai été plus souvent impliquée dans le deuxième cas de figure. Je trouve ce type de projet beaucoup plus stimulant, on peut s'y réapproprier les personnages originaux en y apportant sa touche personnelle.

Par exemple, pour les Powerpuff Girls, dans l'oeuvre originale elles sont toutes petites. Dans le design que j'ai créé, leurs proportions sont doublées.


Vous qui avez travaillé sur plusieurs adaptations de manga, êtes-vous vous-même une lectrice de manga ?

J'aime beaucoup les yonkoma (mangas de gags en 4 cases, type Azumanga Daioh, ndlr), avec leur aspect humoristique et leur dessin souvent simple; En fait, c'est assez proche de ce que moi-même j'aime faire.


Remerciements à Mme Shimogasa, à son interprète Fabrice Renault, et à l'équipe de Rétro Made in Asia pour la mise en place de cette rencontre.
  
Mise en ligne en décembre 2014.