Interview de Takuto Kashiki, l'auteur de minuscule chez Komikku- Actus manga
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Manga Interview de Takuto Kashiki, l'auteur de minuscule chez Komikku

Jeudi, 22 Octobre 2015 à 19h00 - Source :Rubrique interviews

En mars dernier, les éditions Komikku avaient le plaisir d'accueillir en France Takuto Kashiki, le jeune auteur de très beau minuscule, que nous avons eu le plaisir de rencontre pour une interview riche en enseignements ! Compte-rendu.
  
  



Takuto Kashiki, c'est un plaisir de vous avoir en face de nous. Une question très simple pour commencer : qu'est-ce qui vous a amené à devenir mangaka ?

Takuto Kashiki : De mémoire, j'ai été bercé par les mangas depuis tout petit, car ma mère elle-même en lisait beaucoup aussi. Du primaire jusqu'à la fin des études, je pense que mon intérêt pour cet univers ne m'a jamais quitté.

Après avoir fait des études dans une université spécialisée dans le manga, je suis monté à Tôkyô où j'ai commencé à dessiner pour des fanzines. C'est là que j'ai eu la chance d'être repéré par Mme Morioka qui est ensuite devenue mon éditrice au sein d'Enterbrain.

Mme Morioka m'a demandé de dessiner trois one-shot, dont l'un allait devenir plus tard le premier chapitre de minuscule.


Quel type de fanzine dessiniez-vous ?

Je faisais une réinterprétation des personnages du jeu Touhou Project.



Quand vous avez créé le one-shot/chapitre pilote de minuscule, comment a germé en vous cet univers ?

Depuis que je suis petit j'adore lire des livres illustrés racontant des histoires de personnages petits, comme des souris ou des nains. J'ai toujours baigné dans ce genre d'oeuvre et c'est donc tout naturellement que j'ai dessiné ce type d'univers quand je suis devenu mangaka.


Avez-vous des références en particulier dans le domaine des livres illustrés et des contes ?

Concernant les livres illustrés, j'ai toujours adoré la série Foxwood Tales. Il y a aussi la série japonaise des 14 Souris dessinée par Kazuo Iwamura (un auteur dont beaucoup d'oeuvres sont disponibles en français, ndlr).

Je peux également citer, dans le domaine des dessins animés, l'OAV Little Twin Stars.



A la lecture du tome 1, on constate que Hakumei et Mikochi se complètent parfaitement ! L'une est plutôt débrouillarde et aventureuse, n'a pas peur devant l'inconnu et va souvent de l'avant, quitte à se mettre un peu en danger dans son travail de réparatrice par exemple. L'autre est plus timide, plus réticente face à l'imprévu, mais craque littéralement devant de belles étoffes, et dévoile tout son talent dans son travail, ou tout simplement dans le chant et la cuisine.  Comment avez-vous déterminé leur caractère respectif ?

Je pense que mes deux personnages représentent les deux parties contradictoires de mon propre caractère. Je suis à la fois quelqu'un qui aime rester à la maison et faire la cuisine comme Mikochi, mais aussi quelqu'un d'optimiste comme Hakumei.

C'est comme ça que j'ai conçu les deux personnages au début. Mais maintenant je n'y fais plus tellement attention, je les dessine tout naturellement car j'ai l'impression que toutes deux vivent leur vie (rires).


Et pour la création des autres personnages miniatures comme la petite savante Sen, y a-t-il aussi une part de vous-même ? D'autres personnes ? Comment les avez-vous créés ?

Je commence d'abord par déterminer leur comportement, leur type de langage, leurs hobbies, ce qu'ils aiment et détestent... Puis une fois que tout ceci est bien fixé, les personnages vivent leur vie tout naturellement. Mais ils sont beaucoup moins inspirés de personnes réelles que peuvent l'être Hakumei et Mikochi.



Minuscule est une vraie claque visuelle. Les décors champêtres possèdent de nombreux détails sur les petits éléments comme les feuilles (qui paraissent grandes pour les héroïnes !), les lieux semblent regorger de vie comme c'est le cas pour le port d'Arabi et son marché, les  animaux sont souvent croqués de façon très réaliste... Quelle part de documentation y a-t-il dans votre travail pour retranscrire précisément tout ça ?

Le travail de préparation est très important. Ce que je voudrais d'abord, c'est que mon manga soit presque sensuel, dans le sens où j'aimerais que les lecteurs puissent quasiment toucher la texture des arbres, des feuilles ou des herbes, ou sentir l'odeur du pain par exemple, quand les personnages sont dans les rues d'Arabi.

