COLLAO Camilo - Actualité manga

Interview de l'auteur



MN - Pouvez-vous présenter en quelques mots?


JB - Je suis Julien Blondel, le scénariste d’Actor's Studio, j'ai 32 ans et je travaille dans la bande dessinée depuis 2 ans. C'est la septième bd sur laquelle je travaille. Avant je travaillais dans le milieu du jeu de rôle, de la publicité et de la presse spécialisée. Je suis arrivé dans le milieu de la bande dessinée en travaillant pour les Humano, en tant que chef de projet sur l’adaptation des Meta-barons. Je travaille aussi en parallèle avec les éditions Soleil et Delcourt.

CC – Moi c’est Camilo Collao, j’ai 25 ans, je suis dans la bd depuis 3-4 ans. J’ai commencé en tant qu’assistant de mon prof d’illustration qui faisait de la bande dessinée, qui s’appelle Sera pendant 1 an et demi et puis j’ai décidé de créer mes propres bds. Ca a commencé chez Carabas avec un projet qui est toujours en cours et qui paraitra prochainement. Comme il est difficile de vivre de la bd, j’ai travaillé à mi-temps à la création de sites internet (développement et graphisme..). Mais ce n’est pas ma vocation. Un ami du Café salé m’a montré la petite annonce des Humano pour Shogun, qui cherchait des personnes pour créer des bandes dessinées format manga et j’ai sauté sur l’occasion. Bien que ce style ne soit pas ma référence l’idée du format me plaisait bien et surtout le fait d’être considéré comme un salarié en tant que tel et surtout de pouvoir assumer mes besoins en travaillant dans le milieu de la bd.


MN - Votre série a pour trame de fond, le thème du snuff movie, pouvez vous nous expliquez ce que c’est ?

CC – Le snuff, ce sont des films réels, ou les protagonistes ne sont pas des acteurs qui jouent un scénario mais de scènes en prise de vue réelles, extrêmes ou violentes y compris meurtres ou viols.

JB – Le premier snuff recensé date de fin 70, c’est un film pornographique américain qui est un coup marketing de 2 producteurs, qui fait sa promotion en expliquant que tout était vrai et réel. Il n’y avait pas encore les violences ni de meurtres comme ceux actuels. Il y a eu une enquête de police, qui a démontré que finalement s’étaient bien des acteurs qui jouaient un rôle, mais le concept et l’idée de filmer des scènes réelles choquantes et violentes avait déjà fait sensation et donner des idées à d’autres… Le thème a été repris plusieurs fois au cinéma avec Canibal Holocauste par exemple. Diffusé sous le manteau avant en K7 video, ce genre de film serait disponible désormais via internet.

MN - Vous avez choisi de placer l’action d’Actor's studio aux Etats-Unis Pourquoi ?

JB – On voulait que les personnages soient universels, on aurait très bien pu situer l’action au Japon, mais cela aurait été moins pertinent. De plus ca renouait avec la genèse du snuff qui est américain. Il y avait aussi le coté, législation, plus libéraliste par rapport a un scandale ou un fait tel qu’évoqué dans l’histoire d’Actor Studio, qui n’est pas réaliste mais qui pourrait très bien être accepté dans un pays tel que les états-unis.

MN - Il est aussi question de télé réalité, un sujet bien d’actualité depuis quelques années, pouvez vous nous dire ce que vous en pensez ?

CC – Pour moi, c’est le malin, ca ne met pas en valeur le bon coté de l’être humain, et le pire c’est que ca rapporte beaucoup d’argent. Quand le premier show a été diffusé en France, je n’y ai vu que des personnes avec une perte de repère tout ca au profit de l’argent. Le pire c’est qu’il est maintenant impossible de revenir en arrière, la tendance des programme de ce genre n’ira qu’en augmentant.

JB – Il y a quelques années auparavant ce genre de concept télévisuel faisait plus parti de la science fiction qu’autre chose, quand on voit maintenant ce que peut proposer la télévision américaine, on se demande si cela va s’arrêter un jour. Certains pays sont déjà prêt à voir les gens se faire mal, ou être humiliés ou torturés en direct.

MN - On nous présente Actor's studio, comme une série s’appuyant sur un scénario à la 20th century boys, ou Monster de Naoki Urasawa, une sacrée référence dans ce domaine, pensez vous avoir réussit à relever le défi ?

