ASADA Nikki - Actualité manga

ASADA Nikki アサダニッキ

Interview de l'auteur

Publiée le Mercredi, 24 Septembre 2014

Conférence publique

Pour leur première participation à Japan Expo en tant qu'éditeur à part entière, les éditions Akata, avec l'aide du salon parisien, eut l'honneur d'accueillir l'auteure de l'une de leurs premières séries : Nikki Asada.

Seule auteure de shôjo présente sur le salon cette année, l'artiste à qui l'on doit le très bon Bienvenue au club fut mise sous le feu des projecteurs lors d'une conférence publique de près d'une heure, où elle put revenir sur son travail. Questions intéressantes et ambiance chaleureuse étaient au rendez-vous avec cette jeune auteure aussi simple que sympathique.

En attendant le compte-rendu de notre interview, nous vous proposons aujourd'hui de revenir sur cette conférence publique.

  
  
  
Comment avez-vous commencé votre carrière de mangaka ? Est-ce que c'est quelque chose que vous vouliez faire depuis longtemps ?

Nikki Asada : Il y a six ans, alors que je dessinais des mangas en amatrice, les éditions Akita Shoten m'ont repérée et m'ont proposé d'écrire un manga. Ce manga, c'est Bienvenue au club.


Avez-vous ressenti une grosse différence de travail entre la période où vous dessiniez en amatrice pour votre plaisir personnel et l'instant où vous êtes devenue mangaka professionnelle ?

Lorsque j'étais mangaka amatrice je faisais tout moi-même, du dessin jusqu'à l'impression.  Mais en passant professionnelle, j'ai commencé à avoir recours à de nombreuses autres personnes, comme le designer ou l'éditeur. Ce sont là les plus grosses différences que j'ai ressenties entre le milieu amateur et le milieu professionnel, par contre ma façon de travailler n'a, en soi, pas vraiment changé.


Quand vous avez commencé Bienvenue au club, il s'agissait originellement d'une série prévue pour ne faire que trois chapitres. Mais finalement, le succès fut tel que la série continue encore aujourd'hui. Quand vous avez commencé la série, aviez-vous envisagé qu'lele serait un jour si longue ? Avez-vous rencontré des difficultés pour la faire durer au-delà des trois chapitres initiaux ?

Etant donné que je souhaitais d'emblée créer des personnages assez profonds, il a été assez simple de poursuivre la série après trois chapitres, car je pouvais me reposer sur l'approfondissement de ces personnages.
Mais je dois vous avouer que si j'avais su tout de suite que la série dépasserait les trois chapitres, je n'aurais pas si rapidement coupé les cheveux du personnage d'Okinoshima, le travesti. J'aurais essayé de prolonger un peu le suspense là-dessus.
  
  
  
C'est vrai que c'était assez étonnant de voir Okinoshima, qui aime se travestir, se couper les cheveux dès le premier tome. Du coup, par la suite, comment avez-vous procédé pour continuer à bien exploiter ce personnage ?

Il est vrai que j'ai un peu regretté de lui avoir si vite coupé les cheveux, mais finalement, ce n'est pas parce qu'il a les cheveux courts qu'il arrête totalement de se travestir. Il alterne toujours vêtements masculins et vêtements féminins. Avec le recul, je pense désormais que c'était plutôt une bnne chose, car j'ai pu mieux faire évoluer le personnage et je peux plus facilement le transformer.


Restons sur les personnages en évoquant le travail que vous avez offert dessus. Ils ont tous des traits de caractère très différents, et ont tous leur propres tourments. Comment les avez-vous créés, et qu'avez-vous cherché à dire à travers eux ?

La série étant à la base prévue pour être lue par un public plutôt adolescent/lycéen, j'ai voulu présenter des personnages ayant des problèmes et des douleurs typiques de cet âge-là, et véhiculer un message de compréhension et de tolérance face à ces différents tourments.


Une chose un peu surprenante dans la série est le fait que le quatuor principal est composé de deux filles et de deux garçons, mais que vous arrivez à bien développer autant les personnages masculins que les personnages féminins. En tant que femme, comment avez-vous fait pour rendre crédibles vos personnages masculins ?

