KOYAMA Shigeto - Actualité manga

KOYAMA Shigeto コヤマ シゲト

Interview de l'auteur

Paris Manga accueillait en septembre dernier l'un des jeunes noms les plus prometteurs du design et de l'illustration : Shigeto Koyama, qui a entre autres travaillé sur Gurren Lagann, Ghost in the Shell Stand Alone Complex – Solid State Society ou les nouveaux films d'Evangelion. C'est avec plaisir que nous sommes partis à la rencontre de ce jeune homme aussi bavard qu'intéressant, et qui ne manquait pas d'humour.
 
  
 
Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir chara-designer et illustrateur ?
Shigeto Koyama : Tout a commencé à l'époque où j'étais camarade de classe du mangaka Daisuke Nishijima (auteur de Diên Biên Phu paru aux éditions Kana, ndlr), et plus encore après les études, au moment où nous avons vu ensemble la série Evangelion, qui nous a mis une claque, si bien que l'on a décidé, nous aussi, de chercher à tout prix à exprimer ce qu'on voulait.
Nous avons alors fait un fanzine, mais étions confronté à un petit problème : nous n'arrivions pas à dessiner des filles mignonnes collant au fanzine (rires).
Nous nous sommes alors rabattus sur l'animation, et avons fait un petit film animé indépendant, dessiné à la main, sorte d'hommage à la convention de science-fiction Daicon 4, portant tout simplement le nom de "Video". Le patron de mon ancienne société ayant vu ce film, m'a affirmé qu'il était sûr que j'avais des talents de dessinateur, et m'a demandé de lui montrer des dessins. Sur sa demande, j'ai redessiné des personnages tirés d’œuvres connues, et dans la foulée j'ai envoyé ces dessins à un éditeur. Par la suite, on m'a demandé de faire de la colorisation sur un travail qui a ensuite été envoyé à l'éditeur Kadokawa, qui l'a fait publier dans le magazine Newtype le mois suivant. Ainsi, j'ai été remarqué et ai publié régulièrement dans le Newtype. C'est ce qui a marqué mes débuts en tant qu'illustrateur.


Combien de temps avez-vous travaillé dans le Newtype ?
J'y suis resté environ deux ans, de 1999 à 2001.


Quand vous devez créer un design, par quoi commencez-vous ?
Tout commence par l'affirmation d'un concept. Quand on est chara designer, mecha designer ou designer en général, on a deux clients : d'un côté le réalisateur, de l'autre côté les fans. Ces derniers vont s'attendre à un certain type de design, le réalisateur à un autre. Il va donc y avoir des discussions avec le réalisateur, pour bien cibler et figer ce qu'il faut faire.


Quelles différences notables noteriez-vous entre chara-designer et mecha-designer ?
Personnellement, je ne fais pas de différence entre les deux. De mon point de vue, du mecha design, c'est du chara design. Par exemple, dans le film le Château de Cagliostro, quand Lupin et Jigen s'enfuient en Fiat, pour moi la Fiat est un personnage à part entière. Pour moi, elle s'évade avec eux. On la voit trembler, on la voit vibrer, elle fait partie de l'évasion.
Tout le monde ne voit sans doute pas les choses ainsi, mais moi je garde cette ligne de conduite : un mecha, c'est un personnage.
 

 
Vous êtes chara et mecha designer, illustrateur : Quelles sont, pour vous, les contraintes propres à chacun de ces domaines ?
Je fais peut-être un rapprochement entre chara design et mecha design, mais je dois quand même avouer que le mecha design me demande beaucoup plus de temps : il ne faut pas seulement faire un design extérieur, mais aussi spécifier les pièces qui le composent, les articulations, le cockpit quand nécessaire... Il faut détailler chaque pièce, c'est une masse documentaire énorme.
Quant à l'illustration, le plus gros point négatif pour moi est qu'il s'agit d'un vrai travail en solitaire. J'adore la vie de l'équipe lors de la création d'un anime, et dans le milieu de l'illustration il n'y a pas ça.


