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Manga Interview - Fumiyo Kôno

Mardi, 01 Mai 2012 à 16h00

Début mars, Planète Manga, qui se déroule au Centre Pompidou à Paris, accueillait Fumiyo Kôno, auteure du Pays des Cerisiers, Pour Sanpei, Koko et Une longue route. L'occasion pour nous de partir à la rencontre de cette mangaka de talent, aussi douce et simple que ses œuvres.
   
 
 
Manga-News: Fumiyo, Kôno, merci d'avoir accepté cette interview. Quel a été votre parcours pour devenir mangaka ?
Fumiyo Kôno: Après avoir arrêté mes études en cours de route à l'université de Hiroshima, je suis allée habiter à Tôkyô, où j'ai commencé à aider un ami de l'université qui avait arrêté ses études avant moi pour devenir mangaka. Tout naturellement, il m'a rapidement demandé de devenir son assistante. C'est ce qui m'a amenée à devenir mangaka.
Ensuite, je pense que c'est mon manga Machikado Hanadayori qui m'a fait décoller. J'ai également travaillé avec d'autres mangakas, tout en continuant d'autres oeuvres seule.


Qu'est-ce qui vous a donné à vous, originaire de Hiroshima, l'envie de parler du drame qu'a vécu cette ville dans le Pays des Cerisiers ? Que représentait ce travail pour vous ?
Pour être franche, je n'aime pas parler de la guerre dans mes mangas (rires). Je ne souhaitais donc pas vraiment dessiner un manga sur la bombe atomique, mais étant originaire de Hiroshima, je me suis rendue compte que ça me tenait finalement à coeur.
En réalité, même au Japon ou à Hiroshima-même, il n'y a pas tant de personnes que ça qui s'intéressent à la bombe atomique. Ils semblent avoir oublié ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre Mondiale, ou alors préfèrent l'ignorer. De mon côté, j'ai cherché à faire un travail de commémoration, de souvenir, de rappel de ce qui s'est passé et des conséquences que ça a eu sur les simples habitants.


Vos personnages sont souvent uniques, dotés d'un caractère bien marqué mais haut en couleur. Par exemple, comment sont nés Sosuke, le mari bougon d'Une longue route, et Michi, sa douce et distraite épouse ?
Au Japon, il y avait un manga du même titre dessiné par Yu Takita (auteur pionnier du manga autobiographique, à qui l'on doit notamment les Histoires singulières du Quartier de Terajima, et Chauds chauds les petits pains et autres ragots du quartiers, ndlr) que j'adorais. Je dois dire qu'il m'a beaucoup influencée. Dans ce manga, il n'y avait rien d'autre que la vie d'un couple, assez calme, et que j'ai trouvée belle. Au départ j'ai voulu faire la même chose, mais le résultat final a petit à petit dévié vers autre chose, surtout dans le caractère de Sosuke et Michi.


Et comment est né le manga Pour Sanpei ?
Le magazine où j'ai publié Pour Sanpei était principalement destiné aux hommes d'âge moyen. Il me semblait donc évident que le personnage principal de Pour Sanpei devait être un homme. En poursuivant dans cette voie, j'ai remarqué que souvent, dans les mangas destinés à ce public, les personnages sont des hommes qui ont peur de se tromper, de faire fausse route. J'ai donc eu pour ambition d'approfondir cela, et de faire passer un message aux hommes, qui sont si souvent fiers d'eux-mêmes (rires) : même les hommes peuvent se tromper, l'erreur est humaine. A partir du moment où l'on accepte d'assumer cela, on avance. Sanpei en est l'exemple : il a fait des erreurs quand son épouse était à ses côtés, n'a pas toujours été très attentif, très utile dans la vie de tous les jours. Une fois que son épouse est partie, il en prend conscience, mais loin de se laisser abattre, peut compter sur sa famille pour comprendre certaines choses et continuer à avancer.


 
Oui, on ressent bien l'évolution de Sanpei au fil des pages. Au départ il est bougon, puis il s'adoucit au contact de son excentrique petite fille et de la jeune et charmante Senkawa...
Sur le coup, je ne me suis pas rendue compte que ces relations avec son entourage le changeaient autant, mais ça m'est ensuite apparu comme une évidence.
Sanpei avait beaucoup de difficultés à communiquer avec les autres, et je voulais voir comment il allait surmonter ses problèmes. C'est avec cette idée en tête que j'ai mis en place sa relation avec Senkawa.


Et d'où vous est venue l'idée de Koko, oeuvre de prime abord plus enfantine (même si c'est loin d'être le cas) ?
C'est venu un peu par hasard (rires). Un autre auteur de manga n'a finalement pas pu publier son oeuvre qui était prévue dans un numéro du magazine, et j'ai donc dû le remplacer assez rapidement. Le premier chapitre de Koko est né comme ça. Mais comme Koko est rapidement devenu populaire avec ce seul chapitre, la publication est devenue régulière.


Malgré des sujets souvent mâtures (bombe atomique, mort d'un proche...), votre coup de crayon reste léger et enfantin, et surtout très doux. Pourquoi ? Que souhaitez-vous en dégager ? Est-ce une volonté de pouvoir toucher tous les publics, même les plus jeunes et féminin/masculin ?
Je vous remercie, ça me fait vraiment plaisir que l'on ressente ça à travers mes dessins.
Pour tout vous dire, je déteste dessiner des choses tristes, mais dans une vie, tout n'est pas tout rose, et il y a des moments de tristesse que l'on ne peut pas occulter. Ce style, je l'ai donc adopté pour tenter d'aborder des choses peu joyeuses mais qui font une vie, auprès d'un public qui, comme moi, n'aime pas forcément les histoires tristes.