Je pense que dans l'âge de la dizaine (entre 10 et 20 ans) il n'y a pas tant d'écart que ça entre les hommes et les femmes, ou que cet écart est très ambigu. Ils ont un peu les même peines, les mêmes souffrances, les mêmes problèmes face à la vie. Pour travailler les garçons, j'ia donc procédé comme avec les filles : j'ai essayé de retrouver au fond de moi ce qui m'avait "agressée" à l'époque de l'adolescence.
  
  
  
Dans vos premières séances de dédicaces à Japan Expo, on vous a souvent demandé de dessiner certains personnages en particulier, notamment Ryô l'otaku et Yoriko, la présidente du club. Est-ce que ce sont aussi les personnages les plus demandés au Japon ? Qu'avez-vous pensé de ces demandes ?

En fait, à japan Expo j'effectue mes toutes premières séances de dédicaces, car je n'en ai jamais faites au Japon !
Toutefois, au Japon il y a eu une enquête de mon éditeur demandant aux lecteurs quel était leur personnage préféré, et ce sont Nima et Okinoshima qui sont arrivés en tête.  Du coup, hier, lors de ma première séance de dédicaces, j'ai été très surprise qu'on me demande autant Ryô et Yoriko. Je ne pourrais pas expliquer cette différence entre les lecteurs japonais et les lecteurs français (rires).


Sachant qu'à la base vous dessinez cette oeuvre pour le public japonais et qu'elle se déroule dans un lycée japonais, comment ressentez-vous sa publication en France ?

Il est vrai qu'au départ, je pensais que la série serait lue uniquement par des lycéennes japonaises, et ça m'a donc surprise, d'autant plus qu'elle est également publiée en Corée, en Thaïlande et en Indonésie.
Le fait que la série soit également comprise à l'étranger me fait dire qu'il n'y a pas tant de différences que ça entre l'adolescence japonaise et l'adolescence dans d'autres pays.


Parlons désormais de votre manière de travailler. Bienvenue au club connaît au Japon un succès suffisant pour que d'autres éditeurs se soient intéressés à vous, et vous travaillez donc désormais sur 4-5 séries en même temps, ce qui est assez énorme. Aucune n'est en pause, et vous travaillez à rythme très régulier. De ce fait, comment gérez-vous votre planning ?

J'ai beaucoup de chance, parce que les dates limites de rendu sont différentes pour chaque série. Certaines arrivent en début de mois, d'autres à la fin, et le peux donc facilement respecter les deadlines, en prenant les choses au fur et à mesure.
Pour une journée de travail, je décide à l'avance combien de pages je dois dessiner par jour, et je m'y tiens au maximum.
  
  
  
Et donc, combien de temps environ vous faut-il pour créer un chapitre de Bienvenue au club ?

Nikki Asada : La date de rendu pour Bienvenue au club est le 17 du mois. Je commence donc, en début de mois, par décider de la suite de l'histoire, puis j'en parle avec mon responsable éditorial chez Akita Shoten. Une fois que celui-ci m'a donné son accord, je m'arrange pour écrire et dessiner la suite dans les deux semaines avant la date butoir.
Je fonctionne de la même manière pour mes autres séries ce qui fait que parfois j'ai des travaux qui se chevauchent, mais il reste assez évident de tout faire.

Mr Saitô : Bonjour, je suis Mr Saitô d'Akita Shoten, et je suis en charge de Mme Asada. Je tenais à dire que je trouve Mme Asada plutôt formidable, parce que là où la plupart des auteurs réalisent généralement une quarantaine de pages par mois, elle parvient à en faire 100 par mois. Je toruve ça très impressionnant.


C'est d'autant plus impressionnant, Mme Asada, que vous travaillez seule, sans assistants ! Comment et où travaillez-vous ? On sait que vous ne travaillez pas toujours dans votre atelier...