Vous avez aussi été animateur-clé, sur les nouveaux films d'Evangelion. Pouvez-vous nous expliquer ce rôle ?
L'animateur-clé se charge de la première et de la dernière image d'une action. Entre les deux, c'est l'animateur qui prend le relais et crée tout.
Ensuite, en ce qui concerne mon travail sur les films d'Evangelion, je me suis surtout chargé des images fixes. Pourquoi ? Parce qu'il est plus aisé d'utiliser quelqu'un de doué pour faire les animations et animations-clés, tandis que pour les images fixes, qui doivent apporter un certain impact, il vaut mieux demander à un designer ou illustrateur, qui saura apporter une force à l'image. C'est surtout ça qu'on m'a demandé de faire.
Il faut savoir que les films d'Evangelion, c'est une véritable guerre de tranchée, à un moment ou à un autre, tout le monde va mettre la main à la pâte, va dessiner, y compris le réalisateur. C'est la manière de travailler de Hideaki Anno et Kazuya Tsurumaki.


Vous avez réalisé le design des Tachikoma sur le film Ghost in the Shell Stand Alone Complex – Solid State Society. Quel furent vos principaux challenges pour vous approprier ces petits robots ?
Le challenge était assez important, car dans la deuxième saison de Ghost in the Shell Stand Alone Complex les Tachikoma étaient éliminés et étaient donc voués à disparaître. Mais dans la volonté du réalisateur Kenji Kamiyama, il restait quand même une entité au-dessus de ça, une entité virtuelle, allons-nous dire. Les Tachikoma étaient encore présents en tant qu'entité virtuelle, pas en tant que mecha mais en tant que personnages à part entière. Le challenge était de les faire réapparaître en prenant ça en compte, en réussissant à les présenter comme de vrais personnages.
 


Après ces années en tant que character et mecha designer et illustrateur, quelle analyse pouvez-vous faire de votre parcours ? Que vous reste-t-il à apprendre ?

J'ai déjà fait tellement de choses différentes, mais il me reste encore tant de choses à essayer !
Sur Gurren Lagann j'ai fait du mecha design, sur Heroman j'ai fait du chara design en m'axant surtout sur les vêtements, sur Panty & Stocking with Garterbelt je me suis chargé de la colorisation... Chaque nouvelle étape m'a intéressé, au fur et à mesure de ces travaux j'ai appris à faire de nouvelles choses, et après ça je n'ai qu'une seule envie : apprendre encore, tenter des choses que je n'ai pas encore faites.
Mais de là à devenir réalisateur par exemple, non ! (rires) Il faudrait d'abord que j'écrive un scénario, chose dont je ne me sens pas forcément capable.


Dans ce cas, qu'est-ce que vous aimeriez explorer précisément ?
Je souhaite vraiment me perfectionner de manière profonde dans le dessin. Personnellement, si un scénario est en béton mais que le dessin ne suit pas, je ne prendrai aucun plaisir dans l'histoire, c'est pour ça que le dessin reste essentiel pour moi.
Je veux être capable de dessiner des choses à la fois simples et émouvantes. Pour citer un exemple, des choses dans le style de Mes Voisins les Yamada, où le dessin est très simple mais cache une grande complexité, et qui regorge d'émotion.


Y a-t-il des personnes, des grands noms du milieu de l'animation, avec lesquels vous aimeriez particulièrement travailler ?
J'aimerais beaucoup travailler dans le monde du comics, car c'est quelque chose que j'aime beaucoup, voire dans le cinéma américain qui m'intéresse souvent, que ce soit en bien ou en mal. Par exemple, quand j'ai vu The Avengers, j'ai trouvé le design trop forcé, et c'est le genre de détails sur lesquels je m'arrête.
 
 
 
Remerciements à Shigeto Koyama et aux organisateurs de Paris Manga.