En plus de Yu Takita, pensez-vous avoir des influences particulières, que ce soit en manga ou autre ?
Je regarde peu de cinéma, par contre je lis beaucoup de manga et, surtout, de romans. En manga, il y a donc principalement Yu Takita, mais également Fujiko F. Fujio, duo d'auteurs à l'origine de Doraemon. Il y a aussi, bien sûr, Osamu Tezuka, dont j'aime beaucoup les oeuvres Captain Ken, Tsumi to Batsu qui est une adaptation de Crime et Châtiment, et Phénix. Toutefois, en ce qui concerne Phénix, ça dépend beaucoup des arcs, certains m'ayant marquée plus que d'autres.
Sinon, je suis également une grande amatrice d'André Gide.



Le pays des cerisiers a été adapté en film. Avez-vous joué un rôle sur cette adaptation ? Qu'avez-vous pensé du résultat final ?
Je n'y ai pas vraiment participé, mais j'ai beaucoup aimé cette adaptation, qui était fidèle à mon manga. On sent qu'elle a été faite avec sérieux.


Vous avez gagné des prix comme le Japan Media Arts Festival ou le Prix Tezuka. Que représentent ces prix au Japon ?
Le prix du Japan Media est attribué par le Ministère de la Culture japonais, il s'agit donc d'un prix national prestigieux. Le Prix Tezuka, lui, est donné par un grand journal japonais, Asahi Shinbun.
Ces prix existent depuis maintenant plusieurs années, mais avant il n'y avait que des prix donnés par les maisons d'édition, qui faisaient plus office de remerciements pour le travail effectué. On peut donc voir l'arrivée de ces deux prix comme une nouvelle reconnaissance du manga en tant qu'art et élément culturel.
Ce qui est bien avec ces deux prix, c'est qu'ils ne se limitent pas à une seule maison d'édition ou à un seul type de manga. Tous ont leur chance, du plus court au plus long.


Pour conclure, penchons-nous sur une question peut-être un peu plus personnelle : dans la postface d'Une longue route, vous évoquez un homme du nom de Hidemitsu comme source d'inspiration pour le personnage de Sosuke. Qui est ce fameux Hidemitsu ? Votre mari, peut-être ?
Il s'agit effectivement de mon mari (rires).


Votre mari est aussi caractériel que Sosuke ?
Il est très gai, mais aussi très bougon même s'il essaie de le cacher (rires). Même quand ça ne va pas, il fait semblant d'être gai, mais ça ne trompe personne !
Je dois quand même dire qu'il n'est pas aussi bougon que Sosuke, mais à l'instar du héros d'Une longue route, ce n'est pas quelqu'un qui exprime vraiment son affection.


Et vous-même, vous reconnaissez-vous un peu dans le personnage de Michi ?
Je ne pense pas, mais je dois avouer que j'aimerais être comme elle. Mais en réalité, c'est peut-être déjà le cas, parce que mon entourage me dit régulièrement que je ressemble à Michi (rires).


Merci pour cet entretien!
Merci à vous!

commentaires

bidib

De bidib [341 Pts], le 08 Mai 2012 à 14h56

J'ai beaucoup aimé son manga Une longue route. merci pour cette interview très sympa.

J'espère avoir vite l'occasion de lire ses autres manga :)

niniii

De niniii [1120 Pts], le 04 Mai 2012 à 12h30

Interview super sympa :)

Kai

De Kai [1150 Pts], le 03 Mai 2012 à 09h38

Après avoir vu la couverture de Pays des cerisiers, je suis tombé sous le charme du dessin *^*

J'espère que le dessin sera de la même qualité dans le tome :D

manga666

De manga666 [1710 Pts], le 02 Mai 2012 à 14h54

je vais surement me procurer le pays des cerisiers tombé sous le charme des dessins !!!!

dkrevenge

De dkrevenge [2696 Pts], le 02 Mai 2012 à 09h16

sympathique

misato

De misato [228 Pts], le 02 Mai 2012 à 02h35

j'aurais bien aimé aller me faire dédicacer le pays des cerisiers, mais bon, boulot boulot ...

Lud

De Lud [482 Pts], le 01 Mai 2012 à 23h51

Merci beaucoup pour cet interview.

Cela compense bien l'impossibilité d'avoir pu rencontré cette charmante dame dont j'apprécie beaucoup les oeuvres. 

geoff

De geoff [1327 Pts], le 01 Mai 2012 à 21h18

Merci pour l'interview, très sympa à lire.

Kimi

De Kimi [3392 Pts], le 01 Mai 2012 à 20h23

Excellente interview! J'aime beaucoup le travail de l'auteure. :)

Theranlove2

De Theranlove2 [4047 Pts], le 01 Mai 2012 à 18h05

Il est vrai que son coup de crayon particulier ne colle pas toujours au théme mais il est superbe, et on arrive facilement à le canaliser et qu'il met plus en valeur les moments joyeux de ces histoires. J'ai adoré Une longue route personnelement :D

elie31

De elie31 [2956 Pts], le 01 Mai 2012 à 16h16

Sympa a lire ^^

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