Nikki Asada : En effet, je n'ai pas d'assistants. Pour commencer, je dessine entièrement à la main jusqu'à la phase avec le stylo, puis je scanne mes dessins, et je les retravaille par ordinateur avec Photoshop ou avec un autre logiciel de dessin.
Ca facilite beaucoup mon travail. Plutôt que d'échanger de nombreuses avec des assistants et de leur expliquer en détail ce qu'ils doivent faire, je trouve qu'il est plus rapide de tout faire moi-même.
Sinon, généralement je travaille chez moi, mais depuis quelque temps j'ai commencé à travailler dans un café qui s'appelle "Espace Manga" et qui met à disposition de nombreux instruments pour manga, ce qui est très pratique. Ca me permet de mieux me concentrer, mais aussi de voir d'autres mangakas en action.


Au Japon, à chaque tome Bienvenue au club change de logo. Comment ce concept a-t-il été créé, et quelles ont été les réactions des lecteurs au Japon ?

Nikki Asada : C'est une idée de Mr Saitô, et je dois dire qu'à chaque fois, ça m'amuse de découvrir le nouveau design de la couverture et le nouveau logo. Bien sûr, c'est le designer qui décide du design à adopter.
Les lecteurs japonais ont d'abord été un peu perdus, car en cherchant le tome 2 en magasin, ils n'ont pas trouvé de tome ressemblant au volume 1. Mais à présent on en est au huitième tome et ils se sont bien habitués (rires).

Mr Saitô : La couverture du tome 1 offre un ciel avec des lycéens, ils 'agit de quelque chose de typique des shôjo manga. Mais en réalité, quand nous avons discuté avec le designer et Mme Asada, on trouvait que ça ne reflétait pas toute la richesse de ce manga dans lequel on trouve plein de jeunesses et d'adolescences différentes. Nous nous sommes donc dit que cela serait bien que ça transparaisse également sur les couvertures, et nous avons décidé de varier les couvertures autant que les caractères des personnages.
  
  
  
Après quasiment une demi-heure, la parole fut laissée au public, qui put poser ses questions à Nikki Asada.


Tout à l'heure vous avez évoqué le travail de designer. En quoi cela consiste-t-il ? Quel est son périmètre d'action ?

Mr Saitô : Le designer lit le manga, puis s'en inspire pour demander à la mangaka de dessiner de telle manière les personnages. Une fois le dessin fait, le designer a la liberté de créer la couverture à partir de ce dessin. C'est un travail qui existe dans de nombreux domaines du livre, et pas seulement dans le manga. Ca existe aussi en France, par exemple.


Vous avez dit vous être inspirée de vos propres souvenirs pour créer les personnages. Y a-t-il un personnage dont vous vous sentez particulièrement proche ?

Nikki Asada : Je pense que je ressemble beaucoup au chef du club des fans d'anime (rires).


Quels conseils donneriez-vous à des mangakas qui débutent ?

Le premier principe reste à mes yeux la capacité à mener jusqu'au bout son histoire, à ne pas s'arrêter au milieu. C'est ça qui fait la principale différence entre quelqu'un qui restera toujours amateur et qui s'arrêtera dès qu'il en aura marre, et quelqu'un qui passera professionnel et consacrera réellement du temps chaque jour à écrire et dessiner.
  
  
  
Quelle est l'influence de votre éditeur sur votre travail ?

Avec l'éditeur Akita Shôten, j'ai la chance d'être très libre, là où d'autres éditeurs imposent de suivre la mode et les courants en vogue et demandent d'écrire des choses précises.
J'ai toute la liberté que je souhaite pour écrire ce dont j'ai envie.


Etant donné que vous réalisez plusieurs séries en même temps, il ne vous est jamais arrivé de les confondre ou d'avoir du mal à vous y retrouver ?

En réalité, mes cinq séries sont toutes totalement différentes, ont des histoires qui n'ont aucun rapport, et visent des lectorats différents. Par exemple, Bienvenue au club vise d'abord les adolescentes, alors que mes autres séries visent plutôt les femmes dans la vingtaine ou la trentaine. Du coup, il ne m'arrive pas de me tromper ou de les inverser.
Au contraire, ça me permet plutôt de me changer les idées. Je passe sans cesse d'une série à l'autre, d'un thème à l'autre, et cela m'aide beaucoup à rafraîchir constamment mes idées. C'est plutôt une bonne chose.
Mais c'est vrai que s'il s'agissait de cinq séries très proches dans leur genre, ce serait sans doute plus difficile à faire.