Pour faire ressortir ces sens, il est très important de dessiner les décors avec de nombreux détails, et pour ce faire je me suis surtout basé sur mes souvenirs personnels, sur mon expérience. Bien sûr, quand ma mémoire est défaillante je me documente, mais en dehors de ces cas tout est basé sur ma propre perception des choses et sur mes souvenirs.


Avec leur design tout en rondeur, les petites héroïnes de minuscule dénoteraient presque dans ce cadre fourmillant de détails réalistes. Comment avez-vous imaginé leur physique ?

Je pense que j'ai été influencé par tous les mangas et les jeux vidéo que j'ai parcourus. Et puis comme vous le signalez, il fallait que les personnages aient un design "chibi" plus relâché et mignon pour contrebalancer le réalisme des décors, sinon je pense qu'ils se seraient trop fondus dans le paysage et que la lisibilité des planches en aurait souffert.

J'attache beaucoup d'importance au design des personnages, car c'est important de pouvoir les reconnaître rien qu'à leur silhouette.



On constate aussi un certain travail sur les vêtements des héroïnes, souvent assez fouillés et reconnaissables. Quelle importance accordez-vous aux tenues ?

Merci de le remarquer ! Alors que la silhouette et le design des personnages trouvent leurs inspirations dans les mangas ou les jeux vidéo, il en est tout autre concernant les petits détails et la texture des vêtements.

C'est le fruit d'un travail personnel. J'adore acheter des tissus, regarder des vêtements, admirer de belles étoffes, regarder de près comment tout ça est fait, observer comment les gens s'habillent dans la rue... C'est le fruit de toutes ces observations et de mes expériences personnelles qui offre aux vêtements leurs détails et leur texture.


Il y a aussi les événements locaux, comme la fête des moissons. Vous êtes-vous inspiré de fêtes réelles pour ce type d'événements ?

J'adore les fêtes folkloriques, avec leurs stands typiques, la foule enjouée, les vêtements traditionnels... Je voulais donc à tout prix dessiner des événements de ce genre. Pour cela, je me suis bien documenté afin d'en transmettre toute l'atmosphère.


Beaucoup d'animaux, comme Sardin le furet ou Mr Ballon le raton-laveur, sont humanisés, se déplacent et parlent un peu comme des humains, mais n'en restent pas moins très précis et fidèles au niveau de leur représentation animalière. Est-il difficile de représenter cette humanisation tout en conservant leur physique animal ? Comment trouvez-vous le juste équilibre ?

Comme vous l'avez dit, la plupart des animaux sont très réalistes, et dans la réalité il est très rare de les voir avec des visages expressifs. J'ai donc décidé, pour les personnages animaliers un peu plus récurrents comme Sardin, de les déformer un tout petit peu afin de leur apporter juste ce qu'il faut d'humain. Quant aux animaux apparaissant peu ou ayant un rôle secondaire, je les laisse tels quels, avec toute leur animalité et leur réalisme.



Dès le tome 1, on remarque aussi toute une société qui s'organise et qui vit. Il y a des moyens de transport typiques, un réseau postal, un journal... Quelle importance accordez-vous à la création de cette petite société ?

Les bases culturelles de l'univers ont été fixées dès le départ. Par contre, le fait de savoir quelle boutique il y aura dans telle ville par exemple, c'est quelque chose qui me vient au fur et à mesure et par tâtonnement. Et je les crée aussi par nécessité. Par exemple, la boutique de tissu est née parce que j'en avais besoin pour le scénario, quand les deux héroïnes doivent acheter du tissu.


A la lecture du tome 1, on ressent une sorte d'apaisement en voyant le quotidien simple et heureux des petites héroïnes, au calme dans leur forêt et dans les accueillantes petites bourgades. Même si elles travaillent et se mettent parfois en danger, elles semblent très éloignées de notre monde contemporain ultra urbanisé et stressant, profitent de leur quotidien, des relations avec les autres, ou même des petits plaisirs quotidiens comme l'alcool. A travers minuscule, souhaitez-vous donc mettre en valeur une sorte de retour aux sources, aux choses simples de la vie ?

C'est vrai que c'est un milieu qui paraît apaisant, mais c'est surtout parce que les deux héroïnes souhaitent vivre de façon apaisée.

Mais n'allez pas trop vite, car je ne suis pas sûr que cet univers soit simplement apaisant ! Il y a peut-être des petits drames qui se cachent derrière et que je n'ai pour l'instant pas eu l'occasion de dessiner...

On regarde l'univers de minuscule à travers les yeux de ces deux petites qui, de toute façon, ont décidé de vivre ce genre de vie. On voit les choses uniquement de leur point de vue... tout du moins, pour l'instant. On a l'impression que tout est calme, paisible, mais qui peut dire si c'est vraiment ainsi ?


En France, la série a tout pour toucher autant les petits que les grands. Au Japon, est-ce le même public qui est touché ?

