OKASEKO Nobuhiro - Actualité manga

Interview de l'auteur

C'est à Marseille, ville vivant au rythme du football, que nous avons rencontré Nobuhiro Okaseko. Ce réalisateur et chara-designer, essentiellement connu pour ses travaux sur la célèbre version animée de Captain Tsubasa, alias Olive et Tom, était l'invité d'honneur de la dernière édition de la Japan Expo Sud, qui s'est tenue en mars dernier. Entre ses séances de dédicaces et une conférence publique qui a su attirer un large public de nostalgiques, ce vétéran de l'animation japonaise a néanmoins pris le temps de répondre à nos questions, pour revenir sur sa prolifique carrière sous le signe du ballon rond.

   

   
   
Manga-News: Bonjour et merci pour cet entretien. Pour commencer, pouvez-vous nous dire ce qui vous a amené à travailler dans le milieu de l'animation ? Comment avez-vous débuté ?
Nobuhiro Okaseko: Le premier déclic qui m'a fait découvrir le monde de l'animation remonte à 1958, lors de la création du studio Toei. J'ai passé un examen pour devenir animateur, alors que je n'avais pas de travail à l'époque. Au départ, je voulais devenir mangaka, mais mon grand-père, qui travaillait déjà à la Toei, m'a invité à tenter ma chance. C'est ainsi que tout a commencé..
     
     
Vous avez été notamment engagé au sein de Mushi Pro par Osamu Tezuka lui-même. Comment s'est passé cette rencontre ? Que retenez-vous de ces années de travail avec lui ? 
Alors que je travaillais pour la Toei, le projet d'adaptation du Voyage en Occident (Saiyuki) fut lancé, et Osamu Tezuka devait en être le réalisateur. Me destinant à devenir mangaka, rencontrer une telle figure du manga était pour moi un honneur extraordinaire. Lorsque j'ai enfin pu le rencontrer, nous avons surtout parlé d'animation. Il m'a alors confié son envie de fonder son propre studio, et m'a invité à y prendre part ! Je ne pouvais évidemment pas refuser une telle proposition venant de celui qui était considéré comme un Dieu vivant, et ce jour reste gravé dans ma mémoire.
   
  
Vous avez travaillée sur plusieurs adaptations de de mangas très célèbres, avec des auteurs de renom comme Osamu Tezuka (sur Astro Boy), Go Nagai (sur Cutie Honey), Leiji Matsumoto (sur Uchû Senkan Yamato),... Quelle pression ressent-on lorsque l'on doit adapter des séries et personnages si connus, déjà si populaires ?
J'essayais de me mettre le moins de pression possible, en considérant ces projets comme des travaux véritablement enrichissants. Cela me permettait également de rendre le meilleur de moi-même, et j'ai été plus enthousiasmé qu'effrayé par le défi de ces différentes adaptations.
               
       
Au cours de votre carrière, vous avez travaillé sur de nombreuses séries de football, depuis Akakichi no Eleven jusqu'à Moero Top Stricker (L'école des champions), en passant bien sur par Captain Tsubasa (Olive et Tom). Est-ce un simple hasard dans votre parcours, où avez-vous vraiment un attachement particulier pour ce sport ?
A l'époque d'Akakichi no Eleven, c'était la première fois que le football était adapté en série animée. Pour ma part, j'avais fait beaucoup de sport dans ma jeunesse, j'avais donc une idée assez précise des mouvements corporels à animer. C'est pourquoi j'ai été engagé sur la série. Lorsque Captain Tsubasa a été mis en chantier, j'ai tout naturellement été appelé à la direction de l'animation, du fait de mon expérience, de même pour L'école des champions.
       
   
         
Sur Captain Tsubasa, qu'est-ce qui a été le plus difficile à retranscrire, par rapport au manga de Yoichi Takahashi ?
En fait, les personnages inventés par Mr Takahashi sont proportionnés de manière assez singulière, avec un petite tête pour un grand corps. Ce n'est pas gênant sur le papier, mais c'est une toute autre histoire lorsqu'on passe à l'animation, pour qu'ils puissent rester dans le cadre de l'image ! J'ai donc du modifier les proportions tout en respectant le travail d'origine. De plus, la série s'adressant à un public assez jeune, j'ai du adopter un trait plus enfantin, plus mignon. Le travail de chara-design a donc été l'étape la plus difficile du processus de réalisation de la série.
      