Les minutes suivantes furent consacrées au dessin live de Nikki Asada, qui s'appliqua à coucher sur papier un portrait aux couleurs française de Nima Momosato, l'héroïne de Bienvenue au club. Tout en commençant à dessiner, la mangaka précisa que quand elle commence à dessiner, elle réalise toujours la première ébauche avec un criterium bleu ciel, ce qui lui permet d'éviter la douloureuse opération du gommage, car cette couleur ne transparaît pas sur ses scans.

Dix minutes plus tard, le dessin était achevé et laissait apparaître une adorable Nima, tout sourire et remerciant ses fans français. Nikki Asada reçut une belle salve d'applaudissements.

  
  
  
La mangaka ayant été très rapide pour effectuer son dessin, il resta encore une dizaine de minutes pour une dernière salve de questions-réponses !


Avez-vous toujours voulu être mangaka ?

Depuis que je suis enfant j'aime beaucoup écrire, et djéà quand j'étais toute petite devenir mangaka était mon rêve. Mais à cette époque-là, je n'aurais jamais imaginé que ça se réaliserait vraiment ! Quand Mr Saitô est venu me proposer de réaliser un manga, c'est à ce moment-là que j'ai pris conscience que mon rêve se réalisait.


Avant d'être mangaka vous travailliez dans une banque. Quand vous avez soudainement arrêté ce travail pour vous consacrer au manga, comment vos collègues de la banque ont-ils réagi ?

En réalité je ne leur ai toujours pas dit que je suis devenue mangaka. Par contre, avec le succès de Bienvenue au club je commence à être un peu connue, et du coup ça commence à se savoir (rires).
  
  
  
Lisez-vous des mangas ? Quelles sont vos influences ?

Depuis toute petite je lis tous les genres de manga, mais il n'y a pas un titre en particulier qui m'a profondément influencée. Je pense que je suis un petit peu influencée par tout : la télévision, les dramas, les mangas... Je puise dans tout ce qui m'entoure, y compris dans ma vie quotidienne.


Bonjour, je suis japonaise et suis venue du Japon en voyage avec mon mari et mes enfants. Jusqu'à présent le monde du manga nous paraissait très lointain, mais grâce à cette conférence et à tout ce que vous avez dit j'ai l'impression de m'être rapprochée de ce monde et de le comprendre un peu mieux. Ainsi, je vais bientôt rentrer au Japon et ai hâte de lire vos mangas.

Bonjour (rires). Je suis honorée et surprise que nous ayons pu nous rencontrer, toutes deux qui sommes japonaises, à l'occasion de Japan Expo en France ! Je vous remercie beaucoup pour vos paroles, et j'espère que vous apprécierez mon travail une fois rentrée au Japon.


La conférence se termina sous une dernière pluie d'applaudissements, à l'issue de laquelle la mangaka remercia longuement son public et prit le temps de poser en photo avec quelques fans.
  
  
Mise en ligne en août 2014.
  
  
  
Interview

Pour leur première participation à Japan Expo en tant qu'éditeur à part entière, les éditions Akata, avec l'aide du salon parisien, eurent l'honneur d'accueillir l'auteure de l'une de leurs premières séries : Nikki Asada.
Seule auteure de shôjo présente sur le salon cette année, l'artiste à qui l'on doit le très bon Bienvenue au club nous accorda une interview qui fut l'occasion d'approfondir un peu sa très intéressante conférence publique donnée la veille, conférence dont vous pouvez retrouver notre compte-rendu en suivant ce lien.

A présent, voici ce qui a résulté de notre rencontre avec une auteure à suivre de près !

  
  
  
  
  
Nikki Asada, merci d'avoir accepté cette interview. Avant d'être professionnelle vous dessiniez des œuvres en amateur. Quel genre d'oeuvres faisiez-vous à cette époque ?