C'est pareil au Japon. Je pense que ce manga touche un très large public.

Je reçois beaucoup de lettres et de cartes postales de personnes qui ont entre 20 et 30 ans, mais je reçois aussi du courrier d'enfants d'école primaire ou de personnes plus âgées de 50-60 ans.

Je suis très heureux que ma série puisse toucher toutes les tranches d'âges, et sans distinction de sexe.


Minuscule a d'abord débuté dans le magazine Fellows!! d'Enterbrain puis est passé dans le magazine Harta quand le Fellows! a été arrêté. Est-ce que cela a eu un impact sur la publication de la série et sur votre façon de travailler ?

En réalité, ça n'a eu aucune incidence ! La politique du magazine est restée exactement la même, seul le nom a changé.



Quels outils utilisez-vous pour dessiner ?

J'utilise les outils classiques. D'abord une mine pour effectuer les crayonnés, puis le G-Pen pour les traits. Ensuite, pour les aplats j'utilise l'encre de Chine de la marque Kuretake. C'est une marque à laquelle je tiens beaucoup. Enfin, je passe à l'informatique pour concevoir les trames.


Et quelle part de travail y a-t-il entre l'écriture et le dessin ?

Généralement, l'écriture du scénario d'un chapitre me prend moins d'une semaine, mais il peut arriver que ce soit un peu plus quand il y a un problème. Puis la partie dessin me prend environ deux semaines.


Vous disiez être amateur de jeux vidéo et de mangas. Quelles sont vos références actuelles et plus anciennes dans ces domaines ?

Avant j'étais un gros joueur, mais depuis que je suis mangaka j'ai beaucoup moins le temps d'y jouer. Je faisais beaucoup de RPG, mais comme ce type de jeu prend beaucoup de temps, aujourd'hui je me dirige de plus en plus vers les jeux de shooting.

Côté manga, quand j'étais petit j'adorais Doubutsu no Oisha-san (Le Médecin des Animaux, inédit en France ndlr), une série de Noriko Sasaki qui mettait en scène des vétérinaires et que j'ai relue plusieurs fois. Concernant les dessins, le design rond d'Akira Toriyama m'a beaucoup influencé.
J'aime également beaucoup les dessins très riches et fins d'Akihiro Yamada (illustrateur des romans Les 12 Royaumes et auteur du manga Beast of East, ndlr).
Et au niveau du scénario, je suis fan du Cortège des cent démons. A l'instar du Médecin des Animaux, c'est une série qui a été publiée dans un magazine originellement plutôt orienté pour le public féminin, mais comme vous l'avez sûrement déjà deviné je ne fais pas de frontières entre loisirs pour filles et pour garçons.



Pour finir, que diriez-vous aux lecteurs pour leur donner envie de lire minuscule ?

Je pense que minuscule est un manga facile d'accès, facile à lire, et j'espère en faire un manga que vous pourrez lire avec plaisir autant de fois que vous le voudrez.


Remerciements aux éditions Komikku, à l'interprète Ryoko Akiyama, à l'auteur Takuto Kashiki et à son éditrice Mme Morioka.
  



© 2013 Takuto Kashiki / PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION ENTERBRAIN

commentaires

damian

De damian [4646 Pts], le 29 Octobre 2015 à 14h41

il m'a preque donne envie d'acheter son manga

Terra

De Terra [761 Pts], le 23 Octobre 2015 à 18h05

J'ai commandé les 2 premiers tomes aujourd'hui \(^_^)/

anemone

De anemone [10237 Pts], le 23 Octobre 2015 à 17h40

J'aime beacoup ce qu'il fait.

cicipouce

De cicipouce [3179 Pts], le 23 Octobre 2015 à 15h26

Ca sera surement mon cadeau de noël à moi même les trois tomes de minuscule ...

 

Merci pour cette interview ...

Towblarck

De Towblarck [312 Pts], le 23 Octobre 2015 à 14h18

Wow je viens d'acheter le tome 3 et je tombe dessus, trés bonne interview et trés bon manga

Koiwai

De Koiwai [12685 Pts], le 23 Octobre 2015 à 09h24

C'est rectifié, merci :-)

amaylee

De amaylee, le 23 Octobre 2015 à 04h01

Il n'utilise pas un J-pen mais un G-pen. L'erreur est imputable du fait qu'il l'a sans doute prononcé le G à la japonaise romanisée en dji qui équivaut à de l'anglais.

Bobmorlet

De Bobmorlet [5525 Pts], le 22 Octobre 2015 à 22h32

Bien comme interview!

lilianneterre

De lilianneterre [1651 Pts], le 22 Octobre 2015 à 20h41

Ce serait bien, qu'un artbook, sorte un jour ...

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