ASAMIYA Kia - Actualité manga

ASAMIYA Kia 麻宮騎亜

Interview de l'auteur

Publiée le Lundi, 28 Décembre 2015

Un touche-à-tout : voilà comment nous pourrions brièvement définir la carrière de Kia Asamiya. Invité lors de la dernière édition de Paris Manga, ce grand nom peut se targuer d'avoir travaillé dans le manga (Silent Möbius, Dark Angel, Nadesico, Junk...), dans le comics (Uncanny X-Men...), dans la rencontre des deux (Batman : L'enfant des rêves...), mais aussi dans des projets de grande envergure comme le manga Star Wars Episode 1, et même dans l'animation en début de carrière sous son vrai nom, Michitaka Kikuchi. Il s'est d'ailleurs toujours amusé à présenté Kikuchi non pas comme lui-même, mais comme son partenaire : cofondateur de son studio (le Studio Tron), né la même année que lui, et doté d'un style de dessin identique !

Mais malgré sa carrière, c'est avec humilité que l'artiste nous offrit une assez brève mais sympathique rencontre, durant laquelle nous avons choisi de revenir essentiellement sur la facette de sa carrière liée aux USA et aux superhéros.




Kia Asamiya, merci d'avoir accepté cet entretien, c'est un honneur de vous avoir en face de nous. Vous êtes connu notamment pour vos années de travail en Amérique. Qu’est-ce qui vous a poussé vers les USA ?

Kia Asamiya : Je devais dessiner le manga Batman : L'enfant des rêves au Japon, et suis donc parti directement aux Etats-Unis rencontrer l'équipe de DC Comics.

Ce n'est pas directement lié, mais un ami éditeur m'a ensuite présenté à Marvel et à Dark Horse Comics pour un projet autour de X-Men, ainsi j'ai pu récupérer quelques contrats, et c'est cela qui m'a poussé à aller vivre aux USA quelque temps.


La réputation de Batman : L'enfant des rêves, n’est plus à faire, mais étant donné que votre manga offre une vision très personnelle de l’univers Batman, comment s’est déroulée la collaboration avec DC Comics ?

Une fois mon oeuvre finie il n'y a eu aucun problème.

Par contre, avant de dessiner, je dois avouer que c'était un peu tendu : j'avais une idée très précise de ce que je voulais faire, et de son côté DC avait aussi une idée de qu'ils voulaient que je fasse. On s'est confrontés durant les premières réunions, surtout sur certains points en particulier, à commencer par la nature de l'ennemi. DC a également beaucoup insisté sur un autre point : l'équipe savait que j'étais très fan des films de Tim Burton, et m'a dit je ne devais surtout pas faire un design se rapprochant de ces films.

Mais au final, je garde un très bon souvenir de cette expérience, car elle a été très formatrice.

 

Vous avez également signé le manga Star Wars Episode 1. Dans quel état d’esprit avez-vous abordé le fait de devoir adapter en manga un titre aussi culte que Star Wars ? Comment avez-vous géré la pression ?

Je suis moi-même un grand fan de Star Wars, donc vous imaginez bien que j'étais ravi et honoré de pouvoir apporter ma petite touche à la promotion de cette saga ! Mais en même temps, au vu de l'incroyable popularité de cette saga, j'ai connu beaucoup de pression, et il fallait vraiment que je me donne à fond pour essayer de répondre à la grosse attente des fans.

En plus de la pression vis-à-vis de l'attente des fans, il y avait la pression liée au timing : on a dû faire environ 160 pages en deux mois pour coller à la sortie du film !


Quelles différences noteriez-vous entre le travail en Amérique et celui au Japon ?

Pour moi, la grosse différence, c'est le nombre de personnes qui participent au projet. Côté manga, il y a l'auteur, quelques assistants et l'éditeur. Côté comics, il y a toute une équipe où chacun a son rôle : le scénariste, le coloriste, le graphiste... De ce fait, il y a sans doute une marge de liberté un peu meilleure dans le domaine du manga. Et le travail en manga est peut-être plus gratifiant, puisqu'on fait quasiment tout de A à Z.



A votre retour au Japon, c’est un autre manga de superhéros que vous avez attaqué : Junk. Toutefois, dans son genre il semble différent à la lecture : l'impact psychologique prime sur les combats contre des super méchants, par exemple. Quel était pour vous le challenge en créant un manga de superhéros au Japon, alors que vous reveniez des USA, le pays des superhéros ?