Nikki Asada : C'est moi qui vous remercie, je suis honorée d'être en France, d'autant plus que c'est pour moi l'occasion de me prêter à mes premières dédicaces et premières véritables interviews.
A l'époque où j'étais amatrice, je faisais principalement des doujinshi de type boy's love. Je ne dessinais pas de scènes érotiques, mais me concentrais plutôt sur l'amitié entre garçons qui aboutissait souvent sur un peu plus que de l'amitié.


Et à l'époque où vous travailliez dans une banque, pourquoi avez-vous choisi de changer totalement de métier ? Y avait-il déjà eu une sorte de déclic avant que Mr Saitô, votre responsable éditorial chez l'éditeur Akita Shoten, vous contacte ?

Tout s'est vraiment décidé au moment où Mr Saitô m'a proposé de faire un manga en professionnelle. C'était une occasion de peut-être pouvoir réaliser mon plus vieux rêve, un rêve que j'avais presque oublié depuis mon entrée à la banque.
Mais je vous avoue qu'à cette époque, je ne savais pas du tout si ça allait marcher, si j'allais pouvoir me nourrir correctement avec ce nouveau travail de mangaka. Et aujourd'hui encore, je me demande pourquoi j'ai fait cette folie de quitter mon travail en banque pour me consacrer au manga sans savoir si ma carrière dans ce milieu allait décoller (rires). Ma passion pour le manga est ressortie naturellement.
  
  
  
  
  
Comment vous est venue l'idée de Bienvenue au club ? Comment s'est déroulée l'élaboration des personnages, tous très différents ?

En ce qui concerne les personnages, je souhaitais représenter de façon légèrement exagérée des caractéristiques que l'on a tous en nous : notre aspect un peu otaku est extrapolé avec Ryô ou les membres du club des fans d'anime, notre côté légèrement pénible est poussé à travers Yoriko notamment, notre soif d'amour et nos échecs amoureux se retrouvent dans Nima...
Par contre, je ne sais pas trop d'où m'est venue l'idée de la série. Je sais juste que j'avais envie de dessiner une oeuvre se passant au lycée pendant l'adolescence, et suivant le quotidien d'un groupe. Cette ambiance de groupe, avec ce que ça implique au niveau des relations, c'est quelque chose que j'adore, y compris quand moi-même je lis ou regarde d'autres oeuvres comme des dramas.


Les personnages de Bienvenue au club ont tous des passions ou tourments souvent mal perçus ou dénigrés par les personnes qui ne cherchent pas à les comprendre : le cosplay, les animes, la couture pour l'un des garçons de la série... Vous-même, quelle est votre vision de ces « marginalités/freaks » des temps modernes ?

J'aime beaucoup les personnes qui vivent leur passion avec naturel. Et puis je suis moi-même une otaku, donc j'adore le cosplay, les animes...
J'ai des amis qui font du cosplay, je trouve ça bien, et il me semble important de faire l'effort de chercher à comprendre l'autre, de ne pas le dénigrer. Ce sont des passions comme les autres, et qui sont inscrites dans notre époque.
  
  
  
  
  
Justement, vous disiez hier, pendant votre conférence vouloir offrir un message de compréhension et de tolérance, ce qui se ressent parfaitement à la lecture, surtout avec Yoriko qui, même si c'est à sa manière, s'intéresse aux autres, et surtout Nima qui ne s'arrête jamais à ses premières idées. Même pour Kana, à première vue assez peste, Nima ne s'arrête pas à ce que Kana lui renvoie dans la face et tente de la comprendre, quitte à se confronter violemment avec elle...

Merci de le souligner, car c'est totalement l'un des sujets qui me tient le plus à coeur dans mon manga.
Il me semble important, même quand on n'aime pas une personne, de se demander pourquoi on ne l'aime pas. Il faut essayer de comprendre pourquoi, et peut-être qu'après on pourra essayer de retourner vers cette personne en tentant de mieux la cerner et l'accepter avec ses défauts. En tant qu'être humain, c'est quelque chose de très important, et c'est exactement ce que fait Nima avec Kana.


