PANTERA Jimmy - Actualité manga

Interview de l'auteur

     
Bonjour Mr. Pantera! Pouvez-vous nous parler de votre parcours? Qu'est-ce qui vous a amené à être écrivain?
J'écris depuis toujours, depuis que je suis enfant. J'ai commencé très tôt à raconter des histoires, des contes… et je lisais énormément. Je dessinais beaucoup aussi, des heures durant, et je fabriquais des petites bandes dessinées naïves : des récits de science-fiction et d'aventures, des westerns… Je me suis retrouvé sur les bancs d'une école d'arts plastiques, j'ai fait de nombreux fanzines… puis j'ai essayé de gagner ma vie en publiant des nouvelles, des illustrations et des bds. J'ai fait un peu de journalisme aussi, j'ai travaillé pour la radio, la presse rock et pour Canal+… J'avais une autre passion: le graphisme et la typographie. Dans ce domaine-là j'ai très vite eu beaucoup de demandes. Au bout de quelques années, j'ai même pu créer mon propre bureau, specialisé dans le design "old school", en référence au graphisme des années '50 et '60… Mais je n'ai jamais arrêté d'écrire… et de lire! Et c'est ce qui m'a poussé à réaliser ce livre, à la fois dans l'écriture et la mise en pages.
            
D'où vient votre pseudo "Jimmy Pantera", aux intonations latines? Pourquoi ce choix?
JIMMY PANTERA est un nom avec une double histoire. C'est d'abord un nom d'acteur que j'ai vu un jour sur une vieille affiche de cinéma italienne. C'est aussi un mélange, celui des noms de 2 frères d'EL SANTO (le plus grand catcheur mexicain), qui combattaient sous les pseudonymes de JIMMY et de PANTERA NEGRA.
J'ai choisi ce nom qui évoque le Sud car il fait rêver, il nous transporte dans un univers haut en couleurs qui pourrait également être celui de la fête foraine, du cirque et du sideshow…
                  
Comment est venue cette passion pour le catch mexicain?
J'ai découvert le catch mexicain avec la bande dessinée EL BORBAH, signée CHARLES BURNS. Et à la même époque je lisais le fanzine américain PSYCHOTRONIC, où il y avait des pubs pour des films d'EL SANTO et de BLUE DEMON. C'est ce qui a éveillé ma curiosité, et qui m'a poussé à débarquer au Mexique…

Pourquoi mexicain? Le catch américain est pourtant plus médiatisé...
Je n'apprécie pas trop le catch américain. Il est trop aseptisé à mon goût, je n'aime pas les bellâtres du ring, avec leur look de chippendales bourrés de stéroïdes. Je préfère les Mexicains, c'est bien plus drôle et transgressif, il y a des obèses, des affreux, des nains, des homosexuels… Et d'un point de vue physique la Lucha Libre est plus intense et plus acrobatique.

La situation tend à changer, mais pour l'instant le catch n'est pas un sport très fédérateur en France... Ce livre n'est-il pas un pari risqué?
Je pense que les passions du public fonctionnent par cycle. Le catch était très prisé dans les années 50 et 60, puis il est petit à petit tombé en désuétude. Or il est en train de redevenir populaire, surtout auprès des enfants et des ados qui le redécouvrent par l'intermédiaire des jeux vidéos. Je crois que ce sport va revenir à l'avant-plan, et j'espère que mon livre contribuera à le faire apprécier!                      

En combien de temps avez-vous réalisé cet ouvrage? Pouvez-vous nous détailler les différentes phases de sa réalisation?
J'ai commencé à travailler sur ce projet il y a de longues années, sur le conseil d'un directeur de collection de Glénat. J'ai d'abord réalisé une maquette de 80 pages, avec du faux texte, que j'ai présenté un peu partout en France et en Allemagne. J'ai eu beaucoup de réactions positives, mais rien de concret. A l'époque le sujet était trop neuf, trop pointu, et aucun éditeur n'avait l'intention d'investir de l'argent dans un livre aussi audacieux. Mais je me suis obstiné… et cet été RUN a eu vent de mon projet. Il m'a contacté et dix jours plus tard le contrat était signé. Il me restait alors 4 mois pour finaliser le livre, ce qui signifiait retourner au Mexique, creuser le sujet, et surtout l'écrire! J'ai d'abord commencé par travailler avec Lucie pour photographier les jouets, les ex votos et les nichos (petites boîtes en fer blanc décorées de talismans). Puis j'ai mis en pages les chapitres avec les affiches de cinéma et les magazines de catch. En septembre nous sommes partis au Mexique, afin de nous plonger au cœur de la Lucha Libre d'aujourd'hui et créer un lien avec la réalité, car il fallait que ce livre ne soit pas un catalogue de belles images "old school". Lorsque nous sommes revenus nous avons trié et choisi les photos (il y en avait à peu près 1000 !) Et en octobre j'ai terminé l'écriture et la mise en pages, tout en collaborant avec l'équipe du LABEL 619 qui a apporté sa touche créative à l'ensemble. Début décembre le livre était enfin terminé et livré à l'imprimeur!