JB – Ce n’est pas un défi qu’on essaye de relever, mais plutôt un style de narration qui s’en rapproche. C’est aussi le style de manga qui nous plait, pour le coté policier mais aussi psychologique. Quand notre éditeur a lu le scénario il a fait le rapprochement avec Monster, ce qui nous mettait un grosse pression sur les épaules, mais ce n’est pas la direction qu’on a voulu prendre à la base, mais si les lecteurs estime que ca s’en rapproche on en sera plutôt fier.

CC – Les gens aiment bien faire des comparaisons, c’est instinctifs moi je trouve que notre développement se rapproche plus du cinéma ou de la télévision, il y aurait alors plus de séries télé auxquelles on pourrait comparer ce titre.

MN - Camilo, quand tu as découvert Akira et Domu, de Katsuhiro Otomo, tu dis avoir pris une claque, son influence saute aux yeux quand on ouvre ce premier volume d’actor 's studio, est-ce voulu ?

CC – Pas vraiment à la base je suis surtout fan de Moebius (L’incal) avec son trait épuré. Mais plus jeune j’ai lu Akira, et c’est vrai j’ai pris une claque avec les scènes de violence, le découpage cinématographique surtout quand j’ai vu la version noir et blanc qu’un ami japonais m’avait rapporté car en France on avait encore que la version couleur. J’ai alors compris tout l’intérêt du noir et blanc de la trame etc… Puis je relu plus tard d’autre titres de Moebius, et j’ai fait la liaison entre les deux qui se sont retro-influencé en fait. Ce sont réellement les deux références qui actuellement influencent mon travail.

MN - Vous utilisez des trames pour certaines planches, c’est une technique très peu répandue dans la bd européenne, c’est pour coller plus au « style manga » ?

JB – Pas tout à fait, si on peut parler un peu de Shogun, la démarche de l’éditeur n’est pas de faire un manga à proprement parler, il ne cherchait pas spéacilement des personnes qui avaient un dessin style « manga » mais plutot de faire des ouvrages à la japonaise dans la technique de réalisation la facon de travailler, pour le rendu général du livre. On nous « impose » donc un découpage, un nombre de page, et l’utilisation du noir et blanc.
L’utilisation des trames est la pour rendre l’ouvrage encore plus ressemblant d’un point de vue technique cela fait parti des bases graphiques des ouvrages japonais.
Pour Actor's studio, c’est une troisième personne qui s’occupe du placement des trames car Camillo n’a pas le temps matériel de tout faire, surtout que cela demande beaucoup de temps.

MN – Combien de temps vous faut-il pour rendre un volume complet à l’éditeur ?

JB - Pour celui là il nous a fallu a peu prés 6 mois, on était pas encore dans l’objectif de production journalière. Il nous a fallu un peu de temps pour que l’on se rode, que l’on fasse des essais de planche etc… C’est réellement sur les 3 derniers mois que l’on est passé à la production réelle de ce premier tome avec un ryhtme de travail régulier et acharné.
Pour le magazine mensuel, on nous demande de rendre une trentaine de page par mois pour la prépublication.

MN - Pour chacun de vous, s’il y avait un manga que vous auriez aimé dessiner ou écrire quel est-il et pourquoi ?

CC - Un seul c’est assez difficile, en manga je dirais Domu et Mw et en BD Le garage Hermétique de Moebius.

JB – Pour moi c’est plutôt l’aspect découpage et narratif qui m’intéresse donc je dirais pour le coupage Coq de combat, et j’aurais voulu savoir dessiner pour Domu.

MN - Les puristes du manga dénigrent beaucoup, l’arrivée sur le marché français d’auteurs s’en inspirant qu’avez-vous à leur répondre ?

CC – Le leur dirait c’est vrai ce n’est pas du manga c’est du « franga », mais avant tout c’est de la bande dessinée, pour moi c’est une bêtise de dire ca c’est du manga ca, ca n’en n’est pas. Prenez Amer beton par exemple on est loin du critère manga ! Si on me dit que mon style n’est pas manga ce n’est pas un problème.

JB – Il y a une la même discussion à l’époque pour le RAP, quand le rap français est apparu, pour les puriste ce n’était pas du rap, le rap c’est américain. Avec le succès de suprême NTM qui a placé la barre très haut, les mœurs ont changé et depuis on n’évoque même plus la polémique. Pour le manga c’est un peu pareil, ca reste de la bande dessinée, avant tout, il y a des dessinateurs japonais qui vivent et dessinent en France et inversement des français qui dessinent pour le Japon. C’est du manga ou pas ?