Les premiers échos qu'on a pu voir en France donnent l'impression que les garçons aiment autant la série que les filles. Akata a d'ailleurs bien joué le coup en incluant la série dans une collection mixte. Cette tendance est-elle la même au Japon ? Qu'en pensez-vous ?

Au Japon il n'y a pas beaucoup de séances de dédicaces, et personnellement je n'en ai encore jamais faites. Par contre, il y a de temps en temps des enquêtes, et l'une d'entre elles m'a permis d'apprendre qu'au Japon aussi, beaucoup de garçons aiment Bienvenue au club. En France, même topo. J'en suis à la fois surprise et honorée, car à la base ma cible est avant tout féminine.
Ça me confirme ce que je disais hier dans ma conférence : à mon avis, les doutes et les peines qu'on a pendant l'adolescence sont similaires entre les filles et les garçons, et c'est peut-être pour ça que ma série touche aussi les garçons. Je pense également que mes dessins n'y sont pas étrangers : ils sont faciles à regarder par tous et ne sont pas excessivement typés shôjo.
  
  
  
  
  
Bienvenue au club possède un bel équilibre entre le portrait de tourments typiquement adolescents, l'humour et les sentiments. Cet équilibre était-il prévu dès le départ ? Constitue-t-il une ligne directrice que vous comptez poursuivre, ou alors un de ces axes vous intéresse-t-il plus que les autres ?

Je ne pense pas avoir le talent pour tout prévoir dès le départ (rires). Jusque là, je me suis contentée de mener la série naturellement, sans chercher à plus mettre en valeur certaines choses en particulier, et cet équilibre est donc arrivé tout seul.
Pour la suite de la série, je ne souhaite pas insister plus particulièrement sur certains éléments, ou en tout cas je n'ai pas prévu de le faire. Si ça se fait, ça arrivera naturellement. D'ailleurs, je pense que trop prévoir les choses à l'avance nuirait au côté naturel de la série. Après tout, dans la vie on ne peut pas prévoir ce qui va nous arriver, dans Bienvenue au club c'est pareil.


Hier vous disiez avoir du mal à avouer votre travail de mangaka à vos anciens collègues de la banque. Peut-être parce que le travail de mangaka est encore perçu de façon un peu péjorative, tout comme les passions de vos personnages pour les animes, la culture otaku, l'incompréhension face à l'amour... ?
Aujourd'hui, entrevoyez-vous une évolution positive du regard des autres sur tout cela dans la société ?


Par rapport à il y a quelques années, le métier de mangaka me semble désormais vu de manière beaucoup moins péjorative, voire même comme un très beau métier. Je crois qu'il fait d'ailleurs partie du top 10 des métiers visés par les enfants.
Si je ne dis pas à mes anciens collègues que je suis mangaka, c'est tout simplement parce que j'aurais un peu l'impression que des gens que je connais lisent mon journal intime (rires).
  
  
  
  
  
On peut donc en conclure qu'il y a beaucoup de vous dans votre série ?

Il y a beaucoup de moi dans la mesure où j'essaie de me baser sur certains souvenirs de mon adolescence, mais les personnages sont totalement inventés, et ce qu'ils vivent ne sont pas des choses que j'ai vécues. Il n'y a aucun aspect autobiographique derrière, et je ne voudrais pas qu'on pense que c'est le cas. J'ai un peu peur qu'on pense que ce sont des choses qui me sont arrivées (rires).


Et ce sont des choses que vous avez pu observer chez les autres ?

Il m'est arrivé d'observer certains détails dans la réalité, mais le plus gros vient de mon imagination.
  
  
  
  
  
Merci beaucoup pour vos réponses !

Merci à vous ! Je suis vraiment honorée d'avoir pu venir en France, et je crois que je suis en train de tomber amoureuse de votre pays. A Paris, j'ai été très surprise de voir des fleurs sur les balcons, et je trouve ça magnifique.


Remerciements à Nikki Asada, à son interprète, aux éditions Akata et à Japan Expo.
  
Mise en ligne en septembre 2014.