Certaines photos viennent probablement d'archives... Peut-on en déduire que vous avez parcouru le Mexique de long en large pour en rassembler autant?
Je n'ai pas parcouru le Mexique en long et en large car c'est un pays aussi grand que l'Europe! Je ne suis jamais allé dans le Nord, ni dans le Chiapas. Je m'y suis rendu à 4 reprises, j'ai surtout adoré OAXACA, une petite ville où on est replongé dans le passé… De toute façon je suis amoureux de ce pays et j'y retournerai à la moindre occasion. Mes
documents, je les ai trouvés là-bas, sur des marchés aux puces et dans des brocantes.

Quelques mots sur Lucie Burton?
Je suis fan de son travail, j'adore ses photos recoloriées. Nous avons eu l'occasion de concevoir
l'identité visuelle de l'exposition KITSCH & CATCH, et elle a commencé à s'intéresser aux gladiateurs du ring, à photographier des combats. D'abord à la frontière belge puis dans le Nord de la France… Il était donc logique que je l'implique dans ce projet de livre car j'avais besoin de beaucoup d'images. Je n'ai pas eu besoin de lui expliquer ce que je recherchais car nos sensibilités artistiques se rejoignent et se complètent. Et puis je trouve que c'est très intéressant de travailler avec une femme, surtout dans un univers aussi viril que le catch mexicain! Son point de vue spontané m'a beaucoup aidé, son approche intuitive m'a permis d'appréhender toute la dimension humaine de la Lucha Libre.

A la fin de Los Tigres Del ring, vous précisez que "la lucha libre est à la mode et qu'on en parle même au journal de 20h sur TF1". Ne pensez-vous pas qu'une telle médiatisation risque d'induire une dénaturation de ce sport?
Je ne suis pas un puriste, ni un nostalgique d'un âge d'or que je n'ai jamais connu… Si la Lucha Libre devient à la mode, tant mieux, c'est toute une culture hyper riche qui entretient des connections avec de nombreuses disciplines artistiques et qui véhicule des valeurs positives: on y prône la vertu, le courage, la fierté…

Avez-vous d'autres projets en cours ou futurs?
Pour le moment je travaille sur l'image de marque des pâtisseries DEADLICIOUS. C'est un projet qui démarre bien, avec des perspectives fantastiques… Bien sûr j'ai d'autres idées… Mais avant de décider quoi que ce soit, il faudra attendre et voir si LOS TIGRES DEL RING se vend bien…

J'ai pu lire que vous collectionnez des objets en rapport avec la Lucha Libre. Pouvez-vous m'en dire plus?
Collectionner, c'est un bien grand mot… Au fil de mes voyages, j'ai accumulé des affiches, des magazines, des jouets… A un moment donné j'avais même transformé une pièce de la maison où je vivais en micro musée… Mais j'ai surtout ramassé les affiches et les magazines pour y trouver des idées et de la matière pour faire un livre…

Quel est votre meilleur souvenir lié à la réalisation de Los Tigres del Ring?
Ce fut un projet passionnant, un voyage parfois douloureux à l'intérieur de moi-même mais aussi l'occasion de rencontrer des gens fantastiques, je pense par exemple à KALERY le fabriquant de masques ainsi qu'à l'artiste JORGE ALDERETE qui nous ont accueillis à bras ouverts…

Pour conclure, une petite question bonus: Le catch, c'est du chiqué?
Non, certainement pas. Les Luchadores s'entraînent chaque jour, pendant de longues années. Ce sont des athlètes complets. Évidemment les combats sont arrangés à l'avance, c'est avant tout un show et un spectacle plus proche du Grand Guignol que d'un véritable pugilat. Mais le niveau technique des Mexicains est très élevé: certains d'entre eux combattent "pour de vrai" sur les rings japonais, dans des matches de free fighting et de tudo vaile. Leur force de frappe et leur travail au sol leur procure un avantage décisif.
       
Merci pour cette interview!