Je voulais exprimer la partie des superhéros que généralement on ne montre pas. Pourquoi cachent-ils leur identité ? Qui prend la responsabilité quand il y a des dommages collatéraux ? Etc...

C'était ça le but pour moi : présenter ce que je n'avais pas pu raconter dans les précédents titres de superhéros sur lesquels j'ai travaillé.


Comment est né votre intérêt pour les superhéros ? Et qui est votre superhéros préféré ?

D'instinct, je répondrais que mon superhéros préféré est Batman, notamment parce que j'ai été captivé par les films de Burton et surtout par la série animée de 1992. C'est généralement ce que j'affirme.

Mais avec le recul, quand j'y réfléchis plus en profondeur, je me souviens que quand j'étais petit j'aimais beaucoup Superman, et qu'au Japon j'ai également grandi avec des séries de héros qui étaient omniprésentes.

Donc finalement, je dirais qu'il n'y a pas vraiment eu de déclic : j'ai toujours aimé les superhéros parce qu'ils étaient souvent présents autour de moi.



Et vous, à votre avis, si vous-étiez un superhéros, comment seriez-vous ?

Je ne ressemblerai jamais à un superhéros, mais je rêverais de devenir Iron Man pour l'argent, la gloire et le costume ! (rires)


Etonnamment, vous avez aussi fait un court shôjo : Corrector Yui. Qu’est-ce que travailler sur un manga plutôt destiné aux filles vous a apporté ? Avez-vous dû adapter votre dessin ?

Quand j'étais animateur, j'ai eu l'expérience du genre en travaillant sur des animes de magical girls, ce qui m'a beaucoup servi.

Pour l'anecdote, à la base j'ai créé Corrector Yui pour ma fille qui était très jeune à l'époque. J'ai présenté le projet qui a été validé, mais le temps que tout soit prêt, ma fille était déjà entrée au collège et ne regardait plus de dessins animés (rires). Du coup, en parallèle j'en ai fait un manga !

Ca date de 2000, et quelque part, avec ses histoires de spam et de monde virtuel, je me dis que cette oeuvre était un peu visionnaire bien que très imparfaite.



Depuis 2004 vous travaillez sur un manga d’un tout autre genre : Kanojo no Carrera, dont la première saison compte 24 tomes (ce qui en fait votre manga le plus long) et dont vous avez attaqué la 2ème série Kanojo no Carrera RS en 2013 (elle vient juste de se terminer au Japon). Pouvez-vous nous parler plus en détail de cette saga qui a l’air très différente de vos précédentes ouvres ?

C'est un manga de voiture, arrivé après d'autres grandes oeuvres du genre comme Initial D. Mais je voulais faire quelque chose de différent : au lieu de me centrer sur les courses, j'ai souhaité présenter le quotidien de quelqu'un ayant une voiture de course, et de montrer ce que c'est que d'avoir une voiture de ce type : l'entretenir, chercher l'essence là où c'est le moins cher... Et je me suis dit que tant qu'à faire, autant raconter ça en mettant en scène de belles femmes !


Vous qui avez travaillé dans l’animation par le passé, que pensez-vous de l’animation japonaise d’aujourd’hui ?

Pour être franc, hormis pour donner un coup de main sur Space Battleship Yamato 2199 il y a un an ou deux, je suis resté éloigné très longtemps du monde de l'animation, et ne sais pas comment est ce milieu actuellement.

Ce n'est pas que ça ne m'intéresse pas, mais je ne suis pas tenu au courant.



On sait que plus jeune vous adoriez Gô Nagai, Shotarô Ishinomori ou encore Katsuhiro Otomo, puis qu’après vous avez décroché du manga pour plutôt vous intéresser aux productions étrangères, par exemple celles de Jim Lee ou Tod McFarlane. Aujourd’hui, que lisez-vous ? Avez-vous retrouvé un intérêt dans la lecture de manga ?

Aujourd'hui, je regarde surtout des films... Récemment j'ai adoré Kingsman.


La fusillade dans l'Eglise était excellente !

Oui ! C'est ce que j'attends de ce genre de films : de l'action décomplexée, fun, ultra-nerveuse et lisible qui ne se prend pas trop au sérieux.


Nous terminerons l'interview sur cet aparté !


Remerciements à Kia Asamiya, à son interprète Andy Oulebsir, à son manager Emmanuel Bochew et à Paris Manga pour la mise en place de cette rencontre.
  
Mise en ligne le 28/12/2015.