FUJISAWA Tôru / FUJISAWA Tohru - Actualité manga

FUJISAWA Tôru / FUJISAWA Tohru 藤沢とおる

Interview de l'auteur

C'est un Tôru Fujisawa un peu fatigué que nous avons pu rencontrer pendant Japan Expo Belgium. Malgré son épuisement dû à 9 jours très denses en Europe (rappelons qu'il a enchaîné JE Centre et JE Belgium) pendant lesquels il n'a jamais cessé d'être réclamé par la presse et par ses fans, l'auteur du cultissime GTO répondit à nos questions avec le sourire.
 

 
Manga-News: Eikichi Onizuka reste votre personnage le plus connu. On l'a suivi dans Bad Company, Young GTO, GTO, Shonan 14 Days... Vous avez dit plusieurs fois que c'est un personnage auquel vous êtes très attaché. Qu'est-ce qui vous attire le plus chez lui ?
Tôru Fujisawa : J'aime bien la complexité qu'il cache : derrière son côté idiot, il cache un côté très tête brûlée et un vrai souci de protéger ses élèves. Il est droit et franc. Mais ce que je préfère chez lui, ça reste quand même son idiotie et son côté pervers (rires).


C'est un héros viril, anti-conformiste, on a l'impression qu'il s'éloigne beaucoup des standards actuels des héros de shonen, un peu aseptisés ou efféminés. Pensez-vous que son succès découle avant tout de cela, au-delà de tout l'aspect satirique et dénonciateur de la série ?
Ah, vous mettez en avant quelque chose d'intéressant ! C'est vrai qu'il est très viril et qu'il change beaucoup de la plupart des héros actuels. Personnellement, comme ça fait vingt ans que je vis avec lui, j'ai un peu de mal à voir ce que les gens adorent chez lui, mais je pense qu'on a là un début de réponse ! (rires)
    
 
 
Après GTO, vous vous êtes essayé à des registres plus sombres ou gores avec Rose Hip Rose, Rose Hip Zero, Tokkô, Reverend D... notamment pour vous diversifier selon certaines interviews. Concrètement, qu'est-ce qui vous attire dans ce type de récit ?
Pour tout vous avouer, je suis quelqu'un qui se lasse assez rapidement. Du coup, après avoir longtemps fait des séries ancrées dans un monde assez réaliste et plutôt comique comme Young GTO et GTO,  j'ai eu envie de prendre la tangente et de me lancer dans des univers ancrés dans le fantastique et plus sombres. C'est pour ça que je change souvent d'orientation dans mes séries.
Par exemple, dans Reverend D, j'ai eu envie d'ajouter un côté un peu plus "pop" avec le cochon Damien, histoire de mieux différencier la série de Tokkô qui a un univers assez similaire.
Varier les choses, c'est un peu dans mon caractère.
 
 
De nombreux fans sont restés un peu sur leur faim avec Tokkô, qui s'est arrêté après 3 tomes sans réelle fin. Lors de votre précédent passage à Paris en 2008 vous disiez que vous alliez bientôt reprendre la série, finalement ce n'est toujours pas le cas. Qu'en est-il ?
Avec Tokkô, j'ai voulu faire un univers plus ouvert, basé sur différents personnages, différentes histoires. Le troisième tome allait dans ce sens en se concentrant sur des protagonistes différents des deux premiers volumes. Ca permet de reprendre une série un peu quand on veut, selon ses envies. Tokkô est toujours dans un coin de ma tête, je ne l'oublie pas.
 

 


Entre Kamen Teacher dont le nom est une référence aux Kamen Rider, Momoider qui les parodie, ou votre récente participation à une adaptation de X-Or, vous semblez être fan du monde des tokusatsu, des sentai... Pensez-vous que cela vous influence ?
C'est vrai que j'ai toujours aimé cet univers. Quand j'étais petit, je ne ratais jamais Kamen Rider et Ultraman, entre autres. Ce sont les séries qui sont à la base des tokusatsu actuels, et c'est avec elles qui j'ai grandi, plus qu'avec les mangas et les animes. C'est après que ces derniers sont arrivés dans ma vie. Donc oui, j'ai été totalement influencé par cet univers, qui fait partie de ma génération.


Quand on vous demande quel est votre personnage préféré de GTO, vous citez Uchiyamada, pour son côté plus "humain normal",  pour son âge de baby boomer qui en fait un personnage à part au milieu de tous les jeunes de GTO. Aimeriez-vous vous essayer à un manga ayant pour personnage principal un homme mature normal comme Uchiyamada ?
C'est quelque chose que j'ai essayé de faire un peu dans les chapitres bonus de GTO Shônan 14 Days, en y plaçant en héros Uchiyamada. J'ai adoré faire ça, et en plus le retour des lecteurs a été très très positif. Donc qui sait, peut-être que se développera bientôt une série "Great Teacher Uchiyamada" ? Je dois bien dire que c'est loin d'être impossible !


