HANAZAWA Kengo - Actualité manga

HANAZAWA Kengo 花沢健吾

Interview de l'auteur

Continuant année après année de développer son panel d'invités prestigieux, le salon bruxellois Made in Asia accueillait pour son édition 2013 Kengo Hanazawa, auteur de I am a Hero, une série unique en son genre lancée chez nous l'année dernière par les éditions Kana. C'est avec plaisir que nous sommes allés à la rencontre de ce sympathique auteur, pour un bref entretien qui fut l'occasion de revenir sur sa série phare, encore placée récemment dans notre top de la rédaction.
    


Manga-News : Kengo Hanazawa, bonjour et merci d'avoir accepté cette entrevue. On dit souvent que le titre I am a Hero est une référence à I am a Legend de James Matheson. Est-ce exact ? Et y a-t-il d'autres livres ou films qui vous ont fortement marqué pour concevoir votre manga ?
Kengo Hanazawa : C'est effectivement une référence à I am a Legend, une œuvre que je considère comme incontournable. Ensuite, ce sont plutôt des films qui m'ont marqué : Dawn of the Dead, 28 jours plus tard, et [Rec]. Ce sont des films plutôt récents.
 
 
Côté manga, BD ou comics, vous n'avez donc pas vraiment d’œuvres qui vous ont marqué ? Par exemple, en ce moment on parle beaucoup de Walking Dead...
Je connais Walking Dead, mais depuis assez peu de temps finalement, donc je ne peux pas dire que ce soit une influence. J'ai d'abord découvert la série télévisée en 2011, à cette époque j'étais déjà sur I am a Hero. Puis après je suis allé voir un peu à quoi ressemblait la bande dessinée.


Donc au final, vos influences dans ce genre sont constituées d’œuvres assez récentes. Votre intérêt pour ce genre est-il lui-même assez récent, ou aimez-vous cela depuis longtemps ?
En fait, ce qui m'intéresse surtout depuis longtemps, ce ne sont pas vraiment des thèmes comme les zombies, mais c'est la notion de panique, que l'on voit très bien dans des films comme 28 jours plus tard ou [Rec], et que j'essaie de rendre dans I am a Hero. Pour moi, les zombies, c'est surtout un élément facile à traiter pour aller vers cette notion de panique. C'est un excellent moyen de faire ressortir ce sentiment qui s'empare de nous face à des situations inconnues, qui sortent de l'ordinaire et qui nous échappent.
  


Dès le tome 2, la série entre rapidement dans le gore et le malsain (décapitation, enfant qui mange le bras de sa mère...). Dans le gore, vous fixez-vous des limites particulières ? L'éditeur en fixe-t-il ?
J'ai la chance d'avoir un éditeur qui me laisse totalement libre, par contre il m'arrive moi-même de me fixer des limites, surtout depuis le séisme du 11 mars 2011. Depuis ce drame, j'essaie d'éviter des choses qui pourraient réveiller chez mes lecteurs de terribles souvenirs.


Hideo est un personnage très marquant. Craintif, paranoïaque, atteint d'hallucinations, replié sur lui-même... On le sent étouffé par la société, mais il change peu à peu dès l'arrivée des zombies : il semble plus à sa place dans ce monde zombifié. Quelles sont les principales idées que vous souhaitez véhiculer à travers cet homme complexe ?
Avant tout, je dois vous dire que Hideo est en fait une représentation de moi-même à une certaine époque de ma vie. Ensuite, vous avez effectivement raison dans ce que vous dites, c'est un homme marginal, un anti-héros total, qui va être amené à changer peu à peu pour mieux incarner une figure de héros. Mais ces changements chez Hideo se font à travers de nombreuses épreuves, et je le fais changer petit à petit.


Dans les réactions des personnages, on ressent énormément de critiques de la société. On a une société étouffante de partout, des individus focalisés sur leur propre personne, des monologues futiles... Est-ce un reflet de notre société telle que vous la voyez ?
On peut effectivement dire qu'il s'agit là de la vision que j'ai de cette société. Ce n'est pas tant une critique de celle-ci qu'une constatation de ce qui fait actuellement notre société, avec ce sentiment d'étouffement et de perte de repères qui me tiennent à cœur.
 
 
 
Vous disiez que Hideo est inspiré de vous-même. Du coup, a-t-on dans la société étouffante que vous dépeignez un reflet de votre expérience personnelle ?
Oui, c'est exactement ça. Par exemple, moi-même à l'école j'avais beaucoup de mal à m'exprimer et à faire ressortir ma personnalité et mon originalité. J'ai cette vision de la société sans doute parce que j'ai moi-même vécu des moments difficiles.
 
 
Dans le tome 1, on entrevoit également les coulisses de l'édition, que vous présentez comme un univers très dur. Dans ces séquences, vous êtes-vous servi de vos propres expériences ? Souhaitiez-vous dénoncer un peu les coulisses du milieu du manga, voire avertir un peu les futures générations de mangakas des duretés de ce milieu ?
Ce que je raconte dans le tome 1 vient effectivement de mes propres expériences. Ensuite, je ne sais pas vraiment s'il y a une envie d'avertir les mangakas en herbe, j'avoue que je n'y ai jamais vraiment pensé, donc s'il y a cette volonté on va dire qu'elle est inconsciente.
Pour rebondir, je dois vous parler du manga Bakuman, qui connaît beaucoup de succès grâce à son immersion dans le milieu du manga. Mais dans cette série, on n'a que des héros talentueux avec une visions optimiste, alors que la plupart des mangakas connaissent des situations difficiles comme j'en ai vécues.


La dernière scène du tome 1, où Tekko se rapproche de la porte, est une scène particulièrement effrayante qui restera dans les mémoires ! La manière dont Tekko avance, avec ses cheveux en face de son visage, fait un peu penser à la scène finale de Ring, où Sadako sort de la TV...

Ah, maintenant que vous le dites... J'ai évidemment déjà vu Ring mais ne l'ai jamais vraiment considéré comme l'une de mes références... Il est possible que la scène avec Tekko puise inconsciemment sa source là. A part ça, je dois aussi vous avouer que les films d'horreur japonais me font tellement peur que j'ai du mal à les regarder (rires).
    


Et de manière générale, aimez-vous parsemer I am a Hero de clins d'oeil à des films que vous avez aimés ? Par exemple à Dawn of the Dead, 28 jours plus tard ou [Rec]...
J'essaie d'éviter de faire ce type de clins d’œil. Je ne veux pas faire un manga bourré de références à d'autres choses, sinon j'aurais l'impression de faire une série un peu fausse et qui ne me représente pas moi-même.
 
 
Le mangaka Inio Asano a dessiné une couverture alternative pour le tome 10 d'I am a Hero, et c'est un auteur qui a pas mal de thèmes en commun avec vous, à commencer par ces personnages paumés dans une société étouffante... Est-ce un mangaka avec lequel vous avez des affinités particulières ?
On se connaît assez, lui et moi, suffisamment pour qu'il fasse une couverture alternative de mon manga. Et comme on a un peu la même vision de la société, on a un peu tendance à se mettre en compétition tous les deux : je le considère un peu comme un rival, et lui trouve qu'il est supérieur à moi (rires).
 

Merci beaucoup !



Remerciements à Kengo Hanazawa, à l'interprète, ainsi qu'au staff de Made in Asia et aux éditions Kana.