         
Qu'est-ce qui, selon vous, a fait le succès de Captain Tsubasa, au Japon comme dans le monde ? 
Si l'on met de côté la popularité du football en elle-même, je pense que cela vient de la complémentarité des différents personnages, qui sont tous très clairement identifiable sans pour autant se voler la vedette. Et puis, il y a la devise récurrente : "Le ballon est ton ami", qui a été très fédératrice et importante dans le succès de la série.
      
       
         
On se souvient également  exagérations de la série (terrains de 10km de long, tirs surpuissants, actions aériennes,... ), qui ont souvent pu prêter à sourire. Quel regard portez-vous sur les critiques qu'a pu recevoir la série sur ce point ?
Au début, nous avons voulu simplement accentuer l'aspect spectaculaire des matchs. Mais je dois avouer qu'au bout d'un moment, ça a été une véritable escalade, avec des acrobaties, des tirs incroyables... Alors oui, nous avons sans doute exagéré ! (rires) Mais nous l'assumons : notre but était avant tout de rendre la série captivante, quitte à dépasser les limites du raisonnable. Peut-être qu'une série trop réaliste n'aurait pas marché, qui sait ?
      
      
Quelques années après Captain Tsubasa, il y eut Moero Top Stricker (L'Ecole des Champions), reprenant les mêmes ingrédients. Comment est né ce projet, et comment avez-vous été convié à y prendre part ?
Le projet s'est d'abord mis en route au Japon, par le studio Nippon Animation. Il se trouve que le producteur de la série était un de mes anciens élèves. Ce dernier m'a parlé de la série et, comme il s'agissait de football, m'a proposé de le réaliser. 
     
     
           
Quels étaient vos contacts avec les  co-producteurs français ? Qu'est-ce que cela changeait dans votre manière de travailler ?
En fait, je n'ai pas eu beaucoup de contacts avec l'étranger. En revanche, j'ai du adapter le chara-design en conséquence : sur la première version, les personnages avaient un style "manga" beaucoup plus prononcé, mais les producteurs français voulaient rester dans un style plus européen. J'ai ainsi changé le design des protagonistes au fur et à mesure des directives que je recevais, pour en arriver aux héros que vous connaissez. Par la suite, je suis passé à la réalisation, et j'ai alors eu moins de contraintes à respecter. 
     
     
Aujourd'hui, quels sont vos projets en cours, ou à venir ?
Je travaille actuellement sur une nouvelle série, sur laquelle je ne peux malheureusement pas vous dévoiler grand-chose, si ce n'est qu'elle devrait m'occuper assez longtemps. Ah, et il ne s'agit pas d'une série de sport !
   
    
Du fait de votre grande expérience, quel regard portez-vous sur l'évolution du marché de la japanimation ? 
Autrefois, l'animation se basait sur la transmission des techniques, sur la formation des nouveaux arrivants, perpétuant ainsi un certain héritage. L'arrivée des techniques et informatiques et d'autres paramètres actuels, comme des délais de production de plus en plus courts, ne laissent plus la place à cette notion d'apprentissage qui, pour moi, est très importante, voire essentielle. De mon côté, j'essaie au maximum de former les novices, mais j'ai bien du mal du fait de toutes ces nouvelles contraintes apparues dans les dernières années. Pour être honnête, je ne sais pas comment va évoluer le marché dans les temps à venir. Mais je pense que le milieu va se refermer sur lui-même et ne profiter qu'aux gens déjà installés, et cela m'inquiète assez, à vrai dire.
    
    
       
     
Remerciements à Nobuhiro Okaseko, à son interprète ainsi qu'à l'équipe organisatrice de la Japan Expo Sud.