Ca nous ferait plaisir ! D'ailleurs, ce ne serait pas votre premier spin-off. Encore récemment, vous avez fait Gt-R qui s'est terminé en octobre au Japon, et qui a pour héros Ryûji, le meilleur pote d'Onizuka dans Young GTO. Revenir sur ce personnage était un désir de votre part ou une attente des lecteurs ?
A la base, Eikichi et Ryûji étaient tous les deux les héros de Young GTO, avant qu'EIkichi ne devienne le héros de GTO et Ryûji un personnage secondaire. Après avoir longtemps mis Eikichi sur le devant de la scène, j'ai eu envie de reprendre Ryûji. Avec GT-R, j'ai voulu faire un nouveau portrait de Ryûji, qui a lui aussi bien changé depuis la fin de Young GTO. On en est arrivé à cette histoire de voleurs qui est au coeur de GT-R.
Pour l'instant la publication japonaise de GT-R est en pause, mais devrait bientôt reprendre à un rythme mensuel, donc plus lent qu'avant. J'espère que vous aurez l'occasion de lire cette série en France !
  


En plus des séries sur Onizuka et de GT-R, vous travaillez aussi sur Ino Head Gargoyle qui a pour héros le flic Saejima, et sur Black Sweep Sisters, sorte de spin-off de Reverend D...
C'est vrai que régulièrement, j'aime revenir sur mes précédentes séries, entre deux vraies nouveautés. Quand je rencontre mes fans on me demande tellement souvent quand j'écrirai la suite de telle ou telle série qu'au bout d'un moment, j'en ai moi même envie.
Revenir sur des personnages ou sur un monde qu'on a déjà créés, ça fait plaisir et ça peut permettre de l'approfondir encore plus.
D'ailleurs, cette envie ne se limite pas à GTO ou à Reverend D : j'ai en tête des suites pour Kamen Teacher et Momoider. Sachez également que j'espère pouvoir revenir de nouveau sur l'univers de GTO, en dessinant cette fois-ci une suite directe dans un ou deux ans.


Reprendre le concept de GTO dans GTO Shônan 14 Days découlait aussi de cette envie ?
C'est venu d'une envie commune : la mienne, celle des lecteurs qui souhaitaient toujours plus revoir Onizuka, et de mon éditeur qui s'est dit que c'était le bon moment au vu de la demande des fans.
Au départ, ce ne devait être qu'un one-shot, mais le plaisir que tout le monde a eu à replonger dans l'univers de GTO nous a poussé à en faire la série de 9 tomes que vous connaissez.

Entre GTO et Shônan 14 Days il s'est écoulé 7 ans. Du coup, on suppose que vous avez dû vous documenter à nouveau pour évoquer les problèmes de la société japonaise (maltraitance juvénile, problèmes parentaux...) ?
Comme les sujets de GTO étaient liés à l'actualité que nous voyions à l'époque, nous avons effectivement dû nous repencher sur la question, en mettant finalement l'accent sur les problèmes qui nous sont apparus plus graves encore qu'à l'époque de GTO : les problèmes parentaux dont vous venez de parler.
 


Cette année vous avez également commencé Aishi no Dutchoven Girl, manga qui semble très différent de ce que vous avez l'habitude de faire puisque d'après nos sources il mélange gastronomie et romance. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour tout vous avouer, la série a dû être discrètement arrêtée pour diverses raisons. L'idée de travailler sur une série aussi différente de ce que j'ai l'habitude de faire me plaisait beaucoup, mais au final ça ne restera pas une bonne expérience. Il n'y a pas grand chose à dire dessus, finalement (rires).
 

Votre carrière est désormais très riche, vous avez essayé de nombreux genres différents. Aujourd'hui, quel état des lieux pouvez-vous faire de votre parcours ?
En regardant en arrière, je constate que j'ai déjà fait plein de choses différentes. J'ai eu la chance d'avoir souvent des idées et de pouvoir rapidement les concrétiser, même si j'ai alterné entre succès et déceptions. Tout ça m'a appris beaucoup de choses... mais j'ai encore tant à faire ! Les idées continuent d'affluer, j'ai encore envie de tenter beaucoup de séries. Mais le temps passe et je pense que je ne pourrai jamais tout faire.
Du coup, actuellement, je suis dans une mentalité où j'aimerais me consacrer uniquement à une seule série, et pouvoir l'amener là où je le veux. C'est dans cette optique que je donne actuellement la priorité à Ino Head Gargoyle par rapport à mes autres séries en cours.
 
 
L'interview s'est terminée par une petite séance de dédicace à l'issue de laquelle nous avons eu la chance de recevoir un magnifique dessin !
 
 
 
Remerciements à l'auteur, à l'interprète, au staff de Japan Expo Belgium et à Laure Peduzzi de